RFI, BBC, VOA: Ligne éditoriale de grands médias occidentaux incompatible avec les visions des Transitions sahéliennes?

Afriquinfos Editeur
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Des militaires assistent à une cérémonie, le 15 octobre 2024 à Niamey, au Niger, au cours de laquelle le monument dédié aux morts et victimes des deux guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1944) est rebaptisé "Bubandey Batama" ("A nos morts" en langue djerma), rendant désormais hommage aux victimes civiles et militaires, de la colonisation à nos jours.

Le pouvoir de Transition au Niger a annoncé ce 12 décembre 2024 la ‘suspension pour trois mois de la radio britannique BBC’, une décision qui vient grossir la liste de grands médias occidentaux sanctionnés dans les pays sahéliens gouvernés par des régimes issus de coups d’Etat depuis aout 2020.

Le Burkina Faso a décidé de suspendre pour deux semaines la BBC et Voice of America (VOA) pour avoir relayé des accusations « d’exactions » commises par l’Armée dans son combat contre les jhadistes.

BBC est accusée d’avoir diffusé des ‘informations erronées tendant à déstabiliser la quiétude sociale et à saper le moral des troupes qui luttent contre les jihadistes‘, selon un communiqué du ministre de la Communication, Sidi Mohamed Raliou. Les programmes de BBC, en langue haoussa notamment, sont diffusés au Niger via des radios locales partenaires et sont particulièrement écoutés. La mesure entre en vigueur ‘avec effet immédiat’ et sur l’ensemble du territoire.

Deux autres médias occidentaux sont actuellement suspendus au Niger: Radio France Internationale (RFI) et France 24, depuis août 2023, quelques jours seulement après le coup d’Etat qui a permis à la junte du général Abdourahamane Tiani de prendre le pouvoir dans ce pays sahélien.

Le chef de la junte au pouvoir au Niger, le général Abdourahamane Tiani (c), le 26 juillet 2024 au Stade de Niamey.

Dans la soirée de ce 12 décembre 2024, le régime a par ailleurs annoncé ‘porter plainte contre RFI, pour incitation aux génocides et aux massacres intercommunautaires au Niger‘, sans préciser le lieu de la plainte. Aucun reportage n’est nommément mentionné dans ces décisions prises à l’encontre de BBC et de RFI. Mercredi 11 décembre 2024, ces deux médias avaient indiqué qu’une attaque jihadiste particulièrement meurtrière avait frappé la veille, la localité de Chatoumane, dans la zone de Téra (ouest) près du Burkina Faso.

Les bilans évoqués étaient très lourds, 90 soldats et au moins 40 civils tués, ce que l’AFP n’a pu vérifier localement de source indépendante. Une source sécuritaire occidentale a toutefois confirmé à l’AFP un bilan de ’90 à 100 morts’.

– « Campagne d’intoxication » – 

La junte nigérienne a quant à elle démenti dans la soirée du 11 décembre l’existence de cette attaque, évoquant ‘des affirmations infondées et une campagne d’intoxication’. Le Niger a formé avec ses deux voisins, le Burkina Faso et le Mali également dirigés par des juntes, une Confédération, l’AES (Alliance des Etats du Sahel). Ils ont tourné le dos à Paris en expulsant notamment tour à tour les militaires français engagés dans la lutte anti-jihadiste et tiennent régulièrement des discours hostiles envers la politique de la France dans la région.

Au Burkina Faso et au Mali, de nombreux médias français ont été suspendus, accusés d’être des instruments de propagande de Paris, et plusieurs de leurs correspondants ont été expulsés. Les voix jugées critiques au pouvoir de ces pays sont réduites au silence pour la plupart. Le Niger, comme ses deux voisins le Burkina Faso et le Mali, fait face depuis des années à des attaques de groupes jihadistes liés à Al-Qaida ou l’Etat islamique qui ne faiblissent pas. En dépit des ripostes régulières des Armées de ces 3 pays.

L’Armée nigérienne communique occasionnellement des bilans officiels sur certaines de ces attaques. Elle a par exemple annoncé mercredi 11 décembre la mort de dix soldats dans une attaque, la veille, dans l’ouest du pays. Selon l’organisation Acled qui répertorie les victimes des conflits dans le monde, au moins 1.500 civils et militaires sont morts dans des attaques de groupes armés depuis un an au Niger, contre 650 entre juillet 2022 et 2023.

© Afriquinfos & Agence France-Presse