La crise entre Est et Ouest autour de la Banque centrale à même de faire imploser durablement le reste de l’Etat libyen

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La Banque centrale de Libye (d), le 13 février 2024 à Tripoli.

L’ONU et les Etats-Unis ont appelé mardi 27 aout 2024 les acteurs politiques en Libye à une réunion « urgente » pour désamorcer la crise autour de la Banque centrale (BCL) et le blocus de la production et des exportations de pétrole.

Exprimant sa « profonde préoccupation », la Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) a proposé « une réunion d’urgence de toutes les parties impliquées dans la crise de la BCL pour atteindre un consensus fondé sur des accords politiques, des lois et le principe de l’indépendance de la BCL », selon un communiqué. Pour l’ambassade des Etats-Unis en Libye, c’est la « voie à suivre pour résoudre la crise entourant la Banque centrale ».

Belkacem Haftar, le fils de l’homme fort de l’est de la Libye, Khalifa Haftar, lors d’une réunion avec un envoyé de l’ONU pour discuter des projets de reconstruction et de développement, le 6 juin 2024 à Benghazi.

En proie au chaos depuis l’assassinat de Mouammar Kadhafi en octobre 2011 par une coalition internationale, la Libye est gouvernée par deux exécutifs rivaux: celui d’Abdelhamid Dbeibah installé à Tripoli (Ouest) et reconnu par l’ONU, et un autre dans l’Est, soutenu par le maréchal Khalifa Haftar.

Ripostant lundi 26 aout à l’éviction par les autorités de l’Ouest du gouverneur de la BCL, institution vitale qui gère la manne pétrolière et le budget de l’Etat, leurs rivales de l’Est ont annoncé la suspension de la production et des exportations pétrolières.

« Le blocus pétrolier sera maintenu tant que le gouverneur de la BCL n’aura pas repris ses fonctions légales », a averti ce 27 aout 2024 le président du Parlement basé à l’Est, Aguila Saleh, sans évoquer des pourparlers avec l’Ouest. La Manul a qualifié de « décisions unilatérales », aussi bien le remplacement du Gouverneur Seddik el-Kebir, mis en oeuvre en accord avec le Premier ministre Dbeibah, que la fermeture « jusqu’à nouvel ordre » par le camp Haftar des gisements et terminaux pétroliers, principalement basés dans l’Est et le sud, qu’il contrôle.

Le Gouverneur el-Kebir, en poste depuis 2012, était dernièrement critiqué par l’entourage de M. Dbeibah pour sa gestion de la manne pétrolière, considérée comme trop favorable au clan Haftar. Lundi 26 aout 2024, une nouvelle équipe dirigeante est entrée dans les locaux de la BCL mais des analystes ont émis des doutes sur sa capacité à faire fonctionner cette institution, qui a stoppé toutes ses opérations au départ du Gouverneur el-Kebir. « La passation de pouvoirs s’est déroulée de façon simple et sans accrocs », et il n’y a eu « aucune dégradation », a affirmé mardi 27 aout en conférence de presse Abdel Fattah Ghaffar, chargé provisoirement par les autorités de l’Ouest de diriger la BCL.

Photo diffusée sur la page Facebook du commandement général de l’armée nationale libyenne montrant le maréchal Khalifa Haftar, lors d’une cérémonie à son arrivée sur un aérodrome militaire de Moscou, le 26 septembre 2023.

« Nous avons rassuré le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale sur notre engagement à respecter les législations nationales et internationales », a affirmé M. Ghaffar, qui dispose d’une longue expérience dans des banques publiques et privées. Il a annoncé « un retour au travail d’environ 90% des employés de la BCL à partir de ce 28 aout » et un rétablissement des opérations bancaires dans la foulée.

Résoudre la crise de la BCL « est une nécessité urgente », a souligné la Manul, mettant en garde contre un risque d' »effondrement financier et économique du pays ». La Libye tire quasiment la totalité de ses ressources de l’exploitation du pétrole, dont la production était revenue récemment à 1,2 million de barils par jour (contre à 1,5 à 1,6 millions avant la révolution de 2011 soutenue depuis l’étranger).

La Manul a demandé de garantir la sécurité des salariés de la BCL pendant que l’Ambassade américaine faisait état d' »informations préoccupantes » sur des « arrestations arbitraires et intimidations » à leur encontre.

© Afriquinfos & Agence France-Presse