Côte d’Ivoire: Radié mais pas résigné, Tidjane Thiam dévoile son «programme présidentiel» 

Sur la question de la décentralisation, Tidjane Thiam veut accélérer le processus, renforcer le pouvoir des collectivités locales, transférer effectivement la capitale à Yamoussoukro pour désengorger Abidjan et construire une défense nationale moderne.

Afriquinfos.com
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le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI)
le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI)

Tidjane Thiam défie-t-il la Justice et les lois de la Côte d’Ivoire, pays qu’il ambitionne diriger un jour? Écarté de la course à la présidentielle du 25 octobre 2025 à la suite d’une radiation de la liste électorale, Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, ne désarme pas. Il compte bien être le candidat de son parti à la présidentielle : « je n’accepterai pas cette radiation ». Loin de se retirer de la scène politique, Tidjane Thiam a intensifié ses apparitions publiques ces derniers temps, déterminé à faire entendre sa vision pour la Côte d’Ivoire. Le jeudi 1er mai 2025, lors d’un direct sur TikTok, l’ancien patron du Crédit Suisse a levé le voile sur ce qu’on pourrait appeler « son programme présidentiel ». Dans un ton assumé, Thiam a dévoilé les grands enjeux de la Nation, dénonçant au passage ce qu’il qualifie de “manœuvre politique” orchestrée par le pouvoir en place pour l’écarter d’une compétition où, selon lui, il faisait figure de favori.

Un projet de réconciliation régionale et intérieure

Sur le plan géopolitique, le successeur d’Henri Konan Bédié à la tête du PDCI-RDA plaide pour une Côte d’Ivoire pacifiée, autant avec elle-même qu’avec ses voisins. « il ne sert à rien d’être une oasis au milieu du désert parce que dans tous les cas le désert gagnera. Il est donc plus intelligent de travailler à transformer le désert en oasis car tout le monde y gagne » a-t-il déclaré. Son ambition ? Faire de la Côte d’Ivoire un moteur de stabilité en Afrique de l’Ouest, notamment à travers une normalisation des relations avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Jeunesse, emploi et patriotisme économique

Pour la Côte d’Ivoire, Thiam compte faire de l’emploi des jeunes une priorité absolue. S’il est aux affaires,  il proposera un vaste plan de soutien aux entrepreneurs ivoiriens inspiré du modèle nigérian, citant l’exemple du milliardaire Aliko Dangote, propulsé par des politiques nationales volontaristes de l’ex chef d’Etat Nigerian Olusegun Obasanjo. 

Industrialisation, souveraineté économique

Fervent défenseur de l’industrialisation, l’ex ministre du Plan et du Développement a rappelé que la Chine, en 1984, avait un PIB par habitant similaire à celui du Burkina Faso. « En 1984, la Chine avait le même PIB par habitant que le Burkina Faso. Grâce à une politique d’industrialisation rigoureuse et nationaliste, la Chine a réussi à sortir 600.000.000 chinois de la pauvreté. Cela est possible en Côte d’Ivoire, avec le président Tidjane Thiam et le PDCI-RDA », a-t-il lancé, en appelant à une stratégie économique rigoureuse et audacieuse pour sortir la Côte d’Ivoire de la pauvreté dont la croissance projetée est de 6,5 % entre 2024 et 2026.

Éducation, santé et justice

Autre point fort de son programme : le retour de l’enseignant au centre du projet républicain. Tidjane Thiam, le premier Ivoirien à réussir le très réputé concours d’entrée à Polytechnique, en France promet de “refaire des enseignants les chouchous de la République”.  Sur le plan sanitaire, Thiam rêve d’une Côte d’Ivoire où “plus aucun citoyen n’a besoin de sortir du pays pour se soigner”, avec des hôpitaux modernes et un corps médical formé localement, mais aux standards internationaux. En matière de justice, Thiam promet l’indépendance totale des magistrats, capables, dit-il, de trancher en faveur d’un simple citoyen contre un membre de la famille présidentielle. 

Guerre contre la corruption. Révolution numérique

Pour lutter contre la corruption, il préconise une digitalisation intégrale de l’administration publique. “Quand les fonctionnaires sont milliardaires, le peuple est misérable”, a-t-il déploré. « En 2023, le rapport du FMI indiquait que la corruption et le blanchiment des capitaux faisaient perdre 1300 milliards à la Côte d’Ivoire, soit 4% de PIB », avait déclaré Christian Delmotte, président de la Chambre  de commerce européene en Côte d’Ivoire (Eurocham). C’était le, 17 avril 2025, à l’occasion de la 4ème édition du Networking Cocktail mensuel de l’Eurocham, à Abidjan-Cocody, autour du thème : « Ethique & Gouvernance ».

A quand la décentralisation ? Quid de la défense ?

Sur la question de la décentralisation, Tidjane Thiam veut accélérer le processus, renforcer le pouvoir des collectivités locales, transférer effectivement la capitale à Yamoussoukro pour désengorger Abidjan et construire une défense nationale moderne. Fort de son expérience dans le secteur de la technologie militaire, le diplômé de l’école des Mines de Paris appelle à une “capacité dissuasive compétitive” pour l’Afrique.

Depuis le 22 avril 2025, Tidjane Thiam est officiellement radié de la liste électorale, et donc inéligible. Malgré cette décision de justice, les partisans du parti de Félix Houphouët Boigny restent fermes et intransigeants : « Il n’y a pas de plan B », avait prévenu le porte-parole du parti, Soumaïla Bredoumy, devant la presse.

La disqualification de Tidjane Thiam est intervenue une semaine seulement après que son parti l’ait confirmé comme candidat à la présidence. Loin d’être vaincu, Tidjane Thiam semble vouloir transformer cette exclusion en levier politique. À sept mois de l’échéance électorale, son message est clair : l’homme veut rester dans la course. D’ailleurs il le dit haut et fort : « Ce n’est pas au régime de choisir qui dirige les partis d’opposition. Ce n’est pas au régime d’éliminer les leaders de l’opposition ». Tidjane Thiam, chef du principal parti d’opposition ivoirien, a aussi déclaré qu’il ne céderait pas sa place sur le bulletin de vote présidentiel sans se battre.

Cet énième bras de fer entre le PDCI-RDA et la justice, à quelques mois du scrutin présidentiel, alimente les inquiétudes sur l’environnement électoral en Côte d’Ivoire. L’exclusion de Tidjane Thiam, président du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), de la liste électorale – et d’autres poids lourds comme Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro –  fait resurgir les tensions politiques dans un pays dont l’histoire électorale récente est marquée par des crises violentes. Depuis l’introduction du multipartisme en 1990, les scrutins présidentiels en Côte d’Ivoire sont rarement synonymes de stabilité. L’élection d’octobre 2000, par exemple, avait dégénéré en violences après l’invalidation de plusieurs candidatures, dont celle d’Alassane Ouattara, aujourd’hui président, par la Cour suprême, provoquant une crise politique majeure.

Le scrutin de 2010, quant à lui, a débouché sur une guerre post-électorale sanglante, causant plus de 3 000 morts selon les Nations unies. Plus récemment, l’élection présidentielle de 2020 a été marquée par le boycott de l’opposition et de violents affrontements. La décision d’Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat (ou le premier mandat de la 4è République, c’est selon …), a été jugée anticonstitutionnelle par ses adversaires, provoquant des manifestations réprimées. L’ONG Human Rights Watch avait documenté plusieurs cas de violences, d’arrestations arbitraires et de restrictions à la liberté d’expression lors de cette période.

DOH Bi Tah Augustin