Zoom sur le ‘dambe’, sport de combat traditionnel en cours de modernisation au Nigeria

Afriquinfos Editeur
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Des combattants de dambe s'affrontent lors d'un combat amateur dans le quartier de Dei-Dei à Abuja, le 27 juin 2025. La Dambe World Series débute samedi 28 juin 2025 à Abuja, la capitale, dans le cadre de la dernière évolution d'un sport dont les origines remontent à plusieurs siècles chez les locuteurs haoussa d'Afrique de l'Ouest. Organisé dans l'enceinte du stade national et diffusé par DAZN, une chaîne sportive britannique, le tournoi est très éloigné de la tradition sociale qui aurait été organisée par des bouchers haoussa au Xe siècle.

Pour la première fois au Nigeria, un tournoi de dambe, un sport de combat traditionnel pratiqué dans le nord du pays, est retransmis en direct à la télévision samedi, 28 juin, dans la soirée.

Pour les athlètes pratiquant ce sport qui rappelle la boxe et dont les racines remontent à plusieurs siècles chez les locuteurs haoussa d’Afrique de l’Ouest, le combat se prépare bien avant de se retrouver dans l’arène face à l’adversaire. Plusieurs heures ou jours avant le match, ils se parent d’amulettes, se peignent les poings, et vont même jusqu’à se taillader les bras au rasoir avant d’y appliquer des remèdes traditionnels pour faire cicatriser les plaies.

Auwalu, également connu sous le nom de Dan Bichi, un combattant Dambe de la Maison Arewa, pose pour une photo dans le quartier de Dei-Dei à Abuja, le 27 juin 2025. La Dambe World Series débute samedi à Abuja, la capitale, dans le cadre de la dernière évolution d’un sport dont les origines remontent à plusieurs siècles chez les locuteurs haoussa d’Afrique de l’Ouest. Organisé dans l’enceinte du stade national et diffusé par DAZN, une chaîne sportive britannique, le tournoi est très éloigné de la tradition sociale qui aurait été organisée par des bouchers haoussa au Xe siècle.

Combinés aux prières des « mallams », ou guides spirituels, ces rituels doivent les rendre invincibles, au Nigeria mais aussi désormais aux yeux du monde entier. Le ‘Dambe World Series’, un tournoi télévisé, a décidé de faire ses débuts samedi à Abuja, la capitale du pays le plus peuplé d’Afrique (plus de 220 millions d’habitants). Organisé dans l’enceinte du stade national et retransmis par DAZN, une chaîne britannique spécialisée dans le sport, le tournoi est bien loin de la tradition sportive qui aurait été initiée au Xe siècle par des bouchers haoussas.

« Au lieu d’essayer de l’occidentaliser ou de le transformer en quelque chose d’autre, notre objectif est de professionnaliser » ce sport, explique Maxwell Kalu, fondateur du African Warriors Fighting Championship (AWFC), l’organisation qui gère le tournoi. Dans le même temps, l’un des principaux objectifs est « d’ouvrir la porte en invitant des gens à venir concourir au Nigeria ».

– « Coronavirus »-

« C’est un grand moment, je suis très heureux », a déclaré à la veille du tournoi Abdullahi Ali, « Coronavirus » de son nom de sportif, un jeune homme de 20 ans qui pratique ce sport depuis son enfance. « Le public augmente chaque jour ». Dans le dambe, à la place de gants, les combattants ont un poing fermement bandé avec de la corde, leur bras de frappe. L’autre main est tendue, maintenant l’espace entre les adversaires, prête à parer les coups ou à empoigner l’ennemi. Puis le poing bandé attaque, faisant claquer l’air comme un ressort tendu.

Au milieu des coups, un sportif perd l’équilibre et tombe, on dit qu’il a été « tué ». Le round est terminé. Dans la soirée du 28 juin, les boxeurs sont montés sur un ring rempli de sable sous les projecteurs du stade, et les combats ont été entrecoupés de numéros musicaux et de pauses publicitaires.

« Coronavirus » et son adversaire se sont affrontés, en sueur, sous les acclamations d’une foule tendue, les spectateurs grimaçant presque à la vue de la violence des coups portés. « C’est un peu effrayant, mais j’aime bien », a déclaré Joy Beatrice, une agente forestière de 30 ans dans les tribunes.

– Expansion –

Autrefois voué à rester confiné dans des quartiers populaires et marginaux, le dambe a finalement attiré peu à peu l’attention du Gouvernement nigérian, soucieux de préserver et promouvoir ce sport ancestral. Avec l’avènement de YouTube et d’Instagram, le dambe attire désormais des fans du monde entier. En 2017, un organisateur de combats déclarait à BBC que 60% de ses spectateurs venaient de l’étranger.

Ce sport s’est également développé au niveau national: depuis quelques années, des combats sont organisés sporadiquement dans la ville de Lagos, dans le sud du pays, attirant des spectateurs curieux de découvrir le passe-temps de leurs compatriotes du nord et ravis de le voir dans un vrai stade.

La professionnalisation offre également la possibilité d’introduire des protocoles de sécurité et des salaires stables dans ce sport de combat autrement non réglementé.

« Si je me marie, je ne laisserai pas mes enfants pratiquer ce sport », a déclaré Usman Abubakar, 20 ans, le poing teint en henné foncé et le bras couvert de cicatrices. Une blessure à la poitrine l’a contraint à rester sur la touche pendant deux ans, se rappelle-t-il douloureusement.

– Etrangers bienvenus –

Les combattants du 28 juin se sont affrontés pour représenter le Nigeria dans ce qui est envisagé comme une série télévisée internationale à plusieurs volets. L’année dernière, avec le soutien de la WAFC, le Britannique Luke Leyland a fait le voyage de Liverpool à Lagos pour participer à un combat de dambe, devenant ainsi le premier combattant blanc à participer à l’un de ces tournois.

Abdullahi Ahmed (à droite), également connu sous le nom de Coronavirus, combattant de dambe de la maison Kudu, prie pour le championnat avec des guides spirituels pour les combattants de dambe dans l’État de Nasarawa, le 26 juin 2025. Le dambe, une forme traditionnelle de boxe originaire du peuple haoussa du nord du Nigeria, a conservé sa popularité jusqu’à nos jours en devenant un sport organisé. Le combat de dambe serait apparu vers le Xe siècle et serait lié à des célébrations culturelles et cérémonielles.

Il a été « détruit », selon un média local, mais il a tiré un documentaire de son expérience. Interrogés sur ce qui se passerait si des non-Nigérians commençaient à participer aux compétitions, « Coronavirus », Abubakar et un troisième sportif, Anas Hamisu, se montrent enthousiastes à l’idée que davantage de personnes s’intéressent à leur sport. Tous sont unanimes et prêts à prendre les paris: les Nigérians seront victorieux.

© Afriquinfos & Agence France-Presse