Première République noire au monde, Haïti va-t-elle replonger dans la violence, avec la mort du Président Moïse?

Afriquinfos Editeur
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Port-au-Prince (© 2021 Afriquinfos)-Gangrené par l’insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d’une quasi-impunité,  Haïti, pays des Caraïbes et nation la plus pauvre du continent américain, risque-t-elle de voir sa situation encore plus dégradée avec l’assassinat de Jovenel Moïse accusé d’ailleurs  d’inaction face à la crise, confronté à une vive défiance d’une bonne partie de la société civile.

Le président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné tôt mercredi 7 juillet matin chez lui par un commando formé d’éléments étrangers. Cet événement menace de déstabiliser un peu plus le pays le plus pauvre des Amériques, déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire.

 Après avoir annoncé la nouvelle,   le premier ministre sortant Claude Joseph a appelé la population au calme et indiqué que la police et l’armée allaient assurer le maintien de l’ordre. «Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l’anglais et l’espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République», a déclaré Claude Joseph. «La situation sécuritaire est sous contrôle», a-t-il assuré. L’épouse du président a été blessée dans l’attaque et hospitalisée, a précisé Claude Joseph.

Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Actif dans plusieurs domaines économiques, dont l’exploitation de bananeraies, il n’avait alors quasiment aucune expérience en politique au moment de son élection et était très peu connu de ses compatriotes.

Des élections d’ici 2021

Dans ce contexte faisant redouter un basculement vers l’anarchie généralisée, le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et l’Europe appelaient à la tenue d’élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d’ici la fin 2021. Jovenel Moïse avait annoncé lundi la nomination d’un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, avec justement pour mission la tenue d’élections. Gouvernant par décret depuis janvier 2020, sans Parlement, et alors que la durée de son mandat faisait l’objet de contestations, Jovenel Moïse avait également mis en chantier une réforme institutionnelle. Un référendum constitutionnel initialement prévu en avril, reporté une première fois au 27 juin puis à nouveau en raison de l’épidémie de Covid-19, devait se tenir le 26 septembre. La réforme avait pour but de renforcer les prérogatives l’exécutif.

La Maison Blanche a qualifié mercredi de «terrible» et de «tragique» l’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse, Washington se déclarant prêt à apporter de l’aide au pays en crise. Il s’agit «d’une attaque terrible, une attaque tragique, ayant ciblé le président d’Haïti et sa femme au cours de la nuit», a déclaré Jen Psaki, la porte-parole de l’exécutif. «Nous sommes prêts à assister sous n’importe quelle forme la population d’Haïti, le gouvernement d’Haïti, s’il y a une enquête», a-t-elle ajouté. Boris Johnson s’est dit lui «choqué» par un «acte odieux». La République dominicaine a quant à elle ordonné la «fermeture immédiate» de sa frontière avec Haïti.

Les assassinats de dirigeants haïtiens : un fait récurrent

Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 et avait pris ses fonctions le 7 février 2017.

Depuis début juin, des affrontements entre bandes rivales dans l’ouest de Port-au-Prince paralysent toute circulation entre la moitié sud du pays et la capitale haïtienne. Des milliers d’habitants du quartier très pauvre de Martissant, disputé par les gangs, ont été contraints de fuir leur logement et ont dû être accueillis par des proches ou dans des gymnases. Le 30 juin, 15 personnes ont été tuées dans une fusillade en plein Port-au-Prince, dont un journaliste, Diego Charles, et une militante politique d’opposition, Antoinette Duclair.

Jovenel Moïse avait annoncé lundi la nomination d’un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, avec justement pour mission la tenue d’élections.

Gouvernant par décret depuis janvier 2020, sans Parlement, et alors que la durée de son mandat faisait l’objet de contestations, Jovenel Moïse avait également mis en chantier une réforme institutionnelle.  Un référendum constitutionnel initialement prévu en avril, reporté une première fois au 27 juin puis à nouveau en raison de l’épidémie de Covid-19, devait se tenir le 26 septembre. La réforme avait pour but de renforcer les prérogatives de l’exécutif.

Selon Didier Le Bret, ancien ambassadeur de France en Haïti,  Jovenel Moïse rejoint « la liste déjà trop nombreuse » des « chefs d’État et de gouvernement de ce pays depuis l’indépendance qui ont été soit renversés ou assassinés. On renoue avec une histoire qui avait été mise entre parenthèses. »

En 1987, Yves Volel, candidat à la présidence et leader du Rassemblement des démocrates, avait été assassiné devant le quartier général de la police de la capitale. Six ans plus tard, le ministre de la Justice, Guy Malary, avait trouvé la mort après avoir été criblé de balles en se rendant à son bureau.

 

Innocente Nice