La France éclaire le monde autour des atrocités commises durant sa colonisation au Cameroun 

Afriquinfos Editeur
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Le PR Camerounais Paul Biya entrain de recevoir le Rapport ce 28 janvier

Yaoundé  (© 2025 Afriquinfos)- La France a mené à la fin des années 50 une véritable « guerre » contre les indépendantistes au Cameroun, marquée par des « violences extrêmes ». C’est ce que révèle un Rapport rédigé par des historiens français et camerounais sur le rôle de Paris avant et après l’indépendance de ce pays d’Afrique centrale.

Le rapport remis ce mardi 28 janvier 2025 au Président camerounais Paul Biya à Yaoundé, une semaine après sa remise à son homologue français, a été réalisé par une Commission de quatorze membres, dirigée par l’historienne et co-présidente de la Commission mixte franco-camerounaise, Karine Ramondy (à l’origine du document).

Celle-ci a étudié le rôle de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun entre 1945 et 1971. Se basant sur des archives déclassifiées, des témoignages et des enquêtes de terrain, le Rapport de plus de 1.000 pages vise à combler le « vide mémoriel », malgré quelques ouvrages reconnus, sur ce pan d’histoire sanglant, à faire la lumière sur ce pan d’histoire méconnu, en étudiant le rôle de la France entre 1945 et 1971.

Le document sera «accessible en accès libre et gratuit sur un site dédié et sécurisé», a annoncé Karine Ramondy.

«Briser un tabou vieux de plusieurs dizaines d’années»

«Vous avez accompli un travail de recherche très remarquable et de conciliation mémorielle d’une grande portée symbolique pour resituer l’authenticité des faits et des récits afin de faire émerger la vérité», a félicité Paul Biya au cours d’une cérémonie officielle de restitution du rapport au palais présidentiel de Yaoundé.

Ce ‘’rapport scientifique» fournit «une analyse historique et historiographique du rôle de la France au Cameroun» sur la période de 1945 à 1971, décrit Karine Ramondy’’. ‘’Notre objectif était de briser un tabou vieux de plusieurs dizaines d’années pour que la relation entre la France et le Cameroun puisse connaître de nouveaux développements’’, a expliqué dans son discours le président Paul Biya évoquant une ‘’décision commune’’ prise entre les deux pays.

‘’Un attachement à la poursuite du travail de mémoire’’

Ce ‘’travail de thérapie collective» amènera «les peuples à mieux s’accepter et à s’assumer pleinement dans leur relation’’, considère le président Biya. Sa restitution a eu lieu en présence d’une délégation française, emmenée par le ministre délégué français chargé de la Francophonie, Thani Mohamed Soilihi. Mardi dernier, Emmanuel Macron avait salué le «travail scientifique mené par les chercheurs, tout comme le caractère inédit de cette première commission mixte». Il avait également rappelé «son attachement à la poursuite du travail de mémoire et de vérité initié avec le Cameroun», d’après un communiqué de la présidence française.

La commission qui regroupe historiens et artistes des deux nationalités a été initiée lors d’une visite du président français au Cameroun en juillet 2022. «Conformément à l’engagement pris à Yaoundé en juillet 2022, les archives françaises ont été rendues entièrement accessibles aux chercheurs de la Commission, afin de faire la lumière sur les événements de la période de l’indépendance camerounaise», avait souligné l’Élysée.

« Côté français, la guerre du Cameroun est une terra incognita des mémoires sur le passé colonial… Côté camerounais, les mémoires sont marquées à vif« , constate le rapport. Divisé en quatre parties chronologiques, l’ouvrage étudie notamment le glissement de la répression vers une véritable « guerre« , un terme jusqu’à présent banni du discours officiel français. Se déroulant dans le sud et l’ouest du pays entre 1956 et 1961, elle a sans doute fait « des dizaines de milliers de victimes », selon les historiens.

Si la Commission estime « ne pas avoir de compétence juridique pour qualifier ces pratiques de génocidaires », « il est indéniable que ces violences ont bien été extrêmes car elles ont transgressé les droits humains et le droit de la guerre« , écrit-elle.

