Tidjane Thiam veut voir la Côte d’Ivoire imiter le Sénégal et le Ghana en alternance politique

Afriquinfos Editeur
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L'opposant ivoirien Tidjane Thiam au Parlement européen à Bruxelles le 16 mai 2025.

Tidjane Thiam, président du principal parti d’opposition en Côte d’Ivoire, a appelé de nouveau ce 16 mai 2025 à une élection présidentielle « inclusive, transparente et crédible », alors que son ambition de réussir l’alternance se heurte pour l’instant à son inéligibilité. 

Ce pays africain doit montrer qu' »il a atteint un niveau de maturité politique suffisant pour arrêter d’éliminer les candidats aux présidentielles », a déclaré M. Thiam dans un entretien avec l’AFP à Bruxelles. « L’essentiel est que la Côte d’Ivoire ait une élection inclusive, transparente, crédible, qu’elle démontre qu’elle peut avoir une alternance politique pacifique, ce que le Sénégal et le Ghana ont fait », a-t-il poursuivi.

L’opposant ivoirien Tidjane Thiam au Parlement européen à Bruxelles le 16 mai 2025.

Cet homme d’affaires de 62 ans, hors de son pays depuis près de deux mois, a été réélu mercredi 14 mai à la tête du PDCI, principal parti d’opposition ivoirien, dans une élection où il était seul candidat. Un imbroglio sur sa nationalité ivoirienne – qui lui est contestée devant les tribunaux – l’a poussé à démissionner de ce poste pour se représenter dans la foulée. Cette élection ne règle toutefois pas la question de son inéligibilité à la présidentielle prévue le 25 octobre: M. Thiam fait partie des opposants au Président ivoirien Alassane Ouattara qui sont radiés de la liste électorale et ne peuvent pas participer au scrutin.

Fin avril 2025, la justice ivoirienne a mis en avant une loi de 1961 pour lui signifier qu’il n’était pas ivoirien et par conséquent le radier des listes, ce que Tidjane Thiam a jugé « irresponsable ». La justice a estimé que M. Thiam avait perdu sa nationalité ivoirienne après avoir été naturalisé français en 1987, considérant, selon cette loi, que l’acquisition volontaire d’une autre citoyenneté entraîne la perte de la nationalité ivoirienne.

« Cette loi est désuète, n’a jamais été appliquée à personne en 64 ans, et ils se sont appuyés dessus pour me faire disparaître de la liste électorale », a souligné M. Thiam, petit-neveu de l’ancien Président Félix Houphouët-Boigny. Et qui fut ministre à la fin des années 1990, avant de faire carrière dans le secteur bancaire à l’étranger.

– « Que la raison revienne » –

Les autorités récusent régulièrement toute intervention politique dans le processus électoral, assurant qu’il s’agit de décisions prises par une justice indépendante. « Ces questions d’identité, d’ivoirité, c’est tout ce qui a déjà conduit le pays à des catastrophes et à des milliers de morts. Il faut tirer les leçons du passé et que la raison revienne », a insisté l’opposant.

Tidjane Thiam était en déplacement à Bruxelles pour participer à une manifestation d’opposants ivoiriens prévue dans l’après-midi aux abords des institutions de l’UE. Il a expliqué ne pas encore envisager un retour au pays, faute de garanties suffisantes sur la validité de ses papiers d’identité. « On a demandé un certificat de nationalité au ministère de la Justice il y a dix jours, on attend toujours (….) Pour voyager, il faut des papiers valides, c’est la décision des autorités », a-t-il fait valoir.

Selon lui, la question de son appartenance nationale, de simple ou double nationalité, est encore totalement floue. « On m’a dit que j’étais de nouveau ivoirien mais par un mécanisme que personne ne comprend, certains m’accusent de l’être redevenu frauduleusement ». Sur le plan politique, ce fils de journaliste, passé par Polytechnique et les Mines à Paris, dit vouloir « redresser » un pays qui est « dans les trente derniers mondiaux en matière d’espérance de vie et d’éducation« . 

« La Côte d’Ivoire est deux fois plus riche que le Sénégal mais ses habitants ont neuf ans d’espérance de vie en moins (59 ans contre 68) après quinze ans de régime Ouattara. Je n’appelle pas ça un succès« , dénonce-t-il.

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