Coopération Afrique-Pékin: Dix ans de succès des ‘Nouvelles routes de la soie’ sur le continent africain

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Pékin (© 2023 Afriquinfos)- Le président lançait Xi Jinping, le 7 septembre 2013, ce projet alors baptisé « One Belt, One Road » (« Une ceinture, une route ») lors d’une intervention à Astana, au Kazakhstan. Dix ans après, ce projet titanesque, faisant référence à l’époque de Marco Polo, a entraîné la Chine dans une aventure inédite de son histoire.

En une décennie, Pékin a investi 1.000 milliards de dollars dans 150 pays d’Asie, d’Europe, en passant par l’Afrique. Lignes ferroviaires, ports, pipelines, ponts suspendus, autant de chantiers qui ont facilité le commerce chinois vers l’Europe, mais pas seulement. Et le champ d’action s’est élargi à l’agriculture ou aux télécoms.

Aujourd’hui, plus de 150 pays ont adhéré à ce qui est devenu un label et, surtout, un réseau complexe de corridors terrestres et maritimes à l’échelle du globe.

Et pour cause, si Pékin y trouve son compte, les populations locales beaucoup moins, nombre de pays se retrouvant étranglés par leur dette.

Mais un peu partout en Afrique, on renégocie pour éviter le défaut de paiement. Et en Asie centrale aussi, la mainmise chinoise agace. S’agissant de l’Europe, Pékin a certes pris position en relançant le port du Pirée. Mais la Grèce n’est plus en faillite et se tourne vers d’autres investisseurs. Idem pour l’Italie qui se retire de son accord très décrié avec la Chine, faute de résultats et parce que Pékin est plus vu aujourd’hui comme un rival.

Pour autant, la Chine aura beaucoup gagné en dix ans dans toute cette affaire. Si on prend un peu de hauteur, le constat est net : la Chine s’est rendue incontournable dans des régions où elle ne pesait rien, en Afrique, en Amérique latine. Ses entreprises trouvent des débouchés, et des matières premières, quand l’influence des Européens décline.

Et politiquement, ça compte plus que tout pour le président chinois, les routes de la soie ont permis de lutter contre l’hégémonisme américain, avec la plus grosse opération mondiale depuis le plan Marshall. Alors certes, aujourd’hui, Pékin est plus préoccupé par sa bulle immobilière et revoit ses ambitions à la baisse. Mais on attend toujours une réponse à la hauteur, des Etats-Unis comme de l’Europe.

Le 7 septembre 2013, lors d’une visite d’État à Astana, capitale du Kazakhstan, Xi Jinping  lançait un discours dans l’amphithéâtre de l’Université Nazarbayev. « Construisons ensemble une ceinture économique le long des routes de la soie. » C’est par ces mots que le dirigeant chinois a lancé à la tribune son projet pharaonique. A cette minute, personne ne peut prévoir sa future dimension planétaire, tentaculaire, en l’espace d’une décennie.

mois après, le président chinois se trouve à Jakarta. Autre discours, devant le Parlement indonésien cette fois. « Construisons ensemble une route maritime de la soie du XXIe siècle. » Le nom du grand projet est trouvé : « Une route, une ceinture », « One Belt, One Road » ou Obor en anglais.

Le terme « routes de la soie » a été inventé en 1876 par l’Allemand Ferdinand von Richthofen. À l’heure où les puissances du Vieux Continent rêvent d’un chemin de fer eurasiatique, le géographe met un nom sur ce réseau au long cours qui a longtemps traversé le désert depuis la Chine pour acheminer les marchandises jusqu’à l’Europe. Deux empires qui organisaient le commerce mondial et en tiraient profit. Le réseau aurait fonctionné à partir du IIe siècle avant Jésus-Christ jusqu’au XVe de notre ère, début des grandes conquêtes colonisatrices des Européens.

Bilan contrasté en Afrique

Elles sont désormais un label qui s’écarte largement de la « route » et de la « ceinture », allant jusqu’en Amérique du Sud. Elle regroupe une majorité écrasante de nations du « Sud global », ces pays en développement souvent frustrés par l’ordre économique mondial dominé par les Occidentaux et les Mais à partir de 2016, les critiques émergent. « Les routes de la soie font face à un énorme problème de visibilité et d’image internationale, rappelle Nadège Rolland, chercheuse au think tank américain National Bureau of Asian Research. Le port d’Hambantota au Sri Lanka voit ses activités passer sous la coupe d’une entreprise d’État chinoise pour 99 ans. Nombre de pays se rendent compte que les investissements ne sont pas des investissements mais des prêts à des taux d’intérêt qui augmentent, qui vont augmenter leur dette et qui vont être financièrement impossibles à gérer sur le plan national. »Un chercheur indien cristallise ces critiques dans une expression qui fait mouche : la « diplomatie du piège de la dette ». S’ouvrir l’accès à des installations stratégiques en Asie, en Afrique, dans le golfe Persique et jusqu’aux Amériques, tel semble être l’objectif réel de Pékin.

En Afrique, le bilan est plutôt contrasté, remarque Xavier Aurégan, géographe et maître de conférences à l’Université catholique de Lille. D’un côté, la Chine est parvenue à faire intégrer la très grande majorité des pays africains, à l’exception de l’île Maurice et de l’Eswatini – qui reconnaît Taïwan. La Chine a démultiplié ses capacités de financement, largement plus que d’investissement, estampillant également tous les projets infrastructurels comme faisant partie des nouvelles routes de la soie, et même pour ceux lancés avant 2013. De ce point de vue, le projet est relativement un succès.

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