Mali : La junte malienne jette l’éponge sous la pression de la CEDEAO et du FDR (ANALYSE)

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Le texte de cinq pages prévoit que la Cour constitutionnelle investisse pour l'intérim du pouvoir le président du Parlement national. Il implique également la désignation d'un « Premier ministre » de transition, chef du gouvernement. Celui-ci aura pour mission de « conduire la transition, de gérer la crise dans le nord du Mali et d'organiser des élections libres, transparentes et démocratiques ».

Ce revirement de position des putschistes du 22 mars n'a pas été chose aisée à obtenir par les médiateurs de la CEDEAO dirigés par le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Djibril Bassolé. La preuve de la volonté désespérée de la junte de se maintenir au pouvoir par intimidation a été l'arrestation, hier en début d'après-midi, de l'ancien Premier ministre et candidat aux présidentielles, Modibo Sidibé libéré par la suite en début de soirée. Au même moment, les militaires avaient tenté d'arrêté également Tiébilé Dramé, président du Parti pour la Renaissance Nationale (PARENA) et leader influent du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FDR).

Mais, il fallait plus pour convaincre la CEDEAO et l'opposition politique nationale de soutenir leur stratégie de sortie de crise, ou du moins de maintient au pouvoir. Aujourd'hui, tous les observateurs s'accordent à reconnaître que la rapidité et la fermeté de la CEDEAO ont payé en favorisant un retour rapide à l’ordre constitutionnel au Mali propulsé au bord du chaos politique et socioéconomique parle putsch du 22 mars 2012.

Des sanctions imposées tambour battant, une médiation appuyée par le poids de présidents déterminés comme Alassane Ouattara de la Côte d'Ivoire ont finalement conduit les putschistes à sortir du dilatoire et à s'effacer sans entraîner de gros dégâts. Le coup d'Etat n'aura finalement entraîné la présence d'une junte au pouvoir à Kati (et non à Bamako) que 15 jours durant.

Toutefois, il ne faut pas non plus minimiser le rôle de la classe politique et de la société civile malienne majoritairement opposées à la junte. C'est le cas par exemple du FDR. Ce front a vite compris, à travers la déclaration dilatoire du capitaine Sanogo le 1er avril dernier, que la junte voulait seulement gagner du temps en essayant de gagner à l'usure ceux qui lui sont hostiles. En se faisant passer pour des messies venus sauver un Mali au bord de l'enfer de la gouvernance, ils voulaient visiblement mettre en minorité ceux pensent que le coup d'Etat ne sera jamais une méthode appropriée pour prendre le pouvoir politique dans ce pays.

L'organisation d'une Convention nationale (programmée au jeudi 5 avril puis reportée) pour donner un contenu à la transition ne visait ni plus ni moins qu'à gagner un précieux temps tout en amadouant la communauté internationale en lui faisant croire d'une improbable unité nationale autour de la junte. Cette stratégie a été vite comprise par le FDR, composé d'une cinquantaine de partis et d'associations les plus influents du pays, dont la menace de boycott est la raison fondamentale du report de ladite convention nationale.

« Nous ne participerons à aucune convention nationale et nous n'accepterons jamais ses conclusions », avait martelé la veille Amadou Koïta, secrétaire politique du FDR. L'impossibilité de mettre en oeuvre cette stratégie sans l'aval du FDR à amener les jeunes militaires à prendre conscience que le MP 22 (Mouvement populaire du 22 mars) n'était pas un soutien de taille pour affronter la communauté internationale, notamment la CEDEAO. Ce rassemblement d'opportunistes de la classe politique et de la société civile ne pouvait en aucune manière être assez représentatif des Maliens malgré leurs déclarations fracassantes dans des stades et salles vides.

La junte a donc vite compris que ce mouvement n'était qu'une coquille vide. Elle alors essayé d'intimider les leaders du FDR en demandant, selon des témoignages concordants, d'accepter plus de postes dans le gouvernement de transition et « de la fermer » en laissant les putschistes contrôler le pouvoir politique. La junte a poussé l'intimidation jusqu'à vouloir arrêté Tiébilé Dramé jugé comme l'un des plus radicaux du front uni.

Face à l'échec de toutes ces stratégies d'intimidation et conscient du mécontentement général croissant face aux sanctions de la CEDEAO, le CNRDRE a préféré jeter l'éponge avant que des officiers, jusque-là restés neutres, se radicalisent ou que ses alliés dans les forces armées et de sécurité soient débordés par d'autres militaires qui, selon des sources concordantes, ont songé à un « coup dans le coup » ces derniers jours. Une hypothèse, heureusement, neutralisée par le rythme rapide d'avancement des négociations.

Toutefois, les militaires ont aussi accepté de s'éclipser avec des garanties qui les mettent à l'abri de toute poursuite judiciaire. Tous les membres du CNRDRE vont ainsi profiter d'une amnistie générale. Il est évident aussi que le gouvernement d’union nationale va s'ouvrir à certains d'entre eux, notamment au capitaine Amadou Haya Sanogo que beaucoup souhaiteraient voir au ministère de la Défense nationale.

La reconstruction et la refondation des forces armées et de sécurité ne doivent pas naturellement échapper au CNRDRE. D' ailleurs, une structure de suivi a été créée pour les putschistes qui avaient demandé et obtenu, pendant les négociations, que leur immunité soit garantie.

Aujourd'hui, le retour à une vie constitutionnelle normale est donc sur la bonne voie au Mali. Et il faut s'attendre à ce que les choses s'accélèrent dans les jours à venir. Une fois la vacance du pouvoir constatée, le président de l'Assemblée nationale sera investi président. Puis un Premier ministre, chef du gouvernement d'union nationale, sera nommé et disposera des pleins pouvoirs pour gérer les urgences.

Il s'agit notamment de la restauration de l'intégrité du territoire malien tout en faisant face à la crise humanitaires, et la préparation des élections. Comme beaucoup d'observateurs, nous pensons que les putschistes ont envoyé la balle dans le camp de la classe politique et de la société civile maliennes dont les leaders doivent tout faire pour rapidement parvenir à un consensus et ne pas perdre de temps dans des conflits de clochers.

C'est le moment pour l'ensemble des forces vives de la nation de prendre conscience que leur responsabilité est encore plus grande en ces heures décisives pour la nation malienne. Elles doivent faire fi des considérations partisanes et égoïstes et prioriser un dialogue franc et constructif afin de baliser les voies de sortie de crise pour un retour à la normale.