Le Président français Emmanuel Macron a tenté vendredi 28 février 2025 de calmer le jeu avec l’Algérie sur les questions migratoires, qui conduisent les deux pays au bord de la rupture, et appelé à « régler » le cas de l’écrivain Boualem Sansal, toujours détenu à Alger, comme gage de « confiance ».

Prenant pour la première fois la parole après plusieurs attaques ces dernières semaines de son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau contre Alger, le Chef de l’Etat a appelé les deux capitales à « réengager un travail de fond » sur leurs accords d’immigration. « Nous n’avancerons pas s’il n’y a pas un travail, on ne peut pas se parler par voie de presse, c’est ridicule, ça ne marche jamais comme cela », a-t-il lancé lors d’une conférence de presse à Porto (Portugal).
« Il ne faut pas que (les relations) fassent l’objet de jeux politiques », a-t-il ajouté, alors que la droite et l’extrême droite françaises se sont emparées du sujet porté par le ministre de l’Intérieur, lui-même candidat à la présidence du parti Les Républicains (LR, droite). Le refus de l’Algérie d’accepter des ressortissants en situation irrégulière renvoyés par Paris, dont l’auteur d’un attentat qui a fait un mort le 22 février à Mulhouse (est de la France), a fini d’envenimer des relations déjà très dégradées depuis la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024.

« Rien ne peut prévaloir sur la sécurité de nos compatriotes », a concédé Emmanuel Macron face à l’émotion suscitée en France par l’attentat de Mulhouse.
– « Aucun sens » –
« Les accords signés en 1994 (…) de reprise automatique (de) ressortissants, il faut qu’ils soient pleinement respectés », a-t-il insisté tout en refusant d’en faire un casus belli. « Les statistiques montrent qu’il y a un travail, une coopération qui existe », a-t-il relevé. Le ministre français de l’Intérieur a fait de ce refus, comme de celui de reprendre un inflenceur algérien qui appelait à la violence en France, un cheval de bataille, alimentant une escalade, par médias interposés, entre les deux pays.
Le Chef de l’Etat a aussi signifié qu’il n’était pas question de dénoncer les accords de 1968 qui donnent un statut particulier aux Algériens en France, ex-puissance coloniale, en matière de circulation, de séjour et d’emploi et est devenu un chiffon rouge jusque dans le camp présidentiel.
« On ne va pas les dénoncer de manière unilatérale, ça n’a aucun sens », a-t-il martelé alors que ce débat fait rage en France depuis des mois. Le Premier ministre François Bayrou n’avait pour sa part pas exclu mercredi 26 février une « dénonciation » de tous accords bilatéraux en matière migratoire s’ils n’étaient pas réexaminés dans un délai d' »un mois, six semaines », ce qui a été perçu comme un ultimatum à Alger.
Emmanuel Macron, fort de sa bonne entente avec le Président algérien Abdelmajid Tebboune, en a appelé à son homologue pour apaiser les tensions. « J’ai bien entendu les mots du Président Tebboune », a-t-il pointé. Ce dernier, dénonçant le « climat délétère » entre l’Algérie et la France, avait jugé début février 2025 que les deux pays devraient reprendre le dialogue et appelé Emmanuel Macron à « faire entendre sa voix » en ce sens.
Le Président français a fait observer au passage qu’il avait déjà évoqué un réexamen des accords de 1968 avec son homologue lors de sa dernière visite à Alger en août 2022. La crise, une des plus graves depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, s’est alourdie avec l’incarcération à la mi-novembre 2024 de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, poursuivi pour des déclarations faites en France à un média réputé d’extrême droite et considérées comme portant atteinte à l’intégrité du territoire algérien.
Sa « détention arbitraire », ainsi que « sa situation de santé », « nous préoccupent beaucoup », a déclaré Emmanuel Macron. « Je considère que c’est aussi un des éléments qu’il faut régler pour que la confiance soit pleinement rétablie » entre les deux pays », a-t-il ajouté, dans un registre très mesuré. En janvier 2025, le Chef de l’Etat avait estimé que l’Algérie se « déshonore » en ne libérant pas l’écrivain, s’attirant alors une riposte cinglante d’Alger qui avait dénoncé une « immixtion inacceptable dans une affaire intérieure ».
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