Au début, les musiciens avaient cinq violons qu’ils prenaient tour à tour pour jouer. Trente ans plus tard, l’orchestre kimbanguiste de Kinshasa, ensemble symphonique pionnier en Afrique, compte quelque 200 instrumentistes, un chœur et se produit à travers le monde.
Armand Diangienda, chef d’orchestre et musicien autodidacte aujourd’hui âgé de 60 ans, se destinait à une carrière de pilote d’avion. C’était compter sans son père, Joseph Diangienda, chef de l’Eglise kimbanguiste fondée en 1921 en République démocratique du Congo par son propre père, le prophète autoproclamé Simon Kimbangu. Armand Diangienda est alors chargé de rallier des musiciens à l’Eglise autonome qui s’inspire, dans ce pays d’Afrique centrale majoritairement catholique, du christianisme importé par les missionnaires et revendique des millions de fidèles en RDC.
S’il y a toujours eu des musiciens dans les églises kimbanguistes, le premier orchestre kimbanguiste du genre donne son premier concert en décembre 1994. Un spectacle anniversaire pour marquer ses 30 ans doit être organisé à la fin du mois de novembre 2024 à Kinshasa. Dans un studio de la capitale congolaise, les musiciens s’accordent pour une nouvelle répétition: « Au début, tout ça n’était qu’un rêve », raconte Armand Diangienda. Au départ, certains musiciens amateurs recrutés par l’orchestre ne savaient même pas déchiffrer une partition. Et l’équipe n’avait que peu de moyens.
‘Lorsqu’une corde se cassait, on la remplaçait par un câble de frein de vélo’, se souvient A. Diangienda, ajoutant qu’avec le climat local chaud et humide, les instruments vieillissent souvent mal. ‘Il n’y avait pas de magasin d’instruments ici’, poursuit-il.
– « Violon chéri » –
La création de l’orchestre kimbanguiste s’inscrit dans l’histoire agitée du pays, d’abord plongé dans la première guerre du Congo (1996-1997), qui a abouti au renversement de Mobutu. Puis la seconde guerre du Congo (1998- 2003), impliquant alors neuf pays africains, une trentaine de groupes armés et qui faillit faire imploser le pays. ‘A l’époque, c’était vraiment difficile’, se rappelle Pauleth Masssamba, 43 ans, parmi les premiers membres de l’orchestre. Elle se souvient des quelques instruments trouvés, ‘même pas de bonne qualité’. Au départ, elle voulait être violoncelliste. Mais parce qu’elle a confondu les mots et pas très sûre de ce à quoi l’instrument qu’elle cherchait devait ressembler, elle s’est retrouvée avec un violon entre les mains.
Après trente ans passés à travailler son violon, elle dit aujourd’hui emmener « partout » l’instrument qu’elle appelle son « petit chéri ». L’orchestre kimbanguiste, qui met à son répertoire les grands compositeurs classiques, s’est peu à peu trouvé un public au pays de la rumba. ‘La musique classique, les gens pensent que c’est pour les Européens’, estime Dauphine Mata, violoniste dans l’orchestre depuis une quinzaine d’années. Et qui se souvient avoir joué à une époque devant des publics plutôt restreints.
Mais à force de se produire sur scène, ‘les gens apprécient’, se félicite-t-elle. En 2010, le documentaire Kinshasa Symphony (2010), qui retrace le quotidien de plusieurs instrumentistes et choristes de l’ensemble, a aidé à lui donner une renommée internationale. Aujourd’hui, l’orchestre voyage et se produit régulièrement à l’étranger. Une école chapeautée par les Kimbanguistes a été ouverte à Kinshasa pour enseigner la musique aux plus jeunes.
Lors de leurs déplacements, les musiciens congolais ont fait des rencontres qu’ils n’auraient « jamais pu imaginer », avec des stars telles que Lionel Richie, Herbie Hancock ou encore Paula Abdul, avoue Armand Diangienda. « Je suis content. Parce qu’on a été patient et on a persévéré », confie le chef d’orchestre.
© Afriquinfos & Agence France-Presse