Paris (© 2024 Afriquinfos)- Alors que ces dernières années, la tendance sur le continent consiste à modifier la Constitution pour rester au pouvoir, le président botswanais lui, déroge à cette pratique anti-démocratique qu’il trouve malsain. Par ailleurs le dirigeant dit avoir hâte d’achever ses deux mandats et ne plus aspirer à la présidence de son pays.
‘’Je suis horrifié par cela. Et je suis impatient que mes deux mandats prennent fin. Après cela, je m’en irai’’, a affirmé Mokgweetsi Masisi à quelques mois de la tenue des élections générales au Botswana.
Même s’il est candidat à sa propre succession, le président botswanais n’envisage ni de s’éterniser au pouvoir ni d’y revenir plus tard. ‘’Non je ne resterai pas et je n’essaierai pas non plus de revenir plus tard. Car la Constitution du Botswana est très claire : un leader qui a déjà servi son pays deux fois ne doit et ne peut pas se représenter’’, a-t-il également laissé entendre.
Le président Masisi s’exprimait en marge du Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales en Afrique, qui s’est tenu à Paris ce 20 juin 2024. Il a donc saisi cette occasion pour dénoncer la décision ‘’scandaleuse des leaders du G7’’, qui oblige le Botswana (premier producteur africain de diamants), l’Angola et la Namibie à envoyer leurs diamants – exportés dans ces pays du G7 – en Belgique pour y être certifiés. Cette mesure imposée par ces leaders du G7 permet de limiter l’importation de diamants russes, qu’ils estiment financer le conflit en Ukraine.
‘’Cette décision est une attaque envers notre souveraineté. Aussi louable soit la raison derrière cette décision, elle se fait au détriment de notre développement. Elle fait du mal à notre économie. Et nous ne pouvons prendre le risque qu’elle ait un impact sur l’emploi dans notre pays, sur le financement de nos systèmes de santé, d’éducation, d’infrastructure. Toute notre économie est affectée par cette décision. Je suis certain que ce n’était pas leur intention, mais cette décision fait du mal à des économies comme la nôtre, et nous sommes extrêmement dépendants de notre production de diamants’’, a déclaré le dirigeant africain.
Et pour revenir sur le grief entre Gaborone et Berlin qui critiquait la politique de chasse aux éléphants, Mokgweetsi Masisi a dit vouloir plaider auprès des partenaires européens. ‘’Que ces derniers prennent le temps de nous parler, de comprendre nos préoccupations. Mais, surtout, plus que tout, j’aimerais qu’ils acceptent une fois pour toute que nous sommes un pays indépendant et souverain, responsable de la façon dont nous gérons nos ressources, notre environnement. Le Botswana a le nombre le plus élevé d’éléphants au monde : nous sommes leaders dans la conservation de la faune et de la flore, y compris des espèces sauvages. Nous avons mis de côté un pourcentage conséquent de notre territoire pour la protection des espèces sauvages. Nous faisons bien plus en termes de conservation que certains pays qui, de façon condescendante, prétendent savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous. Je vous le demande : que sont devenus vos éléphants en Europe ? Et je propose de vous en donner 20 000. Même 25 000, cette fois-ci’’ !, a-t-il souligné.
D’après le président botswanais, la chasse n’est qu’un aspect de la politique de conservation du Botswana, tout comme le tourisme photos, et un certain nombre d’autres mesures. Cette chasse aux éléphants est encadrée, elle est légale, régulée, quantifiée, calculée dans le temps, tout en prenant compte du comportement des espèces. Le Botswana en effet dispose d’environ 130 000 éléphants sur son territoire.
Le Botswana aspire à produire des vaccins
S’agissant du principal sujet en marge duquel il s’exprimait, notamment pour faciliter l’accès aux vaccins et à leur fabrication en Afrique, Mokgweetsi Masisi a martelé qu’il est très important pour le Botswana et d’autres pays du continent de pouvoir accéder à des vaccins et de pouvoir les produire localement, ‘’parce que notre expérience avec la dernière pandémie de Covid a été très brutale. Notre pays a une économie sobre, frugale. Nous avions mis de l’argent de côté, en cas de besoin, et nous avons été obligés d’utiliser ces économies pour essayer de sauver notre population, en achetant des vaccins, tout en essayant d’en obtenir via l’organisation vaccinale Gavi. Nous avons payé, attendu, attendu encore et les gens sont morts. C’était un moment très difficile. Les pays producteurs, où les vaccins étaient manufacturés, ont sauté sur les vaccins, en en prenant parfois trois fois plus que ce dont ils avaient réellement besoin. Alors que nous – qui avions payé pour ces vaccins – nous regardions nos citoyens tomber comme des mouches. Nous avons alors décidé que, quoi qu’il arrive, nous allions tout faire pour devenir des fabricants de vaccin, responsables et éthiques… Pas seulement pour nous même, mais une consommation globale. Car jamais, jamais, nous n’aurons une politique comme celle adoptée par les fabricants de vaccins à l’époque’’, a en outre indiqué le dirigeant qui accordait une interview à Rfi.
Et pour atteindre cette souveraineté vaccinale, ‘’nous avons besoin de technologie, de finance, de capital intellectuel. Nous devons discuter de partenariat, d’assistance. C’est pour cela que je suis ici, en France, pour demander de l’aide et rencontrer des gens qui souhaitent la même chose’’, a aussi informé M. Masisi.
Aussi a-t-il soulevé que ‘’l’obstacle principal est d’obtenir l’accord de ceux qui ont la technologie, les brevets. Nous ne demandons que ces brevets soient levés, nous demandons des partenariats. Mais au-delà de tout cela, nous voulons pouvoir construire nos propres capacités de production’’.
Lors du sommet, il a été annoncé la levée de plus d’un milliard de dollars pour accélérer la production de vaccins sur le continent africain. La question de l’inégalité de l’accès aux vaccins sur le continent africain a été mise en lumière par la pandémie de Covid-19. Outre le président Masisi, les dirigeants du Sénégal, du Ghana, du Rwanda ont également pris part au sommet.
Vignikpo Akpéné