La Jamaïque prête à déployer des hommes à Haïti devant l’indifférence des Africains et des Caraïbes?

Afriquinfos Editeur
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Kingston (© 2023 Afriquinfos)- Trois mois après avoir annoncé que la Jamaïque était prête à participer militairement à une force internationale en Haïti (intervention réclamée sans succès depuis des mois par l’Onu qui s’alarme de la violence record des gangs dans ce pays), le Premier ministre jamaïcain et Antonio Guterres se sont entretenus ce 15 mai.

Le Secrétaire général des Nation Unies, Antonio Guterres s’est rendu ce lundi 15 mai en Jamaïque. ‘’Une partie très importante de nos discussions a porté sur la détérioration de la situation humanitaire et sécuritaire en Haïti, qui continue de préoccuper la Jamaïque. Cette situation requiert une attention urgente de la part de la région et de la communauté internationale, afin de permettre à Haïti de revenir à la normale’’, a annoncé le chef du Gouvernement jamaïcain, Andrew Holness à l’issue de la rencontre avec le patron de l’Onu.

’J’ai informé le Secrétaire général de l’ONU, sur le rôle de premier plan joué par la Jamaïque et la CARICOM dans la réaffirmation de notre engagement à travailler dans notre cadre communautaire, ainsi qu’avec nos partenaires bilatéraux et multilatéraux, pour agir de manière décisive dans le cadre d’une solution dirigée par les Haïtiens afin de rétablir la paix et la stabilité’’, a souligné M. Holness.

Guterres qui milite depuis des mois pour l’envoi d’une force internationale en Haïti gangrené par la violence de gangs, a lors de sa visite en Jamaïque déploré la «réticence» de pays occidentaux à prendre la tête d’une telle intervention. Il a donc exhorté la communauté internationale à réagir face à la crise qui s’aggrave en Haïti.

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Il y a en effet de la réticence de la part de pays qui ont une plus grande capacité pour mener ce type d’intervention, car il s’agit davantage d’une opération de police, a répondu M. Guterres lors d’un point de presse à Kingston, aux côtés du Premier ministre jamaïcain A. Holness.

Le chef de l’Onu était interrogé par la presse locale sur l’absence supposée d’efforts significatifs de pays comme les États-Unis, le Canada et la France pour collaborer avec les [15] Etats de la CARICOM (Communauté caribéenne), dont la Jamaïque est membre et qui est favorable à une intervention chez son voisin haïtien. ‘’La meilleure manière à mon avis de dépasser cette réticence […] est de mettre sur pied un processus politique crédible’’, a également estimé M. Guterres, en allusion à l’organisation d’élections législatives et présidentielles en Haïti.

Mais aucun scrutin n’a eu lieu dans ce pays depuis 2016. Le Premier ministre Ariel Henry, nommé seulement 48 heures avant l’assassinat du dernier Président Jovenel Moïse en juillet 2021, est contesté dans sa légitimité. Les experts estiment donc impossible de tenir des élections dans de telles conditions.

Escalade des violences

António Guterres, a  en outre averti lundi dernier que la « situation tragique » d’Haïti menaçait la sécurité de la région des Caraïbes et au-delà, et il a exhorté la communauté internationale à réagir. « Nous sommes actuellement dans une sorte d’impasse« , a-t-il déclaré, ajoutant qu’il était difficile de mobiliser la volonté des pays qui pourraient mieux mener une telle opération.

« Je voudrais demander une fois de plus à la communauté internationale de comprendre qu’une solidarité effective avec Haïti n’est pas seulement une question de générosité« , a déclaré M. Guterres. A. Holness, qui s’est rendu en Haïti en février 2023 dans le cadre d’une initiative régionale visant à contribuer à une médiation dans la crise dans le pays, a déclaré que les pays qui soutiendraient un tel déploiement voulaient d’abord voir un consensus politique en Haïti et un calendrier pour mettre fin au déploiement proposé.

« Ce n’est pas que nos demandes soient tombées dans l’oreille d’un sourd« , a-t-il déclaré. « Elles sont entendues et écoutées. La question est celle du rythme de l’action« . La capitale d’Haïti et ses environs ont largement succombé à la guerre des gangs qui ont envahi les quartiers et tué des habitants dans une lutte pour contrôler plus de territoire, l’Onu estimant qu’ils contrôlent maintenant jusqu’à 80% de Port-au-Prince.

La violence s’est aggravée depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse en juillet 2021. Plus de 840 personnes ont été tuées au cours des trois premiers mois de cette année, en plus de 600 autres âmes enlevées au cours du seul mois d’avril 2023, selon l’ONU. Plus de 400 personnes ont également été kidnappées depuis le début de l’année dans ce pays, le plus pauvre des Caraïbes!

« Les besoins humanitaires sont dramatiques. Le système politique est paralysé et les niveaux de violences des gangs sont absolument effroyables« , a déclaré António Guterres. Les décès ont incité un nombre croissant d’Haïtiens en colère et frustrés à déclencher une justice vigilante macabre, lynchant au moins 164 membres présumés de gangs le mois dernier, selon les Nations Unies.

Frantz Elbé, directeur de la police nationale d’Haïti, a déclaré dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux samedi 13 mars que les agents combattaient les gangs, saisissaient des armes et libéraient des otages, mais il n’a pas fourni de chiffres. Les forces policières haïtiennes tentent tant bien que mal de combattre les gangs lourdement armés qui ont envahi une partie du pays.

Lundi dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU s’était dit très inquiet de la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire en Haïti. Toutefois, il a simplement pris note de l’appel répété de M. Guterres à envoyer une force armée spécialisée internationale, mais non onusienne, pour aider la police qui n’arrive pas à rétablir l’ordre.

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