Duduzile Mthembu arpente mercredi 29 mai 2024 les couloirs obscurs d’un immeuble délabré du township d’Alexandra, près de Johannesburg, pour tenter vainement de faire voter des jeunes aux législatives.

Dans le sinistre « Madala Hostel », complexe hexagonal en briques rouges construit sous l’apartheid pour loger la main d’oeuvre noire venue du pays zoulou (sud-est), des milliers de personnes vivent dans des pièces exiguës, avec des portes protégées par des grilles en métal, des fenêtres cassées et des plafonds qui gouttent. Comme la plupart des occupants, Duduzile, 57 ans, soutient le parti nationaliste zoulou Inkatha Freedom Party (IFP) du redouté Mangosuthu Buthelezi, mort l’an dernier.

Mais la loyauté envers le parti, qui a mené une guerre avec le Congrès national africain (ANC) au pouvoir pendant la période trouble précédant la chute de l’apartheid, s’estompe. La jeune génération n’espère plus rien de la politique, alors que l’Afrique du Sud organise ses septièmes élections démocratiques. Les voisins de Duduzile, noyés dans la pauvreté et les odeurs pestilentielles des toilettes communes, « disent que le changement n’arrivera pas et qu’il n’y a aucune raison d’aller voter. J’essaie de les convaincre », dit-elle.
Difficile d’être optimiste dans un décor pareil. Les chèvres se disputent les ordures et certains profitent de ce jour de scrutin déclaré férié pour laver leurs vêtements à la main.
– « Rien de spécial » –
Zakhele Zondo, 41 ans, a quitté la province du KwaZulu-Natal pour s’installer ici en 2002, à la recherche « d’un avenir meilleur », qui reste encore lointain. Son « petit salaire » de chauffeur livreur lui permet toutefois de subvenir chaque mois aux besoins d’une famille nombreuse restée au pays. « Cet endroit n’est plus adapté, il est trop vieux », dit-il en montrant son logement. Deux petits lits dans une étroite pièce sans chauffage qu’il partage avec un autre homme. Des vêtements traditionnels en peau d’animal pendent près de casiers rouillés. Des affiches fanées de filles zouloues, les seins nus, y sont collées près d’une photo de l’équipe de foot nationale. Dans une marmite bout du bœuf et du porridge de maïs. Après avoir déjeuné, Zakhele Zondo a déclaré qu’il irait voter, sans grande conviction, pour l’IFP. « Il n’y a rien de spécial dans le fait de voter », dit-il désabusé.
Siphokuhle Mfuphi, un agent de sécurité de 33 ans, vit dans une cabane de fortune au pied de l’immeuble. Les politiciens viennent mendier des voix et ensuite, ils disparaissent, lâche-t-il, « on doit changer les choses par nous-mêmes ». Devant les douches où il faut apporter l’eau dans des seaux, un jeune homme de 23 ans, qui porte des tongs, une casquette verte et préfère ne pas donner son nom, ne votera pas: « Ca ne sert à rien ».

© Afriquinfos & Agence France-Presse