L’opposante rwandaise Victoire Ingabire, rare voix critique du Président Paul Kagame qui dirige le pays depuis plus de trente ans, a été arrêtée, a annoncé ce 20 juin 2025 le RIB (Bureau d’enquête du Rwanda).
Son arrestation fait suite à sa comparution la veille (19 juin) au procès, à Kigali, de neuf personnes accusées d’avoir fait circuler le livre d’un écrivain serbe « Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit et sans armes » qui détaille des méthodes pacifiques pour résister à l’autoritarisme.
Mme Ingabire, présidente du parti non reconnu par les autorités ‘Développement et liberté pour tous’ (ou Dalfa-Umurinzi, héritier de l’ex-parti des Forces démocratiques unifiées FDU, également interdit d’enregistrement) est menacée d’une inculpation pour « association de malfaiteurs et incitation publique à s’opposer au Gouvernement », a précisé le Bureau d’enquête rwandais.
Le Bureau a précisé avoir ouvert une enquête à son encontre « comme mesure d’application de la décision de la Haute cour dans le procès en cours de Sylvain Sibomana (ex-secrétaire général du FDU, ndlr) et ses collègues, de sorte qu’elle peut également être jugée ». Aucun autre détail additif n’a été donné sur le sujet.
A l’audience jeudi, Mme Ingabire, 56 ans, a contesté les accusations à son encontre. Tout en indiquant connaître certains prévenus dans le procès de M. Sibomana, elle a souligné que ce procès cherchait à lier des événements n’ayant rien à voir entre eux. Mme Ingabire a déjà été emprisonnée pour avoir affirmé en 2010 qu’il fallait non seulement se souvenir des victimes du génocide des Tutsi, mais également des victimes hutu pour qu’une véritable réconciliation soit réalisée au Rwanda.
Condamnée à 15 ans de prison, elle a bénéficié d’une grâce présidentielle au bout de huit ans d’incarcération, tout en demeurant interdite de se présenter aux élections. En mars 2024, elle a perdu son recours pour lever cette interdiction et participer au scrutin présidentiel. En juillet 2024, les élections ont reconduit par 99,18% des voix le Président Kagame, 67 ans, au pouvoir depuis qu’il a renversé en juillet 1994 le Gouvernement extrémiste hutu instigateur du génocide qui a fait, selon l’ONU, plus de 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi.
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