Le procès de dizaines de personnes accusées de « complot » contre l’Etat, dont de grands noms de l’opposition au Président Kais Saied, s’est ouvert mardi 4 mars 2025 à Tunis, une affaire d’exception dénoncée comme « politique » par les militants des droits humains.

Dans la salle d’audience archicomble, l’avocat et militant Ayachi Hammami, qui fait partie des accusés, a dit au juge « refuser de participer à cette mascarade », tandis que des proches des prévenus brandissaient leurs portraits en scandant des slogans contre une « justice aux ordres ». L’audience s’est ouverte en l’absence des accusés en détention, dont les autorités judiciaires ont décidé qu’ils comparaîtraient par visioconférence. Une mesure vivement dénoncée par la défense.

L’avocat Abdelaziz Essid a exhorté à « mettre fin à cette folie ». Après la levée de l’audience, les juges ont rejeté la demande de libération des accusés, a indiqué à l’AFP l’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek. La prochaine audience a été fixée au 11 avril, d’après la même source. Responsables de partis, avocats, figures des affaires et des médias: une quarantaine de personnes en tout sont poursuivies pour « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et « adhésion à un groupe terroriste ».
Ces accusations sont passibles de lourdes peines de prison et jusqu’à la peine capitale. Il est reproché à un certain nombre de mis en cause, selon la défense, d’avoir eu des contacts jugés suspects avec des diplomates. L’ONG Human Rights Watch (HRW) a pressé les autorités tunisiennes de libérer « immédiatement » toutes les personnes « arbitrairement détenues » dans cette affaire et « de mettre fin à cette parodie » de procès.

– « Harcèlement judiciaire » –
Le procès est hors-norme par son ampleur et par l’identité des accusés, dont beaucoup sont des vétérans du militantisme, habitués des plateaux télévisés. L’un d’eux, le juriste Jawhar Ben Mbarek, actuellement en détention, a fustigé un « harcèlement judiciaire » ayant pour but « l’élimination méthodique des voix critiques » en Tunisie. Depuis le coup de force du Président Saied à l’été 2021, par lequel il s’est octroyé les pleins pouvoirs, défenseurs des droits humains et opposants dénoncent la régression des droits et libertés dans le pays qui avait lancé le Printemps arabe en 2011.

