Bangui (© 2021 Afriquinfos) – Un de plus. Ces dernières années, nombre de rapports ont relevé et dénoncé des exactions commises par des mercenaires russes recrutés par Bangui pour épauler les FACA (Forces Armées Centrafricaines) dans leur combat contre les rebelles réunis au sein de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC). Un récent rapport de la Minusca a recensé des centaines d’exactions et a jugé la situation en Centrafrique alarmante.
Présents depuis 2017 en Centrafrique à l’«invitation» du Président Faustin Archange Touadéra, des «instructeurs militaires russes» pour ne pas nommer des mercenaires russes de Wagner et de Sewa Security Services et autres, ont depuis, une mainmise totale sur les rouages sécuritaires du pays. Leur intervention en décembre 2020 aux côtés des FACA, qui a littéralement sauvé le régime de Touadéra d’une chute face aux rebelles du CPC, leur a définitivement donné les clés de Bangui. Les multiples dénonciations sur leurs exactions n’y changent rien.
Ces derniers mois, révèle le rapport de la Minusca, «526 cas de violations et d’abus des droits de l’Homme et du droit international humanitaire à travers le pays» ont été enregistrés. Ces exactions ont «fait au moins 1.221 victimes» dont 144 civils, selon la mission onusienne. Parmi ces violations, l’ONU a recensé « des exécutions sommaires et extrajudiciaires, des actes de torture et de mauvais traitements, des arrestations et détentions arbitraires (…) des violences sexuelles liées au conflit et des violations graves aux droits de l’enfant ».
A en croire le document, les «instructeurs militaires russes» et leurs alliés des FACA sont «responsables de 46% des incidents confirmés». D’après des « preuves crédibles », ces derniers « ont participé activement à des opérations militaires », notamment à travers des « arrestations », des « actes de torture » ainsi que des « exécutions extrajudiciaires ». Ces mêmes faits ont été dénoncés dans de précédents rapports.
Malgré tout, au fil des ans, les mercenaires russes assoient un peu plus leur influence qui s’entend du Palais présidentiel aux mines, en passant par les milieux économiques et politiques. «La mainmise russe est quasi totale. Depuis le camp de Berengo, où il est installé depuis avril 2018, l’état-major de Wagner prend les décisions avant de les communiquer à Bangui à la Présidence et au ministère de la Défense, où – pure façade – Moscou a officiellement dépêché un conseiller en la personne du général Oleg Polguev. Dans l’ancienne enceinte du Palais de l’empereur Bokassa, les hommes de Wagner et de Sewa Security Services sont comme chez eux. Une partie des lieux est aménagée pour la formation des soldats centrafricains, et la piste de l’aérodrome, longue de deux kilomètres, a été réhabilitée. Mais le cœur du camp, qui abrite le bunker de l’état-major, est interdit aux locaux. Quant aux abords du périmètre, officiellement sous le contrôle du ministère de la Défense, il est gardé jour et nuit par des Blancs encagoulés», révèle une enquête menée par le confrère ‘Jeune Afrique’.
De la politique à l’économique
Un pan de l’économie centrafricaine passe également sous coupole russe. Les douanes notamment à la faveur d’un protocole d’accord signé en mai dernier entre Bangui et une Mission économique russe. Officiellement, il s’agit d’un accord de coopération technique par lequel la Mission économique russe aide à lutter contre la fraude en matière de transit et donc améliorer le niveau des recettes perçues par l’État centrafricain. En réalité, il s’agit surtout pour les partenaires russes de s’assurer du recouvrement et de la mainmise des sommes dues à l’administration centrafricaine au titre des droits de douanes. L’objectif final pour les Russes serait d’amortir un peu les sommes colossales engagées par la société de mercenariat PMC WAGNER pour aider à combattre les groupes rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC).
Les «experts russes» dépêchés pour cette mission se comportent évidemment en terrain conquis, faisant fi de toutes procédures en vigueur. Une situation qui a le don de créer des frustrations dans les rangs des fonctionnaires centrafricains qui sont relégués à de simples observateurs. La grogne monte aussi chez les commerçants qui voient de nouvelles taxes apparaître, et doivent payer plus pour voir leurs produits rentrer dans le pays. Conséquence, les prix des produits de première nécessité connaissent une hausse sur les marchés au grand dam des populations.
Sécurité, mines, douanes, la reconnaissance de Faustin Archange Touadéra pour ses amis russes n’a visiblement pas de limite. C’est à désormais se demander si les Russes ne se concentrent pas un peu plus sur le business que sur l’aspect sécuritaire. Après des opérations qui ont permis de repousser les rebelles et leur reprendre une bonne partie des territoires qu’ils occupaient, place au temps de la compensation. Avec le CPC qui n’a pas dit son dernier mot et continue de mener des incursions meurtrières à divers endroits du pays, l’idylle entre le dirigeant Touadera et ses «instructeurs russes» est partie pour durer encore longtemps. Avec à l’appui, de fréquentes dénégations de Bangui et de Moscou autour des accusations onusiennes citées dans les lignes antérieures.
Afriquinfos