Le rapport se penche ensuite sur la période post-indépendance (obtenue en 1960) et l’engagement de la France dans la répression des mouvements d’opposition au régime du président Ahmadou Ahidjo, afin de conserver son influence dans ce pays au fort potentiel économique et stratégique.

« Répression multiple » de la France

Après la défaite de l’Allemagne en 1918, la Société des nations (SDN) avait placé sous mandat français (puis tutelle en 1945) la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun, la partie occidentale bordant le Nigeria étant confiée à la Grande-Bretagne.

Face à la montée du mouvement indépendantiste après la Deuxième guerre mondiale, les autorités françaises mettent en oeuvre une « répression multiple« , policière, administrative, judiciaire, mais aussi politique, empêchant les leaders indépendantistes d’aller s’exprimer à l’Onu, ou manipulant la scène politique camerounaise.

Le rapport souligne aussi le rôle joué « par une poignée de colons » dans l’intensification des violences, en particulier en septembre 1945 à Douala, où des colons tirent sur des grévistes.

A partir de 1955, la répression s’intensifie, sous la houlette du Haut-Commissaire de l’époque, Roland Pré.

L’UPC (Union des populations du Cameroun), parti indépendantiste, est interdit, ses leaders entrent dans la clandestinité. Ses organisations paramilitaires mènent des actions de guérilla, des assassinats d’hommes politiques camerounais, des enlèvements.

La répression des autorités « se généralise à l’ensemble de la société« , écrit le rapport. Et la répression militaire se met également en branle: créations de zones d’exception, dont la Zopac (zone de pacification) dans la région côtière de Sanaga-Maritime.

La France met en œuvre la « doctrine de guerre révolutionnaire » expérimentée en Indochine et en Algérie, appliquant les mêmes méthodes: « recours à la torture, ratissages massifs, arrestations préventives, rafles, déplacements de populations…« . Des centaines de milliers de personnes sont déplacées et rassemblées dans des « camps de regroupement« , qui perdureront bien après l’indépendance, relève le rapport.

Mais la guerre reste largement ignorée, car ce sont des troupes coloniales d’Afrique équatoriale française qui sont essentiellement engagées, le nombre de militaires français ne dépassant pas les 300 à 400 en 1960. « Très peu médiatisé, l’affrontement en Sanaga-Maritime se fait en vase clos. Mais l’invisibilisation ne doit pas faire illusion; la France fait bel et bien la guerre au Cameroun« , souligne le rapport.

Il se penche également sur la mort des leaders indépendantistes Ruben Um Nyobe, abattu par l’armée française en 1958, et Felix Moumié, empoisonné en 1960 à Genève, un « assassinat politique impliquant la responsabilité du gouvernement français« .

Un régime autocratique malgré l’indépendance

« L’indépendance formelle (en janvier 1960) ne constitue absolument pas une rupture nette avec la période coloniale » et est « loin de mettre un terme à l’implication des autorités françaises dans la répression des mouvements désormais d’opposition« , y compris contre l’avis de certains responsables français, selon le rapport.

Ahmadou Ahidjo, Premier ministre puis président en 1960, met en place « un régime autocratique et autoritaire avec le soutien des autorités françaises, représentées par des conseillers et administrateurs, qui accordent leur blanc-seing aux mesures répressives adoptées« .

Le garde des Sceaux de l’époque, Michel Debré, participe à la rédaction de la Constitution du Cameroun, des traités bilatéraux sont signés, qui consacrent notamment la participation de l’armée française au « maintien de l’ordre« , souligne le rapport.

En outre, les opérations sur le terrain se poursuivent après 1960, notamment le « mitraillage et des bombardements aériens d’habitations dans l’ouest du pays« , selon le rapport, qui écarte l’utilisation de napalm au Cameroun, mais mentionne le recours à des cartouches incendiaires, particulièrement dévastatrices ».

Le rapport de la Commission Ramondy s’inscrit dans la politique mémorielle du Président Macron vis-à-vis de l’Afrique, après le Rapport Duclert.

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