Abidjan (© 2024 Afriquinfos) – L’homme n’est pas très grand de taille, ni particulièrement imposant, mais sa parole porte. Il a le verbe haut et des prises de parole qui ne passent pas inaperçues en Côte d’Ivoire. Voici le portrait d’Assalé Tiemoko, un homme politique qui marche à contre-courant pour faire valoir ses convictions. Il se veut emblématique dans la nouvelle classe politique émergente dans le paysage politique ouest-africain.
Assalé Tiemoko est Journaliste d’investigation et Juriste de formation. Il a été chef de département chargé des Ressources Humaines et des Affaires Juridiques du Groupe de presse « Le Réveil ». Il a occasionnellement écrit des articles pour le quotidien « Le Nouveau Réveil ». C’est d’ailleurs l’une de ses publications qui lui a valu sa première expérience carcérale à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA).
« La prison ne m’empêchera pas de penser »
Alors qu’il avait 32 ans, le 4 janvier 2008, et responsable d’une association de lutte contre les injustices et le chômage appelée « Ma Vie est dans ma Prise de Conscience », Assalé Tiemoko fut condamné à 12 mois de prison ferme après avoir publié un article intitulé « La justice, les criminels et la corruption » le mois précédent dans une tribune libre du journal «Le Nouveau Réveil». Faisant appel à l’image et aux sous-entendus, il faisait croire à une histoire imaginaire dans un pays factice baptisé « Côte de Mastodontes ». Dans cet article, certains y avaient vu Assalé Tiemoko s’en prendre à la Chancellerie ivoirienne, ses cadres et au Procureur de la République Tchimou Raymond Féhou, ainsi qu’à d’autres Magistrats sous l’ère Laurent Gbagbo.
L’actuel député maire de Tiassalé traitait ses personnages de « corrompus jusqu’à la moelle épinière ». L’article affirmait, sans preuves, que « ces hauts cadres prennent de l’argent aux prisonniers de la prison civile en leur promettant de faire pression sur les juges d’instruction en charge de leurs dossiers, afin que ces derniers manipulent la procédure et maquillent les crimes en délit pour minimiser les peines ». Pis, il a été illustré d’une photo du ministre de la Justice d’alors, Koné Mamadou, et se terminait par une phrase audacieuse et provocatrice: « Cette histoire est une histoire vraie. Les personnes citées existent réellement, mais toute ressemblance n’est que pure coïncidence. »
Appelé à la barre pour prouver ses propos, Assalé n’est pas parvenu à apporter des éléments de preuve de ses affirmations. Il fut détenu à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan, mais avait prévenu: « Ce n’est pas parce qu’on m’emprisonne qu’on va m’empêcher de penser ».
Ce séjour carcéral lui permet de découvrir «Le Canard enchaîné». Après sa sortie de prison et la crise électorale de 2011, il crée l’hebdomadaire «L’Éléphant déchaîné», la version ivoirisée de ce journal français, qui paraît en Côte d’Ivoire tous les mardis et vendredis. Dans la foulée, Assalé Tiemoko est repéré par l’Ambassade des Etats-Unis en Côte d’Ivoire pour participer à la première promotion des Young African Leaders (YALI), une initiative lancée en 2010 par l’ancien Président américain Barack H. Obama, et qui vise à forger un réseau actif de jeunes leaders africains. Après six (6) semaines de formation à Washington en compagnie de 114 autres jeunes de 46 pays de l’Afrique sub-saharienne, Assalé prend ses marques et se laisse tenter par la politique. Il continue néanmoins de révéler la corruption dans «L’Éléphant Déchainé». Il s’appuie sur ce journal d’investigations pour mettre les pieds en politique, et surtout se faire des contacts dans ce milieu. Du PDCI au RDR en passant par le FPI, il avait reçu des encouragements et aussi des accompagnements financiers pour faire vivre son media. Parallèlement, il crée «SOS Justice Côte d’Ivoire», une ONG qui œuvre pour les droits de l’Homme (prisonniers en particulier) et l’assistance judiciaire.
Ses combats contre l’injustice et la corruption s’intensifient
Malgré les menaces et les ennemis qu’il se fait à chaque parution de son journal, Assalé n’en démord pas. Le directeur de l’hebdomadaire satirique est de plus en plus à l’origine de nombreuses révélations en Côte d’Ivoire et devient un patron de presse qui déchaîne Abidjan. De l’affaire Data Mobile où il a appelé au boycott des opérateurs téléphoniques Orange et MTN, Moov, à la suppression des cotisations « fatidiques » de la COGES, en passant par la proposition de loi pour le retour d’une limite d’âge de 75 ans pour se présenter à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire ou encore l’allongement de la durée du congé paternité ; l’homme est actif, sous le feu des projecteurs et dérange surtout. Il a aussi travaillé sur l’encadrement de l’avortement. C’est encore lui qui a fait déguerpir les orpailleurs clandestins du fleuve Bandama ou demandé à la Compagnie fruitière qui produit et exporte des bananes de revoir ses méthodes de traitement par pesticides.
Sa lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance, ses engagements pour la cause sociale renforcent sa crédibilité auprès des électeurs. La nature ayant horreur du vide, Assalé Tiemoko a su profiter de l’absence des jeunes comme Blé Goudé, Soro Guillaume, Tidjane Thiam… pour se positionner comme le porteur de voix du peuple face aux dinosaures Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo dans un contexte où la population appelait au renouvellement de la classe politique ivoirienne.
Assalé Tiemoko s’est rendu sympathique avec des passages télé et ses descentes sur le terrain. De fil en aiguille, le peuple se retrouve en lui. Puis comme Gbagbo face Houphouët Boigny, Tiemoko a vécu l’enfer de la Maca (prison civile d’Abidjan). Également comme tout homme de gauche, il semble se montrer transparent, dit son salaire devant la Nation à la télé, fait des dons, sans hésiter, et monte directement au créneau sur les réseaux sociaux.
En 2018, malin qu’il est, le « Kirikou », comme le surnomment ses partisans, a su profiter de la déchirure entre le PDCI RDA et le RHDP à Tiassalé sa ville natale pour s’accaparer du poste de maire en tant qu’Indépendant. 3 ans plus tard, en 2021, le peuple l’aide à conquérir le poste de député . En 2023, à l’occasion des élections locales municipales, Assalé Tiémoko Antoine « ridiculise » son adversaire, comme il l’avait promis avec beaucoup de certitude, après l’invalidation des résultats du premier tