Cannes (© 2025 Afriquinfos)- Le Nigéria est sous les projecteurs à cette 78ème édition du Festival de Cannes, grâce à son premier film qui y est en sélection officielle, « My Father’s Shadow ». Il s’agit d’un long-métrage tourné à Lagos, capitale du pays le plus peuplé d’Afrique. C’est la première fois qu’un film nigérian est en sélection officielle à cette grand-messe du cinéma.
Sélectionné dans la catégorie ‘’Un Certain Regard du Festival de Cannes’’, « My Father’s Shadow” du réalisateur Akinola Davies Jr raconte l’épopée touchante d’un père et de ses deux fils dans la capitale Lagos, alors que grondent les prémices d’une grave crise politique au début des années 1990. À travers cette histoire, le réalisateur et son frère Wales Davies, auteur du scénario, qui ont perdu leur père précocement, replongent le cinéphiles dans cette époque du Nigeria.
De nombreuses années après le décès de leur père, les deux hommes ont commencé à réfléchir à une idée de film pour questionner la notion de l’absence…
« Au Nigeria, l’homme doit subvenir aux besoins de la famille, ce qui implique qu’il soit absent car il doit travailler constamment, parfois loin, pour nourrir les siens« , explique le cinéaste. « Nous avons voulu creuser cette question: qu’est-ce qui est le plus important ? Cette quête effrénée ou passer plus de temps avec ceux que l’on aime”?
Dans «L’ombre de mon père», les frères Davies rendent également hommage au père qu’ils connaissaient à peine dans une histoire père-fils bouleversante. Le film, qui a été présenté en première dimanche, 18 mai 2025, a été l’aboutissement de plus d’une décennie d’interrogations.
‘’L’ombre de mon père’’ qui se déroule sur une seule journée à Lagos en 1993, entre dans l’histoire à Cannes. Il s’agit du premier film nigérian en sélection officielle sur la Croisette, une étape importante que le Nigeria célèbre. Grâce à ‘’L’ombre de mon père’’, le Nigeria a mis en place son propre pavillon national dans le village international de Cannes cette année 2025.
‘’Cela signifie beaucoup pour les gens au Nigeria. Cela signifie que nous pouvons exister sur ces plateformes et que nos histoires peuvent exister dans ces espaces’’, commente Davies. ‘’C’est un témoignage du talent qui existe au Nigeria. C’est un témoignage des histoires qui s’y trouvent. C’est un témoignage de l’industrie qui y est florissante’’.
‘’My Father’s Shadow’’, tourné à Lagos, tire également une grande partie de sa texture et de son atmosphère du Nigeria. ‘’J’ai ce vrai sens du romantisme pour le Nigeria’’, ajoute Davies. Tout le monde se dit: ‘’C’est super chaotique’’, mais pour moi, c’est en fait très calme.
Un film, un scénario
L’acteur de «Gangs of London», Ṣọpẹ́ Dìrísù, joue le rôle du père, Folarin. Dans la maison familiale à l’extérieur de Lagos, les garçons (Chibuike Marvellous Egbo et Godwin Egbo) rentrent chez eux pour le trouver là-bas à l’improviste. Ils ne les voient presque jamais – il travaille à Lagos – mais Folarin les emmène dans un voyage dans la ville qui sera une révélation pour les garçons.
Le film se déroule lors d’une journée charnière pour le Nigeria, lorsque le général Ibrahim Badamasi Babangida, qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’État, rejette les résultats d’une élection démocratique. Ce jour-là, non seulement le souvenir conjuré du père des Davies, mais aussi les rêves d’une nation sont mis en veilleuse.
Nollywood, deuxième producteur de films au monde
Le réalisateur nigérian, qui a grandi entre l’Angleterre (où il vit aujourd’hui) et son pays d’origine, a tourné son film sur six semaines, à Lagos, ville la plus densément peuplée d’Afrique. Une expérience qu’il compare à des « olympiades de la logistique« : « L’industrie du cinéma est massive au Nigeria, mais ils ont leur propre manière de faire les choses. Chaque jour, il fallait soulever des montagnes« , se remémore-t-il, amusé.
Cette édition du Festival de Cannes constitue ainsi une vitrine pour le cinéma du Nigeria, Nollywood, qui figure parmi les plus prolifiques au monde, et qui d’ailleurs est en en quête de nouveaux marchés à l’international. L’industrie nigériane du cinéma, baptisée Nollywood, n’avait en effet jamais réussi à briser le plafond de verre cannois. C’est désormais chose faite avec « My Father’s Shadow » (‘L’ombre de mon père’) sélectionné dans la Catégorie « Un certain regard » du Festival de Cannes, dédiée aux cinémas émergents.
Cette sélection représente un honneur pour le cinéaste Akinola Davies Jr qui a encore du mal à y croire. « J’entendais toujours parler de Cannes en grandissant et me retrouver ici avec mon premier film dans le festival le plus prestigieux du monde, c’est un peu surréaliste. Être le premier film nigérian sélectionné à Cannes est aussi quelque chose de très spécial« , explique-t-il.
Le Nigeria est un pays à la production cinématographique foisonnante. Au cours des dernières décennies, son cinéma s’est considérablement développé pour devenir l’un des plus prolifiques au monde. Avec environ 2.500 films réalisés chaque année, sa production cinématographique est la deuxième plus importante du globe derrière l’Inde, loin devant les États-Unis et leurs quelque 600 longs-métrages d’un autre calibre par an! Des films produits pour la plupart rapidement, avec de petits budgets et une identité culturelle forte, axée sur la réalité quotidienne des Nigérians.
À l’occasion du Festival de Cannes 2025, le Gouvernement nigérian a lancé une nouvelle initiative, « Screen Nigeria« , pour renforcer la visibilité mondiale de Nollywood et attirer des investissements étrangers. Une démarche qui s’inscrit dans un programme plus large visant à générer 2 millions d’emplois et 100 millions de dollars supplémentaires. Grâce aux industries créatives d’ici 2030. Ouvert le 13 mai dernier, cette édition 2025 du Festival de Cannes prend fin le 24 mai prochain.
Vignikpo Akpéné