Que reste-t-il de Melchior Ndadaye ?

Afriquinfos Editeur
3 Min de Lecture

«Le culte du tribalisme est condamné à perdre ses adeptes ; aucune ethnie n’ayant plus de droit qu’une autre à l’autel de la démocratie et du développement. Nous voulons que partout sur les collines, dans les communes, dans les écoles et dans les casernes, il n’y ait plus de sang versé à cause des confrontations ethniques. Nous voulons que le peuple burundais assume son histoire telle qu’elle est ». Voilà, en substance, ce que le président Melchior Ndadaye déclarait le 22 août 1993, à Bujumbura. Son parti, le Sahwanya Frodebu, avait remporté, quelques semaines plus tôt, les premières élections multipartites avec près de 65% des suffrages exprimés, et mis un terme à trente ans de monopartisme.

Issu du groupe majoritaire hutu, Ndadaye avait une conscience aiguë du problème ethnique dans la société burundaise. Une fois à la tête de l’Etat, il nommera au poste de Premier ministre Sylvie Kinigi, une Tutsie, économiste, première femme chef de gouvernement en Afrique. « Il y aura de la place pour tout le monde », disait le nouveau président.

Opposé à  toute sorte d’exclusion et à l’esprit de vengeance, Ndadaye pronait résolument « la solidarité entre les citoyens, la tolérance, le pardon, l’unité nationale…»

Ses appels à la décrispation n'empêcheront pas qu’il soit sauvagement assassiné, dans la nuit du 20 au 21 octobre 1993, après 102 jours à la tête de l’Etat. Il laissa une veuve, Laurence Ninininahazwe, très discrète depuis, et trois enfants (deux garçons et une fille) : Uwihuse-Moya Alain Guevara, Ry-Inkanga David Lectika, et Ezako Marie Libertas. Ils vivent depuis en Belgique.

Dix-neuf ans plus tard, le gouvernement du Burundi a élevé le personnage au rang de « Héros de la démocratie », mais la justice n’a toujours pas établi les responsabilités concernant son assassinat. Selon maître Fabien Segatwa, un des avocats de la famille Ndadaye, « la première instruction du dossier a été bâclée. Le jugement qui s’en est suivi fut donc logiquement mauvais. Nous avons formé un pourvoi en cassation. Le dossier est toujours en exament à la chambre de cassation de la Cour Suprême».

L’avocat souligne par ailleurs « qu'il est incompréhensible qu’un chef d’Etat soit assassiné à quelques mètres d’une maison où se tenait, au même moment,  une réunion des hauts gradés de l’armée ». Il estime que ces derniers devraient être interrogés.  Le dossier pourrait-il, éventuellement, être transféré à la Commission Vérité et Réconciliation ? « La Commission ne remplace la justice. Elle concourt à l’établissement la vérité et à la réconciliation des Burundais. L’affaire est déjà devant la justice. Laissons les magistrats trancher et, après, on verra ! »