Abomey-Calavi (© 2025 Afriquinfos)- Au Bénin, il fait partie des meilleurs écrivains de sa génération. Jeudi 27 février 2025, Daté Atavito Barnabé-Akayi a replongé les amoureuses et amoureux de la littérature dans son univers livresque. A Togbin (Abomey-Calavi), à la lisière de la plage, pendant que la lune s’installait, environ une centaine de personnes sont venues écouter et confronter «le Prix du Président de la République 2017».
Donner la parole aux auteurs en les mettant ainsi sur piédestal, tel est l’objectif du dialogue littéraire. Le dernier numéro en date a mis les projecteurs sur l’écrivain béninois Daté Atavito Barnabé-Akayi, 46 ans. Tout de rouge vêtu, l’auteur de la pièce de théâtre «Le Chroniqueur du PR», sacré vainqueur du concours national de littérature «Prix du Président de la République en 2017», s’est prêté à l’exercice.
Introduit un peu après 19heures sur le mythique podium qui accueille souvent les écrivains, c’est à une chorégraphie taillée sur mesure que Daté a eu droit. «Cette chorégraphie est allée jusqu’à chercher mon panégyrique clanique avec des extraits de mes textes, que ce soient des textes dramatiques, des textes de nouvelles, de poésie», l’auteur s’en est senti chaleureux et bien honoré.
Après une première prise de parole de Daté Atavito Barnabé-Akayi, les élèves de l’Ecole Internationale du Théâtre du Bénin (EITB) ont fait une lecture scénique des extraits d’œuvres de l’écrivain dont la pièce ‘Les Confessions du PR’.
Le silence intéressé du public s’est mêlé à son sourire et son éclat de rire face à un auteur calme qui vivait en live ses propres textes, sa poésie. «C’est une initiative qui vise à faire parler les mots des auteurs béninois», a salué Daté.
La pièce ‘Les Confessions du PR’ est une œuvre qui met en scène l’histoire d’un Chef d’Etat parti se confesser auprès de son principal adversaire politique déguisé en prêtre. L’écrivain, avec une plume à la fois acerbe et pleine d’humour, met ainsi le pied dans un domaine souvent craint sous nos cieux: la politique.
«N’avez-vous pas peur?», lui ont demandé ces auditeurs. «A brebis tondue, Dieu mesure le vent», a répondu l’auteur du recueil de nouvelles ‘L’affaire BISSI’, un autre chef d’œuvre qui raconte l’histoire captivante de sulfureuses aventures.
Un bain littéraire très apprécié
Daté Atavito Barnabé-Akayi est auteur d’une dizaine d’œuvres littéraires de genres variés (roman, nouvelle, poésie, théâtre). Pour lui, tout le monde peut écrire, mais tout le monde ne peut être publié. «Nous sommes en face d’un jeune écrivain de la nouvelle génération qui est en train de s’imposer sur le plan littéraire. C’est un auteur puissant et dense qu’on n’arrive pas à saisir parce qu’il y a beaucoup de non-dits dans ses publications. Il va falloir qu’il réexplique un peu son écriture pour permettre aux élèves et aux lecteurs non avertis de découvrir l’immensité, l’esthétique et la richesse de ses productions. Ce rendez-vous de ce soir nous a permis de redécouvrir l’auteur, ses publications et ses thématiques», a confié Amour Toliton, professeur de français, critique littéraire, nouvelliste et poète.
En plus de la découverte de son univers littéraire, Daté Atavito Barnabé-Akayi a aussi conseillé aux jeunes écrivains en herbe de beaucoup lire, «avant 30 ans» et d’écouter les personnes du troisième âge. «Je pense à sa suite que c’est la bonne manière de devenir un bon écrivain. En effet, nous n’avons pas vécu au temps de nos grands-parents et nous avons donc à en apprendre beaucoup d’eux. J’ai beaucoup apprécié le dialogue, la soirée était géniale», a déclaré Muna Majeed Hasson, chargée de gestion projets internationaux, partenariats et insertion professionnelle à l’Ecole nationale supérieure des arts et des techniques du théâtre à Lyon en France.
Le dialogue littéraire, l’origine du déclic
Ce dialogue est initié par l’Ecole Internationale du Théâtre du Bénin. L’EITB est promue par le renommé metteur en scène béninois, Alougbine Dine. Il explique que l’idée de la création du dialogue littéraire lui a été inspirée au détour d’un débat en pleine pandémie de la Covid-19.
Ce débat portait sur l’importance des écrivains et la rétribution due à ces derniers. «C’est quand même inadmissible dans la mesure où l’auteur qui fournit la matière première, ce qui déclenche en nous des imaginaires afin que nous produisions des spectacles, qu’on le banalise ainsi en disant que ce n’est pas parce qu’on a lu pour quelques minutes le texte d’un auteur qu’il faut le payer. Tout est parti de là», se remémore Alougbine Dine.
Et désormais, c’est devenu une tradition à l’EITB de recevoir des écrivains d’ici et d’ailleurs, de les écouter, de les valoriser. Ce faisant, il s’agit de démontrer que les auteurs sont bien plus importants que ce que certains pensent d’eux.
Parmi les noms ayant pris part à cet espace littéraire, on peut citer l’enseignant et romancier Gaston Zossou, le Professeur des Lettres et écrivain Mahougnon Kakpo («Prix du Président de la République 2015»), Habib Dakpogan (Prix RFI-Théâtre 2018), Sèdjro Giovanni Houansou, le poète et dramaturge Jérôme-Michel Tossavi et bien d’autres.
«On ne va pas se limiter à ça. Après, nous allons monter des documents, en plus d’une exposition itinérante dans les Lycées et Collèges. Ce serait l’aboutissement du projet. C’est pour que les gens puissent connaître davantage nos auteurs, depuis nos enfants dans les Collèges jusqu’à leurs parents», projette Alougbine Dine.
L’Ecole Internationale du Théâtre du Bénin a été mise en place pour faire éclore le théâtre au Bénin et faire en sorte que ce soit un véritable métier pour les jeunes. «Nous y avons mis tout le cœur pour non seulement construire le programme et surtout faire en sorte que ceux qui sortent d’ici soient différents de ceux qui sortent d’ailleurs. En effet, nous devons à tout prix faire une Ecole qui nous ressemble», a expliqué le metteur en scène Dine.
Dans son grand oral au dialogue littéraire de Togbin, Daté Atavito Barnabé-Akayi a d’ailleurs salué la vision, et appelé l’Etat à repenser une Ecole béninoise utile aux Béninois et au Bénin.
Emmanuel M. LOCONON