D. Chapo entre le marteau du Frelimo et l’enclume d’une Opposition contestataire

Afriquinfos Editeur
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Le Président du Mozambique Daniel Chapo (debout) fait un discours lors de sa cérémonie d'investiture, place de l'Indépendance à Maputo, le 15 janvier 2025.

Daniel Chapo, investi mercredi 15 janvier 2025 à la tête du Mozambique à l’issue d’une élection vivement contestée, est un ancien Gouverneur provincial sans expérience de l’État, qui va devoir éteindre la crise suscitée par l’opposition pour restaurer la stabilité.

A 48 ans, le nouveau Président reste largement inconnu dans le pays lusophone d’Afrique australe, où beaucoup ne l’ont découvert que lors de sa désignation surprise en mai 2024 par le parti historique au pouvoir. ‘Unis, nous sommes capables de surmonter les obstacles et de transformer notre douleur en prospérité’, a-t-il prêché lors de son discours d’investiture. Contesté par des mois de manifestations violentes qui ont fait plus de 300 morts selon une ONG locale, dont sept mercredi 15 janvier 2025 lors de nouveaux affrontements, et perturbé l’économie du pays fortement inégalitaire, il n’était pas non plus le candidat préféré du Président sortant Filipe Nyusi, 65 ans.

La passation de pouvoir signe la continuité du parti Frelimo, aux origines marxistes, à la tête du pays depuis son indépendance en 1975, soit un demi-siècle sans alternance politique. Juste avant Noël, la plus haute Cour du pays avait confirmé l’élection de Daniel Chapo avec 65,17% des voix, en dépit des nombreuses irrégularités relevées par plusieurs Missions d’observation internationales. Il devient le premier Président né après l’indépendance du Portugal et le premier à n’avoir pas été un combattant du Frelimo pendant la guerre civile (1975-1992), qui a fait un million de morts et hante encore les esprits.

Le principal opposant, Venancio Mondlane, crédité de seulement 24% des voix mais convaincu qu’il est le réel vainqueur du scrutin du 9 octobre, est rentré au Mozambique la semaine dernière. Il a appelé à manifester jusqu’à l’investiture du Président, menaçant de poursuivre les rassemblements encore longtemps.

Daniel Chapo joue l’apaisement depuis le début des violences, répétant qu’il est prêt à parler avec ‘tout le monde’. Les prochains jours, et l’annonce de son Gouvernement prévue cette semaine, permettront de mieux cerner sa stratégie pour restaurer le calme.

Daniel Chapo, lors d’un meeting électoral à Maputo le 2 octobre 2024.

– « Influençable » –

Diplômé en droit, cet ex-professeur de Sciences politiques et présentateur de radio a sillonné le pays en amont de son investiture. Grand et costaud, Daniel Chapo dominait physiquement ses meetings de campagne où il a fait vœu de ‘travailler avec chaque couche de la société’, faisant miroiter la construction d’écoles et d’hôpitaux et une économie plus robuste. Il a promis aussi d’éradiquer les violences dans la province septentrionale du Cabo Delgado, cible d’attaques par des groupes jihadistes affiliés au groupe État Islamique depuis 2017.

Ce conflit, qui a fait plus d’un million de déplacés et près de 5.900 morts, contrarie les espoirs économiques liés aux gisements de gaz naturel dans l’océan Indien. Le géant français TotalEnergies a notamment gelé l’un de ses projets. Daniel Chapo, entré en politique via des nominations du Frelimo, avait été désigné administrateur du district de Palma (nord-est) en 2015. ‘À l’époque, des projets de gaz naturel étaient en cours de développement’, souligne le chercheur mozambicain Borges Nhamirre. ‘Il a compris comment traiter avec les multinationales localement’.

Gouverneur de la province centrale d’Inhambane depuis 2016, il avait été désigné en mai 2024 candidat à la présidentielle par le Frelimo, après des débats intenses du Comité central et plusieurs votes successifs. ‘Le Frelimo n’arrivait pas à se mettre d’accord, ils ont choisi Chapo pour pouvoir l’influencer. Il ne remet pas en cause les équilibres et sera très encadré’, résume un expert qui souhaite conserver l’anonymat. Pour Borges Nhamirre, il a été choisi in fine parce que ‘les différentes factions du Frelimo ont compris qu’il serait le plus facile à influencer’. Notamment sur la désignation de ministres ou de postes-clefs au sein des Forces de sécurité. 

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