« C’est un procès injuste », a dit mardi à l’AFP l’opposant historique Ahmed Néjib Chebbi, chef du Front du salut national, principale coalition d’opposition au Président Saied. « S’opposer au pouvoir en place n’est pas un crime, c’est un droit », avait-il récemment défendu.
Lui-même est mis en cause dans ce procès mais en liberté, contrairement à son frère Issam Chebbi, un chef de parti en détention. Pour l’avocat Samir Dilou, il y a bien complot dans cette affaire, mais « un complot du pouvoir contre l’opposition ». La défense assure que le dossier est « vide » et repose notamment sur des témoignages anonymisés. Parmi les accusés, figurent un ancien haut responsable du parti islamiste Ennahdha, Abdelhamid Jelassi et les militants Khayam Turki et Chaïma Issa.
L’homme d’affaires Kamel Eltaïef et l’ex-députée et militante féministe Bochra Belhaj Hmida en font également partie, tout comme une ancienne conseillère du Président Saied, Nadia Akacha, et le militant des droits humains Kamel Jendoubi. Dans la liste se trouve aussi le nom de l’intellectuel français Bernard-Henri Lévy.
Plusieurs des accusés ont été interpellés lors d’un coup de filet dans les rangs de l’opposition en 2023. Le Président Saied les avait alors qualifiés de « terroristes ». Dimanche 02 mars, en visite dans les rues de la capitale, il a affirmé à une Tunisienne qui l’interpellait sur ses fils emprisonnés – sans lien avec le procès des opposants – qu’il n’intervenait « jamais » dans les affaires de justice. « Que cela soit clair pour tout le monde », a-t-il lancé. Plusieurs des accusés sont en détention, une partie en liberté et les autres à l’étranger.
D’autres opposants ont récemment été condamnés à de lourdes peines de prison, comme Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha et ancien président du Parlement, qui a écopé de 22 ans pour « atteinte à la sûreté de l’Etat« . Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a dénoncé la « persécution des opposants » en Tunisie, estimant que nombre d’entre eux faisaient « l’objet d’accusations vagues ». La Tunisie a dit sa « profonde stupéfaction » après ces critiques.
Se battre, encore et encore
Le procès d’un grand nombre d’opposants au Président Kais Saied, parmi les plus connus de Tunisie, s »est ouvert ce 04 mars 2024 pour « complot contre la sûreté de l’Etat », une affaire dénoncée comme « vide » et « politique » par des ONG et l’opposition.
Responsables de partis, avocats, figures des médias: une quarantaine de personnes issues de divers courants sont poursuivies. Nombre d’entre elles sont soupçonnées de contacts avec l’étranger, notamment des diplomates. Elles sont inculpées pour « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et « adhésion à un groupe terroriste », d’après la défense. Des accusations passibles de lourdes peines de prison et jusqu’à la peine capitale. Plusieurs d’entre elles ont été arrêtées lors d’un coup de filet dans les rangs de l’opposition en 2023. Le Président Saied avait à l’époque qualifié les personnes interpellées de « terroristes ».
Parmi les grands noms du procès figurent le chef du parti Al Joumhouri, Issam Chebbi, le juriste Jawhar Ben Mbarek et un ancien haut responsable du parti islamiste Ennahdha, Abdelhamid Jelassi.
En font aussi partie les militants Khayam Turki et Chaïma Issa, l’homme d’affaires Kamel Eltaïef et l’ex-députée Bochra Belhaj Hmida, ancienne présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Cette dernière se trouve en France. L’intellectuel français Bernard-Henri Lévy figure aussi parmi les accusés.
– « Vide » –
Depuis sa cellule, Jawhar Ben Mbarek a dénoncé dans une lettre lue lors d’une conférence de presse « un harcèlement judiciaire » visant à « l’élimination méthodique des voix critiques ». M. Ben Mbarek est l’un des fondateurs du FSN (Front du salut national), principale coalition d’opposition au Président Saied. Depuis le coup de force de ce dernier à l’été 2021, par lequel il s’est octroyé les pleins pouvoirs, l’opposition et des ONG dénoncent une régression des droits et libertés en Tunisie, pays qui avec sa révolution en 2011 avait lancé le « Printemps arabe ».
La soeur de M. Ben Mbarek, l’avocate Dalila Msaddek, affirme que le dossier d’instruction est « vide » et fondé sur « des accusations se basant sur de faux témoignages ». D’après la défense, les autorités judiciaires ont décidé que les accusés en détention devaient comparaître à distance, par visioconférence. Inacceptable pour les proches des accusés, qui exigent la présence des détenus. « C’est l’une des conditions d’un procès équitable », a déclaré à la presse l’opposant historique Ahmed Néjib Chebbi, chef du FSN et frère d’Issam Chebbi. Lui-même est mis en cause dans ce procès mais en liberté.
« C’est une affaire dont les témoins et les preuves sont secrets », a dit un cadre d’Ennahdha, Riadh Chaibi. « De l’absurdité judiciaire, nous sommes passés à la folie judiciaire », a renchéri l’avocat Samir Dilou, également membre d’Ennahdha.
– « Persécution » –
Le père de Jawhar Ben Mbarek, le militant Ezzedine Hazgui, a dit à l’AFP son « amertume » d’avoir voté pour Kais Saied en 2019. Son fils lui aussi « s’était battu comme un diable » pour faire élire M. Saied, qui était alors un universitaire régulièrement invité comme analyste par les télévisions, selon Me Msaddek. Sur la quarantaine de personnes poursuivies, plusieurs sont en détention, une partie est en liberté et le reste en fuite à l’étranger. D’autres opposants et personnalités politiques ont récemment été condamnés à de lourdes peines de prison.
Début février 2025, Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha et ancien président du Parlement, a ainsi été condamné à 22 ans pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Ennahdha était la principale force politique dans le Parlement dissous par M. Saied lors de son coup de force de juillet 2021. Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a dénoncé la « persécution des opposants » en Tunisie, estimant que nombre d’entre eux faisaient « l’objet d’accusations vagues et larges après avoir vraisemblablement exercé leurs droits et leurs libertés ».
La Tunisie a dit sa « profonde stupéfaction » après ces critiques, assurant que les personnes mentionnées par l’ONU avaient été renvoyées pour « des crimes de droit public qui n’ont aucun lien avec leur activité partisane, politique ou médiatique ». « La Tunisie pourrait donner des leçons à ceux qui pensent être en position de faire des déclarations ou donner des leçons », a lancé le ministère tunisien des Affaires étrangères.
Ras-le-bol politique face à un procès
Des opposants tunisiens, accusés de complot contre la sûreté de l’Etat, ont réclamé dans des lettres écrites depuis leurs cellules un procès « public » et « équitable » à l’approche de la première audience, ont indiqué jeudi 27 février 2025 leurs proches et avocats.

Une quarantaine de personnes, dont des hommes politiques de premier plan, des avocats et des figures médiatiques, sont poursuivies dans cette affaire. Plusieurs d’entre elles ont été arrêtées lors d’un coup de filet dans les rangs de l’opposition en 2023. Selon la défense, les autorités judiciaires ont décidé une audience à distance pour les accusés en détention.

En font partie le chef du parti Al Joumhouri, Issam Chebbi, le juriste et cofondateur du Front du salut national (FSN) — principale coalition d’opposition au Président Kais Saied — Jawhar Ben Mbarek et un ancien haut responsable du parti islamiste Ennahdha, Abdelhamid Jelassi.

« Nous voulons un procès public, ni à distance ni en catimini », a écrit Jawhar Ben Mbarek depuis sa prison près de Nabeul, dans le nord de la Tunisie. Sa missive a été lue lors d’une conférence de presse à Tunis par son père Ezzedine Hazgui, lui-même opposant sous les présidences de Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali. « Nous sommes sûrs de notre innocence et si le régime ferme les portes du tribunal face à l’opinion publique », c’est parce qu’il a « honte de ses actions et de ce mauvais dossier monté » de toutes pièces, a-t-il poursuivi, dénonçant « un harcèlement judiciaire » contre les militants.

« Il faut que notre procès du 4 mars soit public », qu’il se fasse « avec notre présence » physique au tribunal et que les « portes (soient) ouvertes à la presse et aux citoyens (…), pour garantir un procès équitable », a écrit de son côté l’ancien ministre Ridha Belhaj, détenu dans la même affaire et dont la lettre a également été lue lors de la conférence.
Parmi les personnes poursuivies dans cette affaire, plusieurs sont en détention, une partie est en liberté et le reste en fuite à l’étranger, selon l’avocate Dalila Msaddek. Depuis le coup de force de l’été 2021 par lequel le Président Kais Saied s’est octroyé les pleins pouvoirs, l’opposition et des ONG tunisiennes et étrangères dénoncent une régression des droits et libertés en Tunisie.

© Afriquinfos & Agence France-Presse