Tunisie: Carthage justifie la nomination d’un nouveau Premier ministre, à deux mois d’une présidentielle dans un contexte tendu

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Tunis (© 2024 Afriquinfos)- Le Président tunisien, Kaïs Saïed, a limogé dans la soirée de ce mercredi 7 août son Premier ministre Ahmed Hachani. Un limogeage assez inattendu, qui intervient près de deux mois avant la présidentielle du 6 octobre.

Ahmed Hachani, a été limogé par le Président Kaïs Saïed dans un communiqué laconique publié sur les réseaux sociaux. Son successeur, nommé également dans la soirée, est le ministre des Affaires sociales, Kamel Madouri. Aucune forme d’explication n’a été fournie par les services de la présidence, rappelant les circonstances dans lesquelles M. Hachani avait été appelé à gouverner, le 1er août 2023, en lieu et place de Najla Bouden, renvoyée elle aussi sans justification ni remerciement.

Mais même si aucune explication officielle n’a été donnée quant au limogeage d’Ahmed Hachani, des spécialistes soutiennent que ceci serait probablement lié à la crise économique vécue par ce pays, berceau du printemps arabe en 2011.

En effet, l’économie tunisienne est à l’arrêt avec seulement 0,4% de croissance en 2023. Le taux de chômage dans ce pays s’élève, lui, à 16,4% en décembre dernier, contre 15,2% en décembre 2022. La Tunisie est également endettée à hauteur de 80% de son PIB, ce qui a provoqué des manifestations massives contre la crise socio-économique. Plusieurs autres facteurs auraient aussi précipité la chute d’Ahmed Hachani. Parmi eux figure la hausse du pouvoir d’achat.

Selon la radio tunisienne Mosaïque fm, Kaïs Saïed a présidé un Conseil de la sécurité nationale quelques minutes après l’officialisation du limogeage d’Ahmed Hachani. Au cours de celui-ci, le président tunisien a fait savoir «que la hausse des prix était inacceptable, tout comme l’absence brutale d’un certain nombre de produits alimentaires des marchés, ou encore le déversement d’eaux usées dans la mer, comme cela s’est produit hier à Sousse».

S’ajoute à cela la crise migratoire à laquelle la Tunisie fait face. Le 23 juillet 2024, le ministère de l’Intérieur tunisien a publié les chiffres concernant le nombre de migrants sur son sol. Selon les autorités, du début de l’année jusqu’au 14 juillet, plus de 74.464 migrants ont été interceptés alors qu’ils tentaient de «franchir les frontières maritimes en direction de l’Europe», plus que sur l’ensemble de 2023 (environ 70.000).

Des avancées faméliques avec Hachani

Après une année à ce poste, M. Hachani avait dressé le bilan de son gouvernement à travers deux vidéos publiées sur les réseaux sociaux mercredi. Il mettait en avant la hausse du salaire minimum, les mesures prises pour la gestion des ressources en eau, ainsi que des projets d’amendement du code des changes et du code du commerce.

A l’international, il peut se féliciter d’avoir représenté la Tunisie à diverses reprises, multipliant les voyages en se rendant successivement au Forum de Davos (Suisse) en janvier, à Paris pour une rencontre bilatérale avec son homologue français, Gabriel Attal, en février, au sommet Corée-Afrique de Séoul et à celui du G7 dans le sud de l’Italie en juin, ainsi qu’au Forum sur les migrations transméditerranéennes à Tripoli en juillet.

Ces résultats restent globalement faibles et n’ont pas permis d’endiguer la crise socio-économique que traverse la Tunisie. Cependant, la question est de savoir si Kamel Madouri pourra faire mieux ? Né en 1974 à Téboursouk (nord-ouest), il a lui aussi un profil de technocrate. Chercheur en droit et spécialiste des relations tuniso-européennes, membre de différentes commissions mixtes sur la sécurité sociale, il a évolué dans plusieurs institutions publiques de l’Etat-providence avant d’être nommé directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) en février 2023. Il est entré récemment dans la vie politique à la faveur d’un remaniement gouvernemental partiel opéré par Kaïs Saïed, qui en a fait en mai son ministre des affaires sociales, remplaçant Malek Ezzahi.

V. A.