Ouagadougou (© 2024 Afriquinfos)- L’idée d’introduire un passeport biométrique commun entre le Mali, le Niger, le Burkina Faso (sans la Guinée) semble, à première vue, être une avancée nécessaire pour renforcer l’intégration régionale et sécuritaire. Cependant, sous l’éclat de cette ambition se cachent des défis majeurs qui risquent de compromettre non seulement la réussite de cette initiative, mais aussi la stabilité politique et économique de ces trois pays, chacun traversant une transition militaire après une série de coups d’État. Réflexion sur la nature des États, de la sécurité et de la souveraineté à l’ère de la technologie, tout en tenant compte des réalités politiques et sociales.
Coût élevé et conflits budgétaires
Le coût d’un passeport biométrique est loin d’être anodin. Les infrastructures nécessaires incluent des systèmes complexes de capture d’empreintes digitales et de reconnaissance faciale, ainsi que des bases de données sécurisées pour stocker les informations sensibles. Selon un rapport de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, le coût moyen de mise en place d’un tel système peut varier entre 18 milliards et 30 milliards CFA pour un pays de taille moyenne. Pour le Mali, le Niger et le Burkina Faso, des États fragilisés économiquement, cet investissement est particulièrement lourd, surtout dans un contexte où les priorités budgétaires immédiates incluent la lutte contre le terrorisme, la gestion des déplacés internes, et les crises alimentaires.
Ces États se trouvent à une intersection où le choix de financer un passeport biométrique entre en concurrence directe avec d’autres besoins urgents. La Banque mondiale estime que près de 40% de la population dans ces pays vit en dessous du seuil de pauvreté, rendant difficile la justification d’une telle dépense lorsque l’économie nationale est sous pression. De plus, la dépendance à l’aide internationale ou à des partenariats étrangers pour financer ce projet pourrait avoir des conséquences politiques et économiques profondes.
Problèmes de gouvernance et sécurité des données
Le problème central dans des États en transition militaire est la question de la gouvernance des données. Les régimes militaires, par définition temporaires, cherchent à instaurer l’ordre, souvent au détriment des libertés civiles. L’utilisation abusive des données biométriques, comme outil de surveillance et de répression, est un risque majeur. En l’absence de mécanismes transparents et de garde-fous juridiques solides, la collecte massive d’informations personnelles peut facilement devenir un instrument d’oppression.
Dans des pays où les droits de l’homme sont déjà précaires.
ALEX KIPRE