La démocratie, méfiez-vous d’elle, elle peut être une illusion

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L’Afrique, vaste continent au destin complexe, semble avoir placé la démocratie sur un piédestal, un absolu inébranlable. Mais n’est-ce pas là une illusion dangereuse, un mirage qui voile les véritables priorités du développement ? Si nous plongeons dans l’histoire contemporaine, une vérité troublante s’impose : la démocratie n’a jamais été le moteur premier de l’essor des nations. Ce n’est pas la liberté de parole qui remplit les ventres, ni les élections qui bâtissent des infrastructures. Il y a un décalage fondamental entre l’idéal démocratique et les besoins pressants de développement.

Prenons l’exemple poignant de Thomas Sankara. Un leader visionnaire, mais trahi par la démocratie ou plutôt par ceux qui l’ont pervertie. Blaise Compaoré, son bras droit, devenu ennemi, n’a eu qu’à manipuler les libertés pour perpétrer son coup fatal. La démocratie n’a pas sauvé Sankara, elle l’a tué. Pourquoi ? Parce qu’en Afrique, comme ailleurs, la démocratie devient souvent l’outil de ceux qui maîtrisent l’art de l’intrigue, un terrain fertile pour des ambitions personnelles déguisées en quête de liberté collective.

Et que dire des pays qui, sans jamais flirter avec la démocratie, sont devenus des géants ? La Russie, grande puissance aux ambitions retrouvées, n’a jamais vu dans la démocratie une condition essentielle à son développement. Et que dire de la Chine ? Ce colosse mondial s’est hissé au sommet du commerce et de la technologie, non pas en multipliant les élections, mais en adoptant une approche pragmatique, axée sur l’efficacité et la discipline. Ce que la Russie et la Chine ont compris, c’est que le développement précède souvent la démocratie, et non l’inverse.

Regardons notre propre continent. L’Afrique du Sud, libérée de l’apartheid, s’est construite sur un équilibre fragile, où le pragmatisme de Nelson Mandela a souvent tempéré l’idéal démocratique. Le Rwanda, sous Paul Kagamé, affiche des taux de croissance enviables, une stabilité presque enviée, pourtant sans se plier aux diktats de la démocratie occidentale.

La CEDEAO et les États de l’AES continuent de se perdre dans cette quête de la démocratie comme une condition préalable au développement, quand en réalité, elle ne fait que retarder les véritables réformes nécessaires. L’Afrique ne peut pas se permettre de sacrifier son avenir sur l’autel de la démocratie alors que les fondations économiques ne sont même pas posées. Nos États doivent regarder en face cette dure réalité : il n’y a jamais eu de grande démocratie sans développement préalable. Le chemin de l’essor est pavé de choix difficiles, d’autorités fortes et de priorités claires.

Le développement exige des sacrifices, des réformes structurantes, parfois impopulaires, mais nécessaires. Les Africains ne doivent plus être les seuls condamnés à voir la démocratie comme une fin en soi. L’essentiel doit d’abord être construit, les routes, les hôpitaux, les écoles, les industries. C’est lorsque nos nations auront atteint cette maturité économique, que nos peuples seront nourris et éduqués, que la démocratie pourra alors éclore comme une fleur dans un jardin bien entretenu.

En vérité, la démocratie n’est pas le socle, elle est le fruit. Elle arrive une fois que le travail est fait, que les structures sont solides et que le peuple, satisfait dans ses besoins essentiels, peut alors débattre de son avenir sans craindre la faim ni la guerre. Le vrai défi, pour l’Afrique, c’est de sortir de cette illusion, de cette course effrénée vers une démocratie vide de substance. L’avenir de notre continent repose sur une vision pragmatique, sur le courage de reconnaître que la liberté doit parfois attendre que l’estomac soit plein.

ALEX KIPRE  écrivain, éditeur, journaliste