Kenya: Critiquer le pouvoir Ruto et disparaître, une pratique contre laquelle promet de lutter le Président

Afriquinfos Editeur
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Manifestations au Kenya le 25 juin 2024.

Le Président kényan William S. Ruto a promis vendredi 27 décembre 2024 de ‘mettre fin aux enlèvements’ de manifestants et autres voix critiques du pouvoir par les Forces de l’ordre, après de nouveaux cas dénoncés par des ONG, avocats et personnalités politiques.

Les Forces de sécurité de ce pays d’Afrique de l’Est sont accusées d’avoir arrêté et de détenir illégalement des dizaines de manifestants depuis les vastes rassemblements contre la politique de rigueur du Gouvernement mi-2024. Les dernières disparitions, qui font les gros titres dans le pays ces derniers jours, concernent principalement des jeunes hommes ayant critiqué M. Ruto sur internet. Les défenseurs des droits de l’Homme réclament au Gouvernement la fin de ces exactions, des accusations encore niées par la police ce jeudi 26 décembre 2024.

Des forces de l’ordre en civil arrêtent un manifestant lors d’un rassemblement à Nairobi, le 10 décembre 2024.

M. Ruto s’est exprimé au lendemain d’une déclaration de son ancien Vice-président Rigathi Gachagua, qui a accusé son administration de ‘cibler’ ainsi la jeunesse. Lors d’un discours prononcé vendredi 27 décembre à Homa Bay (ouest), le Chef de l’Etat a promis de mettre fin aux enlèvements, tout en exhortant les parents à ‘assumer la responsabilité de leurs enfants’. ‘Nous allons mettre fin aux enlèvements pour que nos jeunes puissent vivre en paix’, a déclaré W. S. Ruto à la foule présente, selon les médias locaux.

M. Ruto avait déjà abordé le sujet en novembre 2024 dans son discours annuel sur l’état de la nation, où il avait ‘condamné toute action excessive ou extrajudiciaire’, tout en jugeant que de nombreuses arrestations étaient légitimes, car visant des ‘criminels et éléments subversifs’.

La colère n’a cessé de croître dans le pays face à ces enlèvements, même si les derniers n’ont provoqué que de petites manifestations. Les défenseurs des droits humains demandent pourquoi la Police ne semble pas enquêter sur ces disparitions. Si la Police n’est pas complice, elle doit immédiatement ‘enquêter et poursuivre les responsables‘, a ainsi souligné la Law Society of Kenya, principale association d’avocats du pays. Human Rights Watch avait déclaré que ses enquêtes sur le sujet pointaient la responsabilité  d’une unité composée de membres de plusieurs Agences de sécurité.

Jeudi 26 décembre 2024, l’ancien Vice-président Rigathi Gachagua, évincé en octobre 2024 après de vifs différends avec le Président au sujet des manifestations, a affirmé qu’une unité secrète était derrière les disparitions précitées. ‘Enlever ces enfants et les tuer n’est pas une solution… C’est la première administration dans l’histoire de ce pays à cibler les enfants‘, a-t-il ouvertement critiqué. Au total, 29 des 82 personnes enlevées ainsi depuis juin 2024 sont toujours introuvables, dont six en ce mois de décembre, selon la KNCHR (Commission nationale des droits de l’Homme du Kenya).

Plus de 60 personnes ont par ailleurs été tuées lors des manifestations antigouvernementales de juin-juillet 2024, selon des ONG.

Le Président kényan William S. Ruto, au centre, arrive au Parlement pour prononcer son discours sur l’état de la nation, le 21 novembre 2024 à Nairobi.

© Afriquinfos & Agence France-Presse