(© 2025 The Conversation)- Les Peuls (Foulani, Fulbhés, ou Fula) sont le plus grand groupe pastoral d’Afrique. Il y a entre 25 et 40 millions de Peuls dans 17 pays africains, des côtes atlantiques du Sénégal et de la Mauritanie jusqu’au Soudan.
Les Peuls suscitent depuis longtemps l’intérêt des anthropologues sociaux par leur patrimoine culturel complexe. Ils élèvent principalement des bovins, des chèvres et des moutons dans la vaste région aride du Sahel. Certains sont nomades, mais beaucoup ont adopté un mode de vie sédentaire. Dans la large ceinture géographique où ils vivent, ils parlent 11 dialectes.
Les origines et les schémas migratoires des Peuls ont fait l’objet de débats scientifiques. Certaines caractéristiques physiques sont similaires à celles communément observées chez les populations européennes. Celles-ci, associées à des pratiques culturelles spécifiques telles que la scarification, ont donné l’impression que leurs ancêtres étaient venus d’ailleurs en Afrique de l’Ouest.
Une façon d’en savoir plus sur l’histoire d’une population est d’étudier ses gènes. Cela permet également d’éclairer la recherche médicale.
Les populations africaines restent sous-représentées dans les études génomiques. Seules environ 1,1 % des données génomiques utilisées pour étudier les liens entre les gènes et les maladies proviennent de personnes d’origine africaine. Cela signifie qu’elles risquent de passer à côté des avantages potentiels de la recherche génomique, tels que la détection précoce des maladies et les médicaments conçus pour des cibles biologiques spécifiques.
Les ensembles de données génomiques couramment disponibles manquent également d’échantillons d’ADN peuls complets couvrant l’ensemble de la région qu’ils habitent.
Pour combler cette lacune, nous avons mené pendant plus de dix ans des recherches chez les nomades peuls à travers la ceinture sahélienne/savane.
Nous sommes une équipe internationale de chercheurs spécialisés dans la diversité et l’évolution humaines. Nos recherches portent sur les migrations humaines, l’adaptation et la diversité culturelle et génétique. Nous voulions découvrir l’histoire génétique et évolutive des Peuls.
Nos travaux ont révélé que tous les groupes peuls partagent un patrimoine génétique commun. Celui-ci a été façonné par des siècles de migration et d’interaction avec diverses populations africaines. Leur ascendance comprend des influences provenant à la fois des populations d’Afrique du Nord et de l’Ouest.
Nos découvertes
Compte tenu du mode de vie essentiellement nomade des Peuls et de la dispersion géographique de leurs campements, nos chercheurs se sont souvent rendus dans des endroits reculés. Les chercheurs sur le terrain ont travaillé avec des interprètes et des linguistes peuls pour expliquer l’objectif de la recherche aux communautés.
Nous avons obtenu des échantillons biologiques et des données anthropologiques pour plus de 400 participants issus des populations peules de sept pays : Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Cameroun, et Tchad.
Les analyses génomiques confirment une signature génétique peule distincte. Cela reflète des liens ancestraux profonds avec l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Des traces d’ancêtres nord-africains, y compris des influences des anciens Ibéromaurusiens (chasseurs-cueilleurs de l’âge du Paléolithique supérieur), sont présentes dans toutes les populations peules. Cela montre que les populations se sont déplacées entre le Sahel et la région du Maghreb pendant la période du Sahara vert il y a 11 000 à 5 000 ans.
Nos découvertes indiquent également des liens génétiques plus étroits entre les Peuls et les communautés d’Afrique de l’Ouest. Les populations peules de l’Est partagent des affinités génétiques avec les groupes d’Afrique centrale et orientale.
Ce schéma correspond aux données historiques sur les migrations des Peuls. Il souligne également le rôle du flux génétique continu à travers le Sahel dans la formation de leur diversité génétique. Cet échange génétique a peut-être contribué à la résilience des Peuls en tant que pasteurs, leur permettant de s’adapter à diverses conditions écologiques et climatiques.
Nos découvertes vont au-delà de l’ascendance. Nous avons constaté que les Peuls ont des adaptations génétiques pertinentes à leur environnement et à leur mode de vie. Un exemple est la forte prévalence d’un trait génétique qui permet à une personne de digérer le lait au-delà de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Elle est souvent associée aux populations européennes et nord-africaines, ce qui suggère que les gènes ont autrefois circulé à partir de ces régions. Elle a dû être essentielle au maintien de l’économie pastorale basée sur les produits laitiers des Peuls.
Une autre découverte frappante est la faible prédisposition des Peuls au parasite responsable du paludisme grave. Il y a une forte incidence du paludisme dans la ceinture du Sahel.
Importance culturelle et historique
L’étude génétique des Peuls nous en dit plus sur leur histoire biologique en tant que population et enrichit notre compréhension de leur histoire culturelle et historique.
Les brassages et migrations des populations révélés par leur ADN confirment les traditions orales et les récits historiques relatant les déplacements des Peuls à travers l’Afrique. Certains historiens et linguistes ont fait état de migrations passées des Peuls du Sénégal au Mali en passant par la Guinée, puis au lac Tchad et même au-delà en passant par le Nigeria et le Niger.
Leur diversité génétique complexe, issue de différentes sources, reflète leur capacité à assimiler divers éléments culturels. Elle suggère une histoire de survie dans des environnements difficiles et de menaces sanitaires.
Les adaptations génétiques des Peuls, telles que la capacité à digérer le lait et à résister au paludisme, ont eu un impact profond sur leurs structures sociétales et leurs résultats en matière de santé. Ces caractéristiques leur ont permis de prospérer dans des environnements variés.
The Conversation