La CPI va poursuivre ses enquêtes autour des évènements troubles de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, malgré la fermeture de son Bureau local

Afriquinfos Editeur
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La CPI va poursuivre ses enquêtes autour des évènements troubles de 2010-2011 en Côte d'Ivoire (Dr Rfi)

Abidjan (© 2024 Afriquinfos)- Malgré la fermeture de son bureau ivoirien, la Cour pénale internationale assure que les enquêtes sur les crimes commis en Côte d’Ivoire suite aux violences post-électorales perpétrées entre décembre 2010 et fin mai 2011, sont toujours en cours.

Selon Mandiaye Niang, le procureur adjoint de la Cour pénale internationale (CPI), l’enquête du bureau du procureur est toujours en cours. ‘’Nous maintenons notre cap, qui est l’enquête sur les autres factions ‘’, a-t-il affirmé.  Et c’est le second volet des investigations entrepris par la Cour.

Cette deuxième phase des enquêtes a débuté en 2016, peu après l’ouverture du procès de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à La Haye, aux Pays-Bas, où se situe le siège de la CPI. Cette phase cible l’autre camp du conflit, à savoir la rébellion des Forces Nouvelles dirigées par Guillaume Soro, qui était alors un soutien du président Alassane Ouattara. Par la suite, Soro est devenu Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale. Lorsque sa relation avec le chef de l’État s’est détériorée, il a choisi de s’exiler en 2019. Depuis lors, l’ancien ministre a été condamné par contumace à plusieurs reprises par la justice ivoirienne.

Un manque criard de coopération qui freine les choses

Mais d’après la CPI, ce second volet de l’enquête patine depuis des années en raison d’un manque de coopération  

 ‘’L’enquête est une activité exploratoire, souligne Mandiaye Niang. On explore, on suit des pistes, on identifie des gens. Mais quant à voir ces gens venir, coopérer avec nous, nous donner les preuves, quant à avoir accès à certaines informations, que ce soient des comptes-rendus téléphoniques ou autre chose (…) tout cela est un véritable parcours d’obstacles’’. Les enquêteurs de la CPI n’ont pas les pouvoirs de police qui leur permettraient de perquisitionner, de lancer des sommations à comparaître et d’arrêter les suspects. ‘’ Nous sommes une autorité d’enquête lointaine’’, explique Mandiaye Niang sur Rfi  et ‘’ nous devons compter sur la coopération des États’’.

Une coopération aléatoire, même si elle est obligatoire pour les États qui ont ratifié le traité de la Cour, comme l’a fait la Côte d’Ivoire en 2013.

 Depuis le début, le second volet des investigations est bien plus chaotique. ‘’Nous continuons à avoir accès au territoire », précise néanmoins le magistrat sénégalais qui compte relancer la coopération avec Abidjan. « Nous envisageons de reprendre langue avec les autorités, pour voir dans quelle mesure nous pouvons rendre encore plus fluide cette coopération’’, dit avec prudence Mandiaye Niang. Il espère pouvoir se rendre sur place dans les prochaines semaines. Le bureau du procureur cherche aussi à obtenir la coopération de l’ONU, notamment pour interroger « des anciens contingents des Nations unies ».

Sur la question portant sur une probable coopération de la France, qui avait déployée sur place la force Licorne, une opération militaire en Côte d’Ivoire de 2002 à 2015, le procureur adjoint a indiqué que comme pour toute investigation, certains actes se déroulent hors du territoire concerné.

Les cibles du bureau du procureur sont confidentielles, et M. Niang n’a pas indiqué quand les mandats d’arrêt seraient délivrés. Il dit néanmoins vouloir clore l’enquête dans le courant de l’année 2025.

À l’époque des investigations contre Laurent et Simone Gbagbo (l’ex-première dame du pays) et contre Charles Blé Goudé (ministre ivoirien de la Jeunesse au moment des faits), les autorités ivoiriennes ‘’ nous avaient beaucoup aidé’’, rappelle le magistrat sénégalais. Le bureau du procureur avait ouvert le premier volet de son dossier Côte d’Ivoire quelques semaines après la fin des violences qui ont secoué le pays entre décembre 2010 et mai 2011.

Lorsque la Cour a signalé la fermeture à venir du bureau à Abidjan. Mi-septembre, le gouvernement ivoirien avait relayé l’information :

’Si le bureau de la CPI estime qu’il a fini sa mission ici et qu’il doit fermer, nous ne pouvons que nous en réjoui’’, avait déclaré son porte-parole, Amadou Coulibaly, à l’issue d’un Conseil des ministres.

 « Coup dur »

‘’La CPI aurait dû retarder son départ’’, avait estimé pour sa part Lacina Kanté, le président de la Confédération des organisations des victimes des crises ivoiriennes (Covici). Selon lui, la présence effective de la cour est « un instrument dissuasif ». Lors de la dernière élection présidentielle, en 2020, les autorités ont fait état de 85 morts et plus de 500 blessés.

Même si plus d’une décennie s’est écoulée depuis les violences de 2010-2011, le départ du greffe de la CPI et la fin de son programme du Fonds au profit des victimes, qui a touché plus de 8 000 personnes en quatre ans, suscitent des doutes et des inquiétudes du côté des associations concernées. En théorie, cette décision n’a aucune incidence sur les suites de l’enquête du procureur, mais ‘’c’est un coup dur, un mauvais message envoyé aux milliers de victimes, qui ont l’impression d’être abandonnées’’, avait jugé Lacina Kanté. Selon lui, plus de 19 000 civils sont morts en raison du conflit commencé en 2002.

V.A.