Il y a deux semaines, c'est le Premier ministre qui avait sommé le président de s'expliquer sur les allégations d'une grande alliance de l'opposition dont il ferait partie. Navin Ramgoolam avait ensuite déclaré que SAJ lui avait affirmé que si tel était le cas, il le ferait savoir. Toutefois en dépit de cette assurance, les membres du parti du Premier ministre n'ont cessé de critiquer le président. L'affront suprême pour le président aura été l' absence totale des membres du gouvernement et des députés de la majorité gouvernementale lors de la garden party traditionnelle pour la fête nationale le 13 mars dernier. Le ministre des Administrations régionales a poussé le bouchon un peu plus loin en déclinant par deux fois l'invitation du président à discuter d'une nouvelle loi sur le découpage des arrondissements dans les villes du pays.
Samedi, lors de sa conférence de presse, tout en affirmant une nouvelles fois que tout allait pour le mieux entre eux, le Premier ministre devait expliquer ces absences en arguant qu' « il y a un seul chef » dans le pays.C'est sans doute la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de la colère rempli à ras bord du président de la République. Intervenant dimanche lors d'un dîner organisé par une organisation socio-culturelle, la Hindu House, SAJ a ouvertement critiqué l'inaction du gouvernement devant le fléau de la drogue, la détérioration de la situation économique au niveau des ménages et la frustration dans la fonction publique.
Sir Anerood Jugnauth a fait état d'un rapport du département américain qui « tire la sonnette d'alarme sur la consommation d' héroïne » alors que « les autorités mauriciennes ne sont au courant de rien ».
L'autre salve du président de la République dans ses attaques contre le gouvernement concerne l'évolution des prix au détail et les répercussions sur les ménages. Toujours le plan économique, il ne manquera pas de dresser le parallèle avec l'époque où il était le Premier ministre (ndlr entre 1983 et 1995) en avançant qu'il « avait sauvé le pays de la banqueroute ». « Vous vous rappelez qu' il y avait le plein emploi, les enfants avaient un emploi dès qu' ils terminaient leurs études. C'était la période de gloire. Il faut retrouver ces moments là », a-t-il martelé.
Il s'est élevé contre les récentes hausses des tarifs d'eau et d'eaux usées et également du gaz ménager et s'est moqué de la lenteur des réformes dans la fonction publique.
Le Premier ministre et d'autres ministres qui étaient également parmi les invités ont écouté, livides, la harangue du président et ont attendu qu'il ait terminé pour s'en aller immédiatement. Invité à commenter la sortie virulente de SAJ, le Premier ministre s'est contenté de déclarer que « le président était gâteux et ne savait pas ce qu'il disait ».
Des remarques qui ont été repris par d'autres membres de la majorité gouvernementale qui ont invité le président à démissionner s'il veut faire de la politique active. Cette possibilité semble désormais une quasi-certitude si l'on se fie aux développements en cours au niveau de l'opposition. En effet les deux principaux partis, le Mouvement Militant Mauricien (MMM) de Paul Bérenger et le Mouvement Socialiste Militant (MSM) de Pravin Jugnauth (fils du président), l'ancien parti de SAJ, se sont entendus pour un meeting conjoint pour le 1er mai, Fête du travail. Une réunion est prévue mardi 20 mars pour discuter d'une liste commune aux prochaines élections municipales.
Tout ceci laisse prévoir une escalade à mesure qu'approche la date du 16 avril prévue pour la reprise du Parlement après la prorogation intervenue la semaine dernière.
D'autant plus que deux jours avant le MMM tient son assemblée des délégués qui sera appelée à donner son aval à une recomposition de l'alliance qui avait remporté les élections de 2000. Les observateurs pensent qu'en cas de vote favorable, le président pourra démissionner et bousculer le plan du gouvernement pour la présentation de son discours programme.
D'autres sources avancent qu'une démission du président bien avant l'échéance du 14 avril n'est pas à écarter avec les nouvelles donnes sur le plan politique. « Il n'y a qu'à attendre la date de la prochaine déclaration télévisée du président de la République pour des confirmations », ajoutent ces mêmes sources.
En tout cas, la marmite politique mauricienne est en pleine ébullition et la situation pourrait chauffer encore plus dans les jours à venir.