Les pays d’Afrique australe et de l’Est ont nommé trois anciens dirigeants du Kenya, de l’Ethiopie et du Nigeria pour être les « facilitateurs » d’un « processus de paix » en RDC, où le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) est arrivé dans la nuit de lundi à mardi 25 février 2025.
Kinshasa accuse Kigali de vouloir contrôler l’exploitation et le commerce de minerais – dont le sous-sol de l’est de la RDC est riche – utilisés notamment dans les batteries et les équipements électroniques. Le Rwanda dément, et affirme que sa sécurité est menacée par certains groupes armés présents dans la région. Notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), créées par d’anciens responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.
Pour la première fois vendredi 21 février 2025, le Conseil de Sécurité de l’ONU a condamné directement le Rwanda pour son soutien au M23, épaulé sur le terrain par quelque 4.000 soldats rwandais selon des experts de l’ONU. Dans la nuit de lundi à mardi, le Procureur de la CPI Karim Khan est arrivé dans la capitale congolaise Kinshasa, insistant sur l’inquiétude de son institution.
« Un message très clair doit être passé: aucun groupe armé, aucune Force armée, aucun allié d’un groupe armé ou d’une Force armée n’a de chèque en blanc », a-t-il lancé à la presse à son arrivée. Les populations de la RDC sont « aussi précieuses que celles d’Ukraine, d’Israël ou de Palestine, que les filles et femmes d’Afghanistan », a-t-il ajouté.
Face au M23 et à ses alliés rwandais, la SADC a déployé une mission militaire dans l’est congolais, comptant des soldats d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi. Ce dernier pays, a demandé à ses militaires de se préparer à quitter la RDC. Mardi, l’Armée sud-africaine a annoncé que des soldats sud-africains « gravement blessés » ont été évacués. Quatorze militaires de Pretoria ont été tués depuis le début de l’année 2025 en RDC. Les récents combats font craindre une répétition de ce que l’on a appelé la deuxième guerre du Congo (1998-2003), qui a impliqué de nombreux pays africains et entraîné des millions de morts par la violence, les maladies et la famine.
Le M23 condamné à l’ONU
Le Conseil de Sécurité de l’ONU a condamné vendredi 21 février 2025 pour la première fois directement le Rwanda pour son soutien au M23 qui continue son avancée dans l’est de la République démocratique du Congo, face à une Armée congolaise mal organisée.
La résolution adoptée à l’unanimité « condamne fermement l’offensive et l’avancée en cours du M23 au Nord-Kivu et au Sud-Kivu avec le soutien des Forces de défense rwandaises », dont 4.000 soldats appuient le M23, selon des experts de l’ONU. Elle réclame également le retrait du M23 des territoires dont il a pris le contrôle, notamment Goma et Bukavu, et appelle les Forces armées rwandaises à « cesser leur soutien au M23 et à immédiatement se retirer du territoire de la RDC, sans préconditions ».
Le Conseil s’était jusqu’à présent contenté de dénoncer les violations de l’intégrité territoriale de la RDC, sans nommer le Rwanda. Mais de plus en plus de ses membres dénonçaient publiquement Kigali, à l’exception des membres africains du Conseil qui ont finalement soutenu la résolution. Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a ainsi appelé vendredi à un « cessez-le-feu immédiat » lors d’un appel téléphonique avec le Président kenyan William Ruto.
Après s’être s’emparé fin janvier 2025 de la grande ville de Goma, le M23, qui a repris les armes en 2021 dans l’est de la République démocratique du Congo – région en proie à des conflits depuis trois décennies – a pris dimanche 16 février Bukavu sans rencontrer de fortes résistances. Le groupe armé continue depuis sans entrave sa progression dans plusieurs directions. « Quasiment, plus aucun militaire congolais ne combat » face au M23, a noté vendredi 21 février un observateur, « les seuls qui combattent encore sont les Wazalendo », des miliciens locaux progouvernementaux.
Des « affrontements quasi-quotidiens » ont opposé ces derniers jours M23 et Wazalendo à Masisi, localité à quelque 80 km au nord-ouest de Goma, indiquait Médecins sans frontières (MSF) jeudi 20 février.
Même scénario ailleurs depuis la chute de Bukavu: les Forces armées congolaises (FARDC) et miliciens alliés refluent sans réellement résister, se livrant au passage à des exactions et pillages. Le conflit a poussé en deux semaines quelque 42.000 personnes, en majorité des femmes et des enfants, à trouver refuge au Burundi voisin, a alerté ce vendredi 21 février le HCR (Haut-Commissariat pour les réfugiés), soulignant un afflux « inédit depuis 25 ans ». Environ 15.000 personnes ont en outre fui depuis janvier 2025 vers d’autres pays frontaliers, dont plus de 13.000 en Ouganda, selon l’Agence onusienne.
Le HCR s’attend à voir l’afflux vers le Burundi croître encore à mesure que le M23 se rapproche d’Uvira, ville à la pointe nord-ouest du lac Tanganyika et face à Bujumbura, capitale économique burundaise. Joints ces derniers jours par l’AFP, des habitants ont décrit un « chaos ».
« Ca fait environ une semaine que je suis enfermée dans ma maison », raconte l’un deux. « La circulation est toujours paralysée, c’est une confusion totale ». Selon une source municipale, un « calme précaire » régnait vendredi à Uvira, où le commandant militaire de la zone a pris des « mesures pour sécuriser la population et leurs biens » et des « éléments indisciplinés ont été arrêtés ».
– Troupes ougandaises
A 250 km au nord de Goma, le M23 se trouvait vendredi à une quinzaine de km du centre de Lubero, où tirs et pillages ont accompagné jeudi la fuite des soldats congolais, selon des habitants. Signe de la débâcle, le porte-parole des Forces armées congolaises dans la région a exhorté jeudi sur les ondes locales les soldats fuyards à retourner « auprès de leurs autorités ». Les commerçants de Lubero-centre ont commencé à évacuer leurs marchandises dès mercredi 19 février et les écoles sont fermées, selon des habitants et des sources sécuritaires. Un calme relatif est revenu jeudi soir grâce au déploiement de troupes de l’Ouganda voisin (UPDF), officiellement dans le cadre d’une opération conjointe avec l’Armée congolaise.
Les analystes s’interrogent sur l’attitude de l’Armée ougandaise en cas de rencontre avec les premières colonnes du M23. Kampala est accusée par les experts de l’ONU d’entretenir des relations avec le M23, tout en cherchant à protéger son influence dans cette zone proche de sa frontière.
© Afriquinfos & Agence France-Presse