Bujumbura (Afriquinfos 2017) – L’Organisation des Nations unies (ONU) est très préoccupée par la situation des droits de l’Homme au Burundi. Elle l’a fait savoir en demandant aux autorités de revoir leur récente décision qui a consisté à radier l’Iteka, la plus ancienne ligue burundaise des droits de l’Homme.
«Nous demandons au gouvernement de revenir sur sa décision et de reconsidérer aussi les restrictions imposées à d’autres organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile sanctionnées depuis trois mois», a déclaré Farhan Haq, Porte-parole adjoint de l’ONU.
Selon les Nations unies, rien ne saurait justifier cette radiation de l’Iteka (qui signifie «dignité» en Kirundi, la langue nationale) qui milite depuis 1991 pour le respect des droits et de la dignité humains.
Pour Farhan Haq, l’ONG Iteka «accomplit un travail essentiel pour surveiller et documenter les violations des droits de l’Homme commises au Burundi». De son côté, le gouvernement a justifié sa décision. «Attendu que malgré une mesure de suspension provisoire, cette association n’a pas cessé les agissements pour lesquels elle avait été suspendue (…) et a continué à ternir l’image du pays et à semer la haine et la division au sein de la population du Burundi (…), Iteka est définitivement radiée de la liste des Associations sans but lucratif (ASBL) œuvrant au Burundi», s’est défendu le ministère burundais de l’Intérieur, suite à une ordonnance rendue publique sur un site d’information proche du pouvoir.
Mais pour Anschaire Nikoyagize président de l’Iteka (qui vit en exil), il ne fait l’ombre d’aucun doute que son association est devenue la cible que les autorités cherchaient depuis à abattre. «Nous ne sommes pas surpris par cette décision (…). Elle vient confirmer que le pouvoir burundais continue de tout mettre en œuvre pour que ses graves violations des droits humains ne soient plus reportées et pour échapper à l’attention de la communauté internationale», a-t-il réagi.
Continuer le travail entamé pour les droits humains
Pour autant, cette décision ne va pas «étouffer» Iteka. Selon son président, l’ONG continuera par publier des rapports en dépit des risques. «Cela va (désormais) être malheureusement plus dangereux pour nos équipes qui sont sur le terrain (…). Mais, nous n’allons pas renoncer à notre mission. Nous nous y sommes préparés et nous allons continuer à travailler dans la clandestinité», a promis Anschaire Nikoyagize.
Cette décision du Gouvernement burundais est une mesure de représailles à l’encontre de l’association des droits de l’Homme. Longtemps dans le viseur des autorités, le «rubicond» a été franchi en novembre dernier. L’Iteka en collaboration avec la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) avait publié un rapport accablant sur la situation au Burundi depuis l’escalade de la violence en 2015 (plus de 500 morts et 300.000 déplacés). Le rapport fait état de nombreuses exactions commises par le pouvoir en place, notamment des arrestations, des disparitions d’opposants, ainsi que la psychose instaurée par les autorités burundaises.
Avec cette radiation, l’Iteka rejoint la liste des ONG indépendantes qui ont été dissoutes sous le président Pierre Nkurunziza. A cela, s’ajoutent des leaders de la société civile et des responsables des médias qui ont été contraints à l’exil.
Bella Edith & Anani GALLEY