Des combattants du M23 (« Mouvement du 23 mars ») alliés à des troupes rwandaises sont entrés ce 14 février dans Bukavu, après avoir pris le contrôle de l’aéroport de cette grande ville de l’est de la RDC. Face à cette donne, le Président congolais a renoncé à participer au Sommet de l’Union Africaine ces 15 et 16 février 2025 en Ethiopie.

Après s’être emparés fin janvier 2025, au terme d’une offensive éclair, de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, les combattants du groupe armé antigouvernemental M23 et les soldats rwandais ont poursuivi leur avancée dans la province voisine du Sud-Kivu. Selon des sources sécuritaire et humanitaire, le M23 est entré presque sans résistance dans les quartiers périphériques du nord-ouest de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu. Quelques heures plus tôt, le groupe armé avait pris le contrôle de l’aéroport provincial, site stratégique où étaient positionnées les Forces armées congolaises (FARDC) et situé à une trentaine de kilomètres de la ville.
Les militaires congolais et leurs familles avaient reçu consigne dans la matinée de quitter les camps militaires situés en ville, selon des sources sécuritaires. Des motos chargées de matelas et d’affaires personnelles ont débarqué en début de journée dans les rues de Bukavu, a constaté un journaliste de l’AFP. Les magasins de la ville ont gardé le rideau baissé. Les représentants de la Société civile, dans une lettre adressée ces derniers jours aux autorités locales, avaient appelé l’Armée à ne pas « engager les affrontements dans la ville » pour éviter une « boucherie humaine ».

Selon une source sécuritaire, FARDC et troupes burundaises déployées dans la région en soutien à Kinshasa se sont majoritairement repliées vers le sud-est de Bukavu en direction de la frontière avec le Burundi. Cette frontière a été brièvement fermée dans l’après-midi de ce 13 février aux Congolais fuyant Goma et Bukavu, selon plusieurs sources locales. La chute imminente de Bukavu, déjà tombée en 2004 aux mains de soldats dissidents de l’Armée congolaise, donnerait au M23 et aux troupes rwandaises le contrôle total du Lac Kivu, qui s’étire le long de la frontière rwandaise.
Le Président congolais Felix Tshisekedi, en déplacement en Allemagne jeudi et vendredi 14 février, et qui avait initialement prévu de participer au Sommet des Chefs d’Etats de l’Union Africaine (UA) samedi et dimanche 16 février dans la capitale éthiopienne, Addis Abeba, a finalement renoncé à effectuer ce déplacement. « Il doit suivre la situation de terrain en RDC de près », a expliqué une source gouvernementale précisant que le Chef d’Etat, qui a dénoncé à Munich les « ambitions expansionnistes » du Rwanda voisin et réitéré son appel à des sanctions de la communauté internationale, sera de retour à Kinshasa dans la soirée de ce 14 février.
– Risque de guerre régionale –
Le Président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a appelé ce 14 février à observer « obligatoirement » un cessez-le-feu. La semaine dernière, les dirigeants d’Afrique australe et de l’est réunis en Sommet en Tanzanie avaient appelé à un cessez-le-feu « inconditionnel » et demandé à leurs états-majors d’en proposer cette semaine un plan d’application.
Depuis la récente intensification du conflit dans l’est congolais, les appels de la communauté internationale à une désescalade se sont en vain multipliés, sur fond de crainte d’une guerre régionale. L’Ouganda et le Burundi voisins, mais aussi l’Afrique du Sud, ont des troupes déployées dans l’est de RDC, en appui de l’Armée congolaise. Les dernières violences ont déjà fait près de 3.000 morts selon l’ONU. A Goma, la situation humanitaire est alarmante. L’accès à l’eau est toujours partiellement coupé, certains habitants allant puiser dans le Lac Kivu où des corps ont été repêchés après les combats dans la ville fin janvier 2025.
Le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a alerté cette semaine contre un risque de propagation du choléra. Les centaines de milliers de déplacés, qui ont fui leur village au fur et à mesure de l’avancée des combats vers Goma et qui vivaient entassés dans des camps insalubres dans la périphérie de la ville, ont été sommés par le M23 de partir. « La crise s’aggrave à mesure que les personnes fuient vers des zones où l’aide humanitaire ne peut pas les atteindre en raison de l’insécurité », a alerté ce 14 février une porte-parole de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Eujin Byun.

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