Les missions des radios revisitées, grâce au numérique

Afriquinfos Editeur
4 Min de Lecture

Paris (© 2023 Afriquinfos)- La numérisation/webification a conduit à la désétatisation et à l’internationalisation  de la radio. Cette révolution a modifié les rapports de force communicationnels. Les autorités politiques ont longtemps détenu le monopole des radios locales, des radios nationales et des radios internationales, afin de faire passer les messages souhaités à leurs propres populations, ainsi qu’à celles des pays étrangers vers lesquels leurs radios diffusaient.

Mais désormais on distingue trois types de radios de mobilisation. Les radios étatiques de mobilisation (REM) ont d’abord cédé du terrain face aux radios civiles de mobilisation) (RCM, lesquelles sont devenues, grâce à Internet, accessibles dans le monde entier, se muant donc en radios civiles de mobilisation internationales (RCMI). Ces trois types de radios cohabitent de nos jours dans un paysage médiatique qui n’a plus grand-chose à voir avec celui d’il y a une vingtaine d’années.

Selon la chercheuse Anne-Chantal Lepeuple, toutes ces radios visaient à favoriser la diffusion des idées libérales au sein des peuples des pays ciblés, en mettant en place une « politique d’érosion graduelle » des régimes en place.

La radio fut un enjeu politique dès l’origine. L’exemple des causeries de Franklin D. Roosevelt, les radios « blanches » et « noires » durant la « drôle de guerre » – qui amorce la « guerre des ondes » –, les instructions aux résistants diffusées par « Radio Londres »…

- Advertisement -

Les RCM « hétéronomes » (associatives, syndicales et politiques), se voulant parfois (contre-informationnelles), peuvent se faire polémiques, révolutionnaires (comme dans le cas bien connu de Radio Mille Collines au Rwanda).

D’autres RCM font de la radiophonie « autonome » : elles ne visent pas à convaincre les auditeurs d’adhérer à certaines valeurs ou idées mais à diffuser des informations intéressant des catégories spécifiques de la population. Il s’agit de stations communautaires (aussi bien diasporiques que religieuses ou linguistiques).

Les RCMI sont donc devenues internationales à maints égards : par leur diffusion, leurs financements, leurs personnels et intervenants (à l’image des diasporas qui interagissent à l’antenne des radios haïtiennes).

Dans la bataille hétéronomique pour la documentation et l’interprétation du monde (accentuée par le web et les GAFAM), les REM bénéficient de moyens économiques et politiques bien supérieurs à ceux des RCM et RCMI, qui leur permettent de financer leurs rédactions multilingues, leurs reporters multilocalisés et leurs puissants émetteurs.

Ainsi, les médias français RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya (MCD), héritiers de la radiophonie coloniale, disposent en 2022 d’un budget d’un peu moins de 260 millions d’euros. En comparaison, les RCM/RCMI françaises – quelque 700 radios associatives – sont financées (40 % de leur budget) par un fonds de soutien à l’expression radiophonique doté de 34,8 millions d’euros.

Mais la faiblesse des REM se trouve dans la légitimité discutable de leurs interventions, que Frantz Fanon qualifiait de « technique de l’occupant ». Les REM se concurrencent – par exemple avec des Chinois de plus en plus actifs – pour tenter d’influencer des pays où les publics manquent de diversité informationnelle et de moyens. Mais les autorités locales et leurs soutiens pourraient se lasser de faire l’objet de ce travail hétéronomique, lequel est assumé par les politiques mais nié par les rédactions.

Cela explique en partie l’interdiction de la diffusion, en mars 2022, de RFI par le gouvernement  malien et celui  Burkina Faso récemment.

Pour certains, il s’agit d’une « décolonisation médiatique » pourrait être décidé un jour par des États plus démocratiques que les Mali et Burkina Faso actuels.