ADDIS ABEBA (© 2024 Afriquinfos)- 4 ans après la Covid-19, le constat scientifique est alarmant: la plupart des Etats africains demeurent à la rue en matière de capacité d’analyses et de diagnostics massifs à opérer chaque fois qu’il y a une importante poussée de fièvre sur le continent autour d’un mal à caractère pandémique ou épidémique. Le Mpox nous en donne encore des preuves palpables et regrettables.
En dépit des multiples professions de foi drapées dans des projections panafricanistes chauffées à blanc à répétition, l’Afrique sub-saharienne accuse toujours un énorme retard sur le reste du monde sur le plan médical, sanitaire et scientifique. Le Maghreb, le Machrek, l’Afrique du Sud, les Etats démocratiques et prospères d’Afrique australe et de l’Océan Indien échappent à ce constat ubuesque. Les autres pays et CER (Communautés économiques régionales) ont du pain sur la planche sur ce sujet.
Pourtant, à la faveur de la survenue de la Covid-19, plusieurs Etats d’Afrique sub-saharienne se sont engagés à rendre robustes leurs investissements budgétaires dans leurs secteurs sanitaires. En promettant essentiellement de changer de fusil d’épaule en la matière, en misant un peu plus sur la formation, l’équipement et une meilleure rétribution du personnel de la santé. Très peu d’Etats ont malheureusement fait des progrès disruptifs en la matière, 4 ans après. Au point que le continent tend de nouveau ostensiblement la sébile dans le cadre des doses de multiples vaccins qui seront indispensables pour dominer l’apparition des variantes du Mpox.
Certes, entre 2020 et 2024, le délai est hyper court pour penser ou espérer voir un grand nombre d’Etats d’Afrique sub-saharienne (pour la plupart rangés dans le lot des PMA-Pays moins avancés-) se doter d’une véritable industrie vaccinale moderne. Au point d’être à même de prendre leur indépendance scientifique en cas de survenue des grandes épidémies contemporaines. La source du mal demeure la même: l’absence ou la faible volonté politique sur un continent où tout demeure prioritaire ; de la santé à l’alimentation, en passant par l’éducation, l’assainissement ou encore la construction des infrastructures de base (en matière routière, aéroportuaire, portuaire, ferroviaire, nucléaire, etc.).
Certes aussi, le Rwanda, le Sénégal, le Ghana ou encore le Kenya, sur la base d’audacieux projets soumis à l’Occident (des partenaires multilatéraux y inclus), continuent de poser des bases solides pour leurs futures industries vaccinales ou de recherche compétitives. Mais ce lot de pays africains innovants est encore trop clairsemé, en dépit des rappels qu’opère régulièrement l’UA (Union Africaine) autour des progrès scientifiques indispensables à réaliser pour structurer et consolider «l’Agenda 2063» de l’organisation panafricaine.
Vivre en son temps
La coopération et la collaboration sont incontournables dans la sphère scientifique contemporaine, et tout singulièrement en matière de santé à l’échelle de la planète. Même quand l’Afrique (et particulièrement le Sud du Sahara) aura fini de se doter d’une chaîne de valeur complète dans le domaine de la production vaccinale et scientifique, elle ne pourra pas se couper du monde. Elle gagnera plutôt à accélérer sa coopération avec le reste du monde !
Une donne appropriée par la plupart des Etats du Sud figurant en Asie. Ex-colonies occidentales, les dragons asiatiques ont pris, depuis plusieurs décennies, en main leur destinée scientifique, en tropicalisant le savoir-faire (issu de la Science) importé d’Occident, ou imposé par la mondialisation.
«Les cas et les décès observés à l’heure actuelle en Afrique ne sont que la partie émergée de l’iceberg, étant donné que le Mpox est le plus souvent une affection bénigne et que la surveillance, les tests, la recherche des contacts et la notification sont limités», a averti fin aout 2024 Jean Kaseya (Directeur général des CDC Afrique- Centres de contrôle et de prévention des maladies en Afrique), en s’adressant aux ministres africains de la Santé.
Jean Kaseya a également mis en garde «contre le taux élevé de létalité du Mpox en ce moment en Afrique, taux qui se situe généralement entre 3% et 4%, et a souligné que le lien entre la maladie et le VIH était particulièrement préoccupant pour l’Afrique». Deux photographies sanitaires qui donnent des sueurs froides, à l’image de la rengaine devenue célèbre de l’OMS, fin mars 2020, indiquant notamment que «l’Afrique doit se préparer au pire si la Covid-19 prend des proportions de contaminations et de décès alarmants comme en Occident».
Au moment où réapparaît une nouvelle urgence sanitaire de portée internationale, le Mpox offre à l’Afrique une nouvelle unité d’action sur le plan scientifique ; une occasion de vanter le vrai panafricanisme dont les bases scientifiques ont été posées depuis plusieurs décennies.
Oui au recueil de dons vaccinaux en cascade comme la RDC (plus étendu Etat d’Afrique au Sud du Sahara) et une pléthore de pays africains vont le faire dans les prochains jours face à la poussée du Mpox. Mais l’heure d’enclencher une réelle mue en matière d’investissements massifs dans le secteur sanitaire, de manière holistisque, sur ce continent a enfin sonné !
Par GGKE