Nigeria: 654 millions de dollars de faux médicaments détruits après six semaines de saisies à Lagos!

Afriquinfos Editeur
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Des médicaments en vente dans une pharmacie, le 2 décembre 2019 à Ibafo, dans l'Etat d'Ogun, au sud-ouest du Nigeria.

La crise économique au Nigeria pousse les consommateurs à acheter de plus en plus de médicaments contrefaits – potentiellement dangereux pour la santé – mais moins chers, alimentant un trafic déjà bien implanté dans le pays le plus peuplé d’Afrique (plus de 220 millions d’habitants).

Les autorités nigérianes luttent contre les contrefaçons de médicaments depuis des décennies, mais l’inflation à deux chiffres et la crise du coût de la vie après les réformes économiques du Gouvernement en mai 2023 rendent les médicaments légaux hors de portée de nombreux foyers. Dans le cadre d’une campagne de répression contre les contrefaçons importées et vendues dans tout le pays, l’organisme nigérian de surveillance des médicaments a détruit mi-mars 2025 des médicaments pour une valeur de mille milliards de nairas (environ 654 millions de dollars), après six semaines de saisies à Lagos, la capitale économique du pays, et dans deux États du sud-est.

Des cartons de faux médicaments saisis par des agents de la NAFDAC, destinés à être détruits, le 1er novembre 2007 à Ibafo, dans l’Etat d’Ogun, au sud-ouest du Nigeria.

Sayo Akintola, porte-parole de l’Agence nationale pour l’administration et le contrôle des aliments et des médicaments (NAFDAC), a expliqué à l’AFP que les autorités n’avaient pas anticipé l’ampleur des saisies effectuées lors de descentes dans les marchés de médicaments à Lagos, Aba, Osisioma et Onitsha. Plus de 100 camions remplis de « médicaments non enregistrés et interdits » ainsi que d’opioïdes ont été saisis à Lagos lors de la descente de la NAFDAC. Quatre-vingt autres camions ont été confisqués à Aba et Onitsha.

Les causes de ce problème sont complexes mais l’économie en crise du Nigeria aggrave la situation, a déclaré Tanimola Akande, professeur de Santé publique à l’Université d’Ilorin.

Des médicaments en vente le long de la route à Lagos, le 11 janvier 2020 au Nigeria.

– Départ des géants pharmaceutiques –

« De nombreux Nigérians ont désormais du mal à acheter des médicaments pour se soigner« , a-t-il assuré. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), un médicament sur dix dans les pays à revenu faible ou intermédiaire est de qualité inférieure ou contrefait. Ces médicaments contrefaits sont notamment vendus dans les milliers de pharmacies fonctionnant sans autorisation et les nombreux magasins tenus par des charlatans. Le départ des géants pharmaceutiques du pays en raison de l’environnement commercial difficile du Nigeria et de l’inflation persistante ces dernières années a également laissé un vide sur le marché.

Le géant américain Pfizer a récemment cessé ses activités dans le pays. La multinationale britannique GlaxoSmithKline et la société française Sanofi ont aussi quitté le Nigeria en 2023. Pour le professeur Akande, ces départs « ont aggravé l’approvisionnement en médicaments de qualité » au Nigeria, les prix de certains médicaments ayant grimpé en flèche jusqu’à 1.100%, selon le Cabinet de conseil en risques SBM Intelligence, basé à Lagos.

Et les réformes économiques lancées par le Président Bola Ahmed Tinubu, arrivé au pouvoir en mai 2023, ont provoqué une crise économique profonde, avec une inflation à son plus haut niveau depuis trois décennies. Quelque 56% des Nigérians, soit 129 millions de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Le décret présidentiel, signé en juin 2024 pour stimuler la production pharmaceutique locale, n’a eu que peu d’effets.

Lorsque les gens n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments, « cela peut entraîner des complications de maladies et même augmenter le nombre d’hospitalisations et de décès« , selon le Professeur Akande.

– Risque sécuritaire –

La majorité des médicaments contrefaits saisis ont été introduits par contrebande au Nigeria via les frontières notoirement poreuses du pays, la plupart en provenance d’Inde et de Chine, a expliqué Sayo Akintola, de la NAFDAC. Les importateurs de médicaments falsifiés représentent un risque pour la sécurité du pays, selon lui, car ils n’hésitent pas à recourir à la violence en cas d’arrestation. Deux fonctionnaires de la NAFDAC ont survécu à un lynchage lors d’une descente à Onitsha en 2024.

« C’est le risque que nous courons à chaque fois« , a déploré le directeur général de la NAFDAC, Mojisola Adeyeye, dans un communiqué. En 2010, des hommes armés ont enlevé quatre agents de l’agence à Abia. L’un des responsables de l’Agence, Obi Emeka Wohley, a été retrouvé assassiné à son domicile dans l’État voisin d’Imo le même mois!

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