Il y a l'aliment de base des familles : la pâte de manioc, qui se mange accompagnée de haricots, et très rarement, de viande). A Kamenge, Martine gère un moulin qui sert à moudre du manioc séché. « Quand le gouvernement a annoncé en octobre 2011 la première hausse du prix de l'électricité, le prix du kilo de manioc à moudre est passé de 20 à 30 Fbu. » La clientèle a-t-elle baissé ? « Pas vraiment ! » Après la seconde augmentation des prix de l'électricité et de l'eau par la Regideso (l'entreprise qui en a le monopole de la fourniture depuis 1962), Martine s’est fait une religion : « A 40 Fbu, nous n'aurions plus de clients.Les gens sont trop pauvres. »
Au marché de Kinama, dans la commune voisine, même grogne chez les vendeuses de farine de manioc : « Depuis le 15 février, le prix du kilo est passé de 750 à 900 Fbu », explique Aïcha. Les autres vendeuses opinent de la tête. Lorsqu’on leur demande si elles participeront à la grève générale que s'apprête à lancer la société civile, les visages s’éclairent : «Oui, si cela peut contribuer à changer la situation. » Elles montrent les sacs de farine à leurs pieds : « Nous avions déjà l'OBR (Office burundais des recettes) qui nous étouffe avec les impôts ! Ajoutez maintenant l'électricité, c'est trop ! »
Il y a la soudure, qui permet à de nombreux chefs de ménage de joindre les deux bouts en ouvrant dans les ruelles des ateliers de réparation des carrosseries de voitures, de montage des portes métalliques ou des fenêtres… A Buyenzi, commune réputée pour avoir les meilleurs « mécaniciens-réparateurs de Bujumbura », la rengaine est la même. Rachid, la quarantaine, ne décolère pas : « Avant, j'achetais pour 5 000 Fbu et pour toute la semaine de quoi alimenter mon atelier et ma maison en électricité.» Avec la nouvelle hausse des prix, « j'en ai juste pour quatre jours. » Alors, même si Rachid évite de préciser de combien ont augmenté ses services, il se dit prêt « à aller dans la rue. » A Kamenge, le vieux Sylvain maugrée : « Avec les nouveaux tarifs de l'électricité, la soudure d’une porte est passée de 5 000 à 8 000 Fbu ! Nous fermerons bientôt les portes, faute de clients.»