Lagos (© 2025 Afriquinfos)- Au-delà des secteurs de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, de l’économie, l’IA (Intelligence artificielle) s’impose de plus en plus comme une réponse dans le milieu artistique africain depuis quelques années. Avec son potentiel inédit, elle pourrait bien changer la donne.
L’intelligence artificielle révolutionne l’industrie musicale mondiale, influençant chaque aspect de la chaîne de valeur, de la création à la distribution. Avec des outils comme ChatGPT pour l’écriture de paroles, et des plateformes comme AIVA ou Boomy pour composer des morceaux automatiquement, l’IA redéfinit la manière dont la musique est produite.
Grâce à des algorithmes de recommandation, l’IA peut rendre les musiques africaines plus visibles sur les plateformes de streaming, attirant ainsi des millions d’auditeurs à travers le monde.
Avec l’aide de l’IA et de technologies comme la réalité augmentée, les artistes africains peuvent organiser des concerts virtuels qui attirent un public global sans nécessiter de déplacements coûteux.
Même si l’Afrique, berceau de la musique mondiale, a toujours été une source d’inspiration pour les cultures du monde entier, à travers des rythmes du mbalax sénégalais aux mélodies de l’afrobeat nigérian, en passant par les harmonies de l’amapiano sud-africain, de nombreux artistes et professionnels africains sont enthousiasmés par les possibilités offertes par cette technologie émergente.
Le producteur nigérian Eclipse Nkasi fait parti des artistes qui ont adopté l’intelligence artificielle (IA) dans l’afrobeat. Il explique que l’intelligence artificielle l’a aidé à réduire considérablement les coûts et le temps consacrés à la production d’un album de neuf titres, tout en assurant d’ailleurs que le fait que l’IA n’en soit qu’à ses balbutiements en Afrique pourrait être une aubaine pour le continent.
Nkasi et trois amis ont activé le programme ChatGPT d’OpenAI et l’ont mis au travail pour les aider à créer l’album de neuf titres « Infinite Echoes ».
Des opportunités certes mais des menaces également
Lorsque les applications d’intelligence artificielle (IA) ont commencé à se répandre dans l’industrie musicale nigériane, Eclipse Nkasi pensait que ses jours en tant que producteur étaient comptés. Puis il a pris du recul, a vu qu’il y avait des opportunités ainsi que des menaces et a utilisé la technologie pour générer un tout nouvel album d’afrobeats dans son studio situé dans la banlieue de Lagos.
« L’IA n’a pas à remplacer ce que nous avons. Elle offre aux gens une nouvelle expérience… et c’est ainsi que je pense que l’IA va vraiment bouleverser les choses« , a déclaré M. Nkasi à l’agence de presse Reuters.
Auparavant, il lui aurait fallu des milliers de dollars et jusqu’à trois mois pour composer les morceaux, recruter les musiciens, enregistrer les performances, les mettre en forme dans un studio traditionnel et les distribuer aux fans.
« L’IA rendra certaines choses obsolètes, a déclaré M. Nkasi. Mais l’IA devrait également permettre aux artistes de se réinventer et de faire leur travail mieux et plus rapidement,’’ a-t-il ajouté.
La technologie transforme déjà l’industrie et pourrait avoir un impact positif sur les valeurs de production et d’autres aspects techniques du processus d’enregistrement, a déclaré Omotolani Alake, critique musical basé à Lagos.
Mais il y a encore beaucoup d’incertitudes face à certains paramètres, y compris les droits d’auteur, qui doivent être pris en compte et développés, a-t-il ajouté. « Nous n’en sommes qu’au tout début.
La menace est énorme, mais se contenter de dire: ‘Bannissons l’IA» ne fonctionnera pas – il y a trop de pays et de personnes investies’, a-t-il déclaré à la BBC.
En matière de distribution, des algorithmes avancés propulsent les chansons en fonction des préférences des auditeurs sur des plateformes comme Spotify, Apple Music et YouTube. Ces technologies peuvent également analyser les tendances pour aider les artistes à anticiper les goûts des publics, offrant un avantage concurrentiel crucial dans un marché saturé.
Pourtant, de nombreuses initiatives démontrent que l’Afrique est prête à relever ces défis. Des artistes comme Burna Boy, Yemi Alade et Master KG ont prouvé qu’il est possible de combiner authenticité culturelle et modernité technologique. Cependant, pour maintenir cette dynamique, il faudra aller au-delà des efforts individuels et institutionnaliser l’usage des technologies comme l’IA.
Défis technologiques et considérations éthiques
L’Afrique possède un patrimoine musical d’une richesse inestimable, souvent transmis oralement. L’IA peut aider à enregistrer, transcrire, et archiver ces œuvres, garantissant leur survie pour les générations futures. Des technologies comme la reconnaissance audio peuvent analyser et cataloguer des musiques traditionnelles avec précision.
Cependant, le continent est confronté à des défis structurels majeurs qui freinent son adoption massive de l’IA. Les problèmes d’accès à Internet, les coûts élevés des infrastructures technologiques, et la formation insuffisante des acteurs de l’industrie musicale en matière d’outils numériques freinent l’exploitation du potentiel de l’IA.
L’adoption de l’IA dans l’industrie musicale africaine soulève des questions éthiques. Qui possède les droits d’une chanson créée en collaboration avec l’IA ? Les technologies importées risquent-elles de diluer l’identité musicale africaine au profit de modèles standardisés ?
De plus, il existe un risque de dépendance technologique. Si l’Afrique ne développe pas ses propres solutions technologiques, elle pourrait rester consommatrice des outils développés ailleurs, renforçant ainsi les inégalités technologiques mondiales.
L’Afrique doit-t-elle choisir entre tradition et innovation. ? Les avis restent partagés. L’adoption de l’intelligence artificielle peut renforcer la musique africaine tout en préservant son authenticité. Cependant, pour que l’IA devienne un véritable levier de croissance, il est essentiel d’investir dans des infrastructures numériques, de former les artistes aux outils technologiques et de promouvoir des cadres législatifs qui protègent les créations locales.
En embrassant l’IA, l’Afrique peut non seulement maintenir sa musique au centre de la scène mondiale, mais aussi redéfinir l’avenir de la musique à l’échelle planétaire.
Vignikpo Akpéné