Gabon/Lumière sur la gouvernance des Bongo: Comprendre l’opération ‘Dignité’ focalisée sur un système et non des hommes

Afriquinfos Editeur
7 Min de Lecture

Libreville (© 2023 Afriquinfos)- Quelques semaines après sa nomination au sein du gouvernement de transition, le 9 septembre 2023, le ministre gabonais de la Justice Paul-Marie Gondjout,  livre  sa lecture sur la gouvernance de l’ex-régime Bongo, les arrestations et les inculpations en cours au Gabon depuis la chute d’Omar Bongo, ainsi que sur le nouvel system politique qu’érige la transition.

Une dizaine d’anciens hauts responsables gabonais sont emprisonnés, ou encore poursuivis par la justice, depuis le coup d’Etat du 30 août 2023. Parmi eux Sylvia Bongo, Lambert Noël Matha. Selon Paul-Marie Gondjout qui s’exprime pour la première fois depuis sa nomination, ces arrestations résultent de l’opération « Dignité » qui a été mise en place. ‘’Il y a eu des flagrants délits qui vont emmener à approfondir les enquêtes. Le procureur de la République nous dira ce qu’il en est, d’arrestations ou non des personnes qui auraient commis des forfaits’’, assure-t-il.

Pour le président du parti UNI (opposant sous l’ancien régime,) ces opérations répondent à l’ambition du nouvel appareil étatique de disposer d’un ‘’système politique plus juste’’.

S’agissant du sort réservé au président déchu Ali Bongo, Paul-Marie Gondjout a précisé que ce dernier été élargi par le Comité de transition et de la restauration des institutions. ‘’Pour l’instant, aucune poursuite n’est engagée contre lui. Si dans le cours des choses, il y a des éléments qui permettent de le faire, à ce moment-là on avisera, mais pour l’instant je pense que rien n’a été engagé contre lui’’, a-t-il-affirmé lors d’un entretien sur Rfi.

- Advertisement -

A la question de savoir si cela ne semblait pas à une possible impunité pour l’ancien dirigeant? ‘’Nous n’allons pas focaliser sur une personne mais sur un système qui a mis le pays à sec. Donc il ne faut pas orienter les choses vers une personne alors qu’il y en a d’autres. Il y a des faits notoires qui ont été mis à jour. De l’argent qui a été retrouvé dans des maisons, de manière indécente. Il y a la task force pour vérifier un certain nombre de choses sur la dette de l’État et des méfaits qui auraient pu être commis, avec des ramifications au Gabon et à l’extérieur. Il y aura peut-être évidemment des commissions qui vont être mises en place pour aller rechercher partout où c’est nécessaire tout ce qui aura été fait’’, s’est-il justifié.

Le ministre a également fait savoir que ‘’le Gabon a été spolié. Les finances de l’État sont à mal. Le fait qu’il y ait des personnes qui ont certainement caché de l’argent du Gabon à l’extérieur du pays, il va falloir retrouver cet argent. Cette opération « Dignité » nous fait découvrir nombre de choses incroyables. C’est un système qui a mis le pays en coupe réglée. C’était un peu comme une épicerie où ils se servaient à volonté. Maintenant le gérant de l’épicerie demande effectivement que des comptes soient faits’’.

Pour toutes les saisies effectuées, le président de la transition a demandé que ces biens soient retournés à celui qui normalement doit être le propriétaire, c’est à dire l’État. Ce sont les Gabonais qui doivent effectivement pouvoir profiter de ces biens parce que ce sont les leurs. L’opération « Dignité », elle durera le temps nécessaire, il n’y a pas de limite de temps, a souligné le nouveau ministre de la justice.

La marche vers un nouveau système politique ?

Cependant Paul-Marie Gondjout dément les faits selon lesquels l’ancienne première dame Sylvia Bongo, serait séquestrée arbitrairement, voire prise en otage.

’Je pense que c’est tout à fait exagéré. Le 30 août, il y a eu une opération pour stopper tout le processus électoral engagé qui était totalement biaisé, toxique et dangereux pour le Gabon. À l’issue de cela, il y a eu des arrestations, mais il y a surtout eu la mise en sécurité du chef de l’État sortant et de sa famille’’, a-t-il fait observer, avant de marteler : ‘’Il n’y a pas eu de séquestration arbitraire. Il n’y a pas eu de prise d’otage. Il y a simplement eu la mise en sécurité de la première dame sortante, pour éviter qu’il n’y ait de graves dommages à sa personne. Notre pays reste lié par les instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme. Je tiens à cela’’.

Quant à la question de savoir où se trouve actuellement Mme Sylvia Bongo, Paul-Marie Gondjout a affirmé que les avocats de cette dernière devraient ‘’le savoir !’’. ‘’ À partir du moment où elle est passée en instruction, les avocats doivent le savoir. S’ils ne le savent pas c’est qu’ils sont de mauvaise foi’’, a-t-il dit.

D’après le nouveau patron de la justice gabonaise, ‘’le plus important aujourd’hui, c’est de savoir quel système politique nous voulons avoir pour notre pays. Nous avons fonctionné depuis 1960 sous un système présidentiel. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que ce système a fait son temps. Il faut une dose de système parlementaire plus importante, et il faut un système de représentation qui soit plus large et qui garantisse à tous, aux minorités, aux différentes sensibilités, leur accès aux charges soit de l’État soit des collectivités. Le Gabon en a bien besoin aujourd’hui. Parce que vivre avec un président monarque qui décide de tout et qui fait tout, il faut revoir cela, pour que notre système politique soit plus juste’’.

Au Gabon, un coup d’État orchestré à l’issue des dernières élections présidentielles, très controversées a conduit à la chute du président Ali Bongo. Depuis, le pays est dirigé par le commandant en chef, Brice Clotaire Oligui Nguema.

Afriquinfos