Jacob Zuma s’est constitué prisonnier mercredi après une condamnation de prison ferme

Afriquinfos Editeur
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L'ex-président sud-africain Jacob Zuma s'adresse à ses partisans devant le tribunal de Pietermaritzburg, le 15 octobre 2019.

Il incarne à la fois le meilleur et le pire de l’Afrique du Sud: l’ex-président Jacob Zuma, détenu politique pendant la lutte contre l’apartheid, s’est constitué prisonnier mercredi après une condamnation de prison ferme pour son refus de témoigner devant une commission anticorruption. 

Forcé à la démission en 2018 à l’issue d’une série de scandales, l’ancien « combattant de la liberté » de 79 ans, gardien de troupeau zoulou qui a gravi de nombreux échelons sans jamais être allé à l’école, a toujours bénéficié d’un fervent soutien populaire et conservé une influence au cœur de la machine politique.

Au point d’empêcher son successeur Cyril Ramaphosa de s’imposer au sein du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), en entretenant une guerre de factions fratricide.

Une sorte d’emprise euphorisante, qui a poussé l’ancien chef d’Etat à affirmer « ne pas craindre la justice ». La semaine dernière, la Cour constitutionnelle, plus haute juridiction du pays, l’a condamné à 15 mois d’emprisonnement pour outrage à la justice.

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Les tribunaux et une commission anticorruption sont à ses trousses depuis des années, pour avoir pillé l’argent de l’Etat au cours de ses neuf ans au pouvoir (2009-2018). Mais c’est finalement pour avoir déclenché la colère des institutions et ri au nez des enquêteurs, par de multiples stratagèmes pour éviter de témoigner, qu’il a été condamné.

Après une semaine de recours en justice et de rebondissements, le politicien roublard et charismatique s’est finalement constitué prisonnier peu avant l’ultimatum posé par la justice: Il devait se rendre dimanche soir de lui-même ou la police viendrait le chercher à minuit mercredi. Il a quitté son fief de Nkandla (Est) quelques minutes avant pour se rendre dans un centre correctionnel de la région, a annoncé sa fondation.

– « Celui qui rit » –

Ces derniers mois, Jacob Zuma défiait les autorités depuis cette résidence dans la campagne zouloue, rénovée aux frais du contribuable pour 20 millions d’euros pendant sa présidence sous prétexte de travaux « de sécurité ».

Celui dont le deuxième prénom, Gedleyihlekisa, signifie en zoulou « celui qui rit en broyant ses ennemis », s’affichait encore le mois dernier jovial, sur TikTok, dansant avec ses petites-filles.

Au temps de l’ANC en exil sous l’apartheid, « JZ » a été le redouté chef des renseignements, sévissant contre les traîtres et les informateurs du régime. Il a aussi passé dix ans au pénitencier de Robben Island aux côtés de Nelson Mandela. En 2018, avant la fin de son deuxième mandat de président, il est emporté dans une spirale de scandales, double jeu et abus de pouvoir. Mais il conserve un solide réseau parmi les parlementaires et les responsables politiques.

Certains reconnaissent toujours en lui un gardien des traditions, qui arbore de temps à temps la tenue des guerriers zoulous, en peau de léopard, participant à des danses tribales. Jacob Zuma a quatre épouses et au moins 20 enfants.

L’ancien président est un familier des tribunaux. En 2006, il avait été acquitté du viol de la fille séropositive d’un de ses anciens compagnons de lutte. Il avait scandalisé le pays en affirmant avoir « pris une douche » après un rapport non protégé, pensant éviter ainsi toute contamination au VIH.

Jacob Zuma est aussi jugé dans une affaire de pots-de-vin de plus de 20 ans, dans laquelle il est accusé d’avoir empoché plus de quatre millions de rands (soit 235.000 euros au taux actuel) de Thalès, une des entreprises attributaires d’un juteux contrat d’armement d’une valeur globale de 2,8 milliards d’euros.

Là encore, l’ex-président qui a plaidé non coupable, a multiplié les recours et le procès a connu en mai un énième faux départ. La prochaine audience est fixée au 19 juillet.