Par Raphaël MVOGO
Organisées en associations ou non, les femmes tant en milieu rural qu'urbain, opèrent dans ce créneau où elles récoltent de précieux revenus leur garantissant une autonomie financière dans un pays dont elles représentent la principale force productrice, notamment en matière d'agriculture paysanne.
A Ebang, localité située à la périphérie ouest de Yaoundé, Victorine Ateba épouse Betene en est une illustration. Spécialisée dans la fabrication et le commerce des bâtons de manioc, très répandus dans la région du Centre du Cameroun, cette quadragénaire affirme assumer avec bonheur son "métier" depuis quatre ans.
"C'est un commerce qui paie, parce que depuis quatre ans je suis en train de faire certaines réalisations. Je livre en Château Rouge en France (quartier populaire de Paris qui accueille une forte communauté camerounaise et africaine, ndlr), je livre en Suisse", a-t-elle confié dans un entretien à Xinhua.
Pour les deux destinations de commandes citées, les expéditions ont lieu trois fois par semaines, lundi, mercredi et vendredi. " Aujourd'hui, je vais livrer 600 bâtons. Il y a des jours où je livre 1.000 ou 2.000 bâtons, selon la commande", précise-t-elle. Parmi la clientèle, figurent des Camerounaises qui ont exporté cet aliment en France.
"Je ne travaille pas seule, je travaille souvent avec 15 à 20 personnes, mes enfants et mes coépouses", témoigne cette mère de huit enfants. Entre 50 et 100 sacs de kilos, Victorine se ravitaille en matière première, le manioc déjà transformé en pâte, à Sa'a, autre localité distante d'une centaine de kilomètres d'Ebang.
De dimensions variées, le bâton de manioc est produit dans d'autres régions camerounaises, dont l'Est, le Littoral, l'Ouest, le Nord-ouest, le Sud et le Sud-ouest. Il s'obtient à partir d'une pâte écrasée soit sur une pierre, soit dans un moulin. Cette pâte est ensuite enveloppée dans des feuilles végétale et préparée lors d'une cuisson à vapeur.
Une fois préparé, le bâton de manioc est consommé en complément pour une large gamme de spécialités culinaires : légumes, viandes, poissons, avocats, céréales, fruits (safou), etc. Ce qui atteste que le manioc constitue effectivement la base de l'alimentation pour une grande partie de la population au Cameroun.
En effet, la tubercule de manioc offre une palette de choix de transformation, allant des biscuits à l'amidon, en passant par le tapioca, les chips, les crêpes, les pâtes alimentaires, les pains, les jus naturels, etc. Après les bâtons de manioc, c'est le tapioca, produit principalement dans le Sud-ouest, le Nord-ouest et l'Ouest, qui l'emporte dans la consommation.
Le Cameroun est un important fournisseur de manioc à l'état crupour ses pays voisins, avec en tête le Gabon et la Guinée équatoriale. Mais c'est une affaire relevant d'un secteur d'activités informel, aucune évaluation fiable ne permet d'apprécier son apport à l'économie nationale, ni en termes de quantités réelles produites et commercialisées, ni en recettes fiscales générées.
Conscientes de l'essor commercial remarqué, les autorités de Yaoundé veulent en saisir les opportunités en le rendant formel à travers l'encadrement des producteurs. L'Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) et le Programme national de développement des racines et tubercules (PNDRT) viennent ainsi de mettre au point cinq nouvelles variétés de manioc sélectionnées.
Contrairement aux variétés traditionnelles dont le rendement est limité entre 9 et 10 tonnes à l'hectare, ces nouvelles semences présentées officiellement le 11 septembre dans la capitale du pays offrent des rendements allant de 25 à 27 tonnes à l'hectare et une récolte au bout de 12 mois, au lieu de 18 auparavant, d'après les chercheurs.
Sur les enjeux de cette opération, le ministre de l'Agriculture et du Développement rural Essimi Menye n'y va pas avec le dos de la cuillère : "C'est, soutient-il, par le manioc que nous allons développer l'industrie au Cameroun, parce qu'il faut le transformer, mais à une condition : produire abondamment, pour qu'il n'y ait plus de rupture".