Joël Proust, ancien cascadeur et chorégraphe équestre de blockbusters comme « Alexandre » d’Oliver Stone ou « Kundun » de Martin Scorsese, prépare ses étalons en vue de la reprise des tournages au Maroc après une longue traversée du désert en raison de l’épidémie de coronavirus.
Les bruits de sabot des chevaux en route pour l’entraînement au paddock rompent le calme du centre équestre situé à l’entrée de la capitale touristique Marrakech, exsangue après quinze mois de frontières fermées pour raisons sanitaires.
Faire le mort, partir au galop ou simplement marcher au pas… Les barbes arabes, frisons hollandais et purs-sangs espagnols suivent à la voix les directives de l’instructeur, ton ferme, silhouette longiligne moulée dans son tee-shirt et son jodphur.
Installé au Maroc depuis les années 80, le Français de 65 ans chorégraphie les scènes d’action équestre des plus grands films qui y sont tournés, tels « Kingdom of Heaven » (Ridley Scott, 2005) ou la « Momie » (Stephen Sommers, 1999) « avec plus de 200 chevaux galopant à toute vitesse ». Il a appris à monter « à des acteurs comme Johnny Depp ou Robert Pattinson » – pour « Waiting for The Barbarians » de Ciro Guerra.
« Nous espérons que le pays va ouvrir ses frontières, sinon ça va être compliqué », s’inquiète-t-il. Joël Proust prépare trois grandes productions internationales parmi lesquelles « L’Alchimiste ». Le tournage de cette production américaine adaptée du best-seller éponyme de l’écrivain brésilien Paulo Coelho doit commencer à la mi-juillet sous la direction de Kevin Scott Frakes. Ses chevaux participeront à des scènes de bataille, il dresse aussi des dromadaires ramenés du désert pour des scènes de caravanes.
– Année « difficile » –
L’année 2020 a été particulièrement « difficile »: « on a fait une pub pour le tourisme marocain et un seul film alors que d’habitude on en fait dix par an », dit-il. Le Français accueille des stages, gère les centres équestres de trois villages de vacances et organise des randonnées touristiques dans le désert, mais tout est à l’arrêt. Avec l’entretien de ses animaux et les charges de personnel, il évalue ses pertes « à 100.000 euros » environ. « On tient le coup mais il faudrait que ça reparte », ajoute-t-il.
La crise sanitaire a affecté l’industrie mondiale du cinéma et le Maroc n’a pas été épargné: avec seulement huit films internationaux en 2020 (pour un budget total de près de 60 millions de dirhams, environ 5,5 millions d’euros) le secteur a enregistré une baisse de près de 78%, selon le rapport annuel du Centre cinématographique marocain (CCM).
Le royaume s’efforce depuis plusieurs années de capitaliser sur la diversité de ses paysages naturels, avec une politique active d’incitations financières, pour attirer les plus grandes productions internationales.
Après les passages dans les années 50 de Pier Paolo Pasolini, Alfred Hitchcock ou encore Orson Welles, le pays a séduit des super-productions comme le « Kundun » de Scorsese sur la vie du Dalaï-Lama.
Pour ce film, « j’étais chargé d’apprendre à 40 Tibétains à monter à cheval. On a fait quatre mois de pas pour les processions », se remémore Joël Proust. Une expérience « intéressante » pour ce spécialiste des scènes d’action qui ne joue plus les cascadeurs depuis quelques années.
– Collin Farrel et Emilia Clarke –
De tous ses tournages, Joël Proust garde des anecdotes.
Pour « Alexandre », l’acteur irlandais Collin Farrel « devait faire un stage militaire de quinze jours dans un campement près de Marrakech » mais « a réussi un soir à s’échapper pour venir boire un coup avec nous », se souvient-il, amusé. La série à succès « Game of Thrones » lui a laissé le souvenir d’une scène épineuse avec l’actrice anglaise Emilia Clarke, alias Daenerys Targaryen, pour l’épisode mythique sur la libération de la cité rouge Astapor, tournée à Ouarzazate, dans le sud.
« Le réalisateur a décidé à la dernière minute qu’une armée de 200 figurants devait taper au sol avec leurs lances au moment où elle passait à cheval. Le bruit impressionnant a désorienté l’animal et déstabilisé sa cavalière », raconte-t-il. Pour boucler la scène, il a proposé que les guerriers « fassent semblant de taper au sol », le bruitage en post-production a fait le reste.
Aujourd’hui, le chorégraphe équestre attend avec impatience les indications de mise en scène pour l’Alchimiste. Avec une enveloppe d’environ 18 millions d’euros, c’est le plus gros contrat signé au Maroc depuis la série américaine « Homeland », selon la presse locale.