Silvio Berlusconi, un leader qui avait aussi des liens étroits avec l’Afrique

Afriquinfos Editeur
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Libyan leader Moamer Kadhafi and Italian Prime Minister Silvio Berlusconi (L) pose for a picture after signing an agreement in the eastern city of Benghazi on Libya's Mediterranean coast on August 30, 2008. Berlusconi apologised to Libya for damage inflicted by Italy during the colonial era and signed a five-billion-dollar investment deal by way of compensation. The Italian premier made the apology after a meeting with Kadhafi to seal a cooperation accord with the oil-rich north African nation. AFP PHOTO/MAHMUD TURKIA LIBYA-ITALY-KADHAFI-BERLUSCONI

Rome  (© 2023 Afriquinfos)- L’ex-chef de Gouvernement italien, Silvio Berlusconi, sulfureux milliardaire, aussi célèbre pour ses manœuvres politiques que pour ses démêlés judiciaires et ses frasques sexuelles, est mort lundi à 86 ans. Dans le monde labyrinthique de la politique italienne, Silvio Berlusconi était le plus grand affairiste, un homme qui fusionnait les affaires et la vie publique comme personne d’autre. Il n’était pas non plus un inconnu sur le continent africain.

En août 2008, Silvio Berlusconi encore relativement sémillant Chef du gouvernement italien – il est alors âgé de 72 ans –, et le colonel Mouammar Kadhafi, chef de l’État libyen, échangent sourires et amabilités sous le regard des caméras. Le moment est ‘’historique’’. Berlusconi et Kadhafi viennent en effet de signer un traité ‘’d’amitié, de partenariat et de coopération’’ qui a pour vocation de ‘’fermer définitivement une phase du passé’’.

’Après les moments tragiques de l’occupation italienne et au nom du peuple italien, je me sens en devoir de présenter mes excuses et de manifester notre douleur pour ce qui s’est passé il y a tant d’années’’, lance le Chef du Gouvernement italien. ‘’Il s’agit d’un moment historique durant lequel des hommes courageux attestent de la défaite du colonialisme’’, renchérit son hôte libyen.

L’Italie  s’engage notamment à verser à la Libye 5 milliards de dollars sur les 25 prochaines années au titre du préjudice subi par les populations libyennes sous le joug des militaires italiens. Une enveloppe qui doit notamment permettre de construire une autoroute côtière pour relier la Tunisie à l’Égypte.

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En contrepartie, l’Italie pense sécuriser l’accès à d’énormes ressources pétrolières. ENI, la compagnie nationale italienne, obtient un accord de renouvellement de ses concessions pour un quart de siècle en Libye.

Tripoli participe à la lutte contre les flux migratoires

Tripoli s’engage alors à laisser les Italiens participer à des patrouilles mixtes dans les eaux territoriales libyennes, ce que ‘’le Guide’’ refusait jusque-là. L’Italie obtient également le droit d’installer des radars sur le littoral libyen. Les années suivantes prouveront comment Mouammar Kadhafi a su, au mépris de ces accords, jouer de ce levier migratoire pour faire pression sur l’Europe, sans grande considération pour le sort des candidats à l’émigration.

En 2009, Mouammar Kadhafi est à son tour à Rome où il est reçu en grande pompe par Silvio Berlusconi. Il reviendra à nouveau un an plus tard célébrer le deuxième anniversaire de l’accord précité, accompagné cette fois d’une troupe berbère composée de 30 chevaux pur-sang et de leurs cavaliers. Cette fois encore, Silvio Berlusconi met les petits plats dans les grands.

L’Italie est devenue au nom de ce rapprochement le troisième importateur de la Libye. Les Libyens investissent massivement en retour dans des entreprises italiennes. Quelques heures avant l’arrivée du colonel Kadhafi à Rome, le directeur général d’Eni, Paolo Scaroni, qualifie la Libye de ‘’pupille des yeux’’ du groupe pétrolier national italien. En février 2011, quand éclate la bataille de Benghazi, premier acte de la chute de Kadhafi, Silvio Berlusconi sera le seul dirigeant européen à continuer à parler directement avec le chef de l’État libyen.

Sarkozy, le détracteur commun à Berlusconi et Kadhafi  

Une décision de Nicolas Sarkozy d’intervenir très rapidement en Libye en mars 2011 a indisposé l’Italie, qui a plus longuement hésité avant de lâcher le colonel Kadhafi. Et c’est une vraie campagne anti-Français qui s’est alors déchaînée dans la presse populaire italienne, accusant la France d’être intervenue en terre libyenne, non pas pour sauver les civils libyens, mais pour des intérêts purement économiques. ‘’A eux le pétrole, à nous les clandestins!’’, titrait il y a peu un journal italien.

’Beaucoup d’émotion, mais peu de réalité’’, minimisait l’Elysée. Les positions de la France et de l’Italie vont se rapprocher plus tard sur le dossier libyen. Toutes deux avaient reconnu l’opposition libyenne, et avaient envoyé des conseillers militaires en Libye. Et l’Italie avait entre-autre accepté de mener avec ses avions des frappes ciblées en Libye.

De quoi réjouir Nicolas Sarkozy, qui avec Silvio Berlusconi, en faveur du dégel des fonds détenus à l’étranger par le régime de Kadhafi. De l’argent qui, selon Paris et Rome, devrait être octroyé à la résistance libyenne. Poussé dans ses derniers retranchements, c’est encore à Silvio Berlusconi que Mouammar Kadhafi enjoint de peser sur ses homologues européens – au premier rang desquels le Français Nicolas Sarkozy- avec lequel le Cavaliere entretenait des relations plus qu’orageuses.

Dans une lettre qu’il adresse en août 2011 au Chef du Gouvernement italien, il se dit ‘’surpris’’ par l’attitude d’un ami avec qui il a ‘’scellé un traité d’amitié favorable à nos deux peuples’’. Entre les deux hommes, le tutoiement est de mise. ‘’J’aurais espéré de ta part au moins que tu t’intéresses aux faits et que tu tentes une médiation avant d’apporter ton soutien à cette guerre. Je ne te blâme pas pour ce dont tu n’es pas responsable, car je sais bien que tu n’étais pas favorable à cette action néfaste qui n’honore ni toi ni le peuple italien. Mais je crois que tu as encore la possibilité de faire marche arrière et de faire prévaloir les intérêts de nos peuples’’, lui écrit le chef de l’État libyen.

À l’annonce de la mort de Kadhafi, le 20 octobre 2011, Berlusconi se montre particulièrement discret. Il réserve sa réaction à des membres du ‘’Peuple de la liberté’’. Quelques années plus tard, Silvio Berlusconi racontera les origines libyennes de l’expression ‘’bunga bunga’’.

Ces fameuses soirées qu’organisait l’ancien dirigeant italien et lors desquelles étaient ‘’invitées’’ des prostituées mineures. Des faits qui, s’ils ont fait scandale, n’ont eu aucune conséquence judiciaire pour Berlusconi. À en croire ses confidences à son biographe, dans un ouvrage paru en 2015, l’expression « bunga bunga » vient d’une blague graveleuse échangée avec Mouammar Kadhafi.

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