Tchad/Transition: Le pouvoir de MIDI a désormais toutes les cartes en main sans tutelle de Paris pour le développement

Afriquinfos Editeur
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Le Président MIDI (photo AFP).

Avec la victoire écrasante de son parti aux élections sénatoriales du 25 février 2025, le Président Mahamat Idriss Déby Itno, propulsé au pouvoir par des frères d’armes après la mort de son père en avril 2021, puis légitimé par les urnes au printemps dernier, verrouille la gouvernance du Tchad au terme d’un grand chelem électoral.

Après trois ans à la tête de la Transition, celui qui va fêter ses 41 ans en avril prochain a obtenu en mai 2024 un mandat présidentiel de cinq ans lors d’un scrutin boycotté par l’opposition et qualifié par des ONG internationales de « non libre, ni crédible ».

Le Président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno (d) accueillie par le ministre hongrois de l’Agriculture, Istvan Nagy, à son arrivée à l’aéroport de Budapest, le 7 septembre 2024 en Hongrie.

Le parti fondé par son père, le Mouvement patriotique du Salut (MPS), contrôle 124 des 188 sièges de députés et les présidences des 23 régions du pays depuis les élections de décembre 2024, mais aussi le Sénat. Le MPS a en effet remporté par les urnes 43 des 46 sièges de Sénateurs et prédomine sur la liste des 23 nominations directes relevant du Chef de l’Etat qui a été publiée dans la soirée de ce 04 mars 2025.

Au terme du cycle électoral marquant la fin de la Transition, l’opposition qui a boycotté les derniers scrutins ne siège nulle part et le parti au pouvoir domine partout! Une situation inédite depuis le renversement en 1990 du dictateur Hissene Habré mené par le maréchal Déby père. Le fils, lui aussi promu Maréchal, a été désigné fin janvier 2025 président national du MPS.

Des soldats français de la Force Barkhane en patrouille à Faya-Largeau, dans le nord du Tchad, le 2 juin 2022.

« Nous consolidons davantage la fondation de notre démocratie », a cependant estimé le Conseil constitutionnel ce 04 mars en proclamant les résultats des Sénatoriales, tout en appelant « le peuple tchadien à demeurer vigilant » et à « continuer à travailler ensemble ».

« Nous n’accordons aucun crédit à tout ce qui est issu de ces élections », a pour sa part déclaré à l’AFP Mahamat Zene Chérif, président du parti Tchad Uni, qui comme toute l’Opposition tchadienne, a appelé à boycotter tous les scrutins depuis la présidentielle, en prédisant des « résultats préfabriqués ». Pour lui, « c’est très inquiétant que, dans un régime dit démocratique et un État de droit digne de son nom, l’ensemble des institutions républicaines soient sous le contrôle d’un seul parti ».

Le MPS, lui, justifie la nouvelle donne par « la Transition qui a chamboulé toutes les cartes politiques »: « les anciens partis sont tous rentrés dans la majorité, il n’y a plus d’Opposition, le MPS a les militants et les moyens, il est seul présent sur l’ensemble du pays, ce n’est que logique qu’il gagne toutes les élections« , a commenté son Secrétaire général, Aziz Mahamat Saleh.

Si le Président Déby a assuré fin janvier 2025 que « le MPS ne saurait gouverner seul », cela ne s’est pas traduit dans les faits lorsque le Gouvernement a été remanié début février 2025, sans tenir compte de la main tendue par son principal opposant Success Masra, du parti des Transformateurs.

– « Patrimoine » –

« Un Président en exercice a besoin d’avoir sous sa coupe les différentes institutions pour mener à bien son programme politique » mais « avec tout ce pouvoir, il est à craindre de tendre vers une certaine dictature », analyse le politologue Evariste Ngarlem Tolde, enseignant-chercheur à l’Université de N’Djamena. « Le Tchad n’a jamais connu des élections libres, transparentes et crédibles (….) le pouvoir est conquis par les armes et le sacrifice du sang puis, une fois conquis, devient un patrimoine à conserver« , avec « des mascarades électorales pour donner un semblant de légitimité« , estime le constitutionnaliste Ahmat Mahamat Hassan.

Sans attendre les Sénatoriales, le pouvoir a récemment décliné ses « 12 chantiers prioritaires », le premier étant de « renforcer la paix, la réconciliation nationale et la sécurité » dans un contexte régional tendu, marqué par la guerre civile au Soudan voisin, les incursions du groupe jihadiste Boko Haram et les déclarations belliqueuses de rebelles tchadiens.

Max Kemkoye, porte-parole du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP, Opposition radicale) s’inquiète que « l »habillage électoral ubuesque » puisse entraîner des « hostilités militaires », surtout « en l’absence du parapluie français ». Le Tchad, pays désertique et enclavé, a, comme ses voisins du Sahel avant lui, exigé et obtenu fin janvier 2025 le retrait total des troupes maintenues par la France après la décolonisation. Ces derniers mois, ses liens se sont resserrés avec les Emirats arabes unis, la Turquie et la Hongrie.

Le régime du MPS a dénoncé fin 2024 ses accords de défense avec la France, et a obtenu le départ du millier de soldats français sur son sol, tout en fermant toutes les bases militaires de l’Hexagone au Tchad. Avec la fin définitive de la Transition (avril 2021 et mars 2025) et la fin de la tutelle politique de Paris, le régime de Mahamat Idriss Déby Itno qui a fait de la défense de la souveraineté du Tchad sa pierre angulaire a désormais toutes les cartes en main pour imprimer un vrai et palpable développement à ce vaste Etat d’Afrique, à cheval sur centre et l’ouest du continent africain. Les attentes sont immenses à l’image de la kyrielle d’atouts naturels dont dispose le pays de Toumaï.

Des partisans du Mouvement patriotique du salut (MPS) lors d’un meeting de campagne dans le quartier de Sabangali, à N’Djamena, le 14 décembre 2024 au Tchad.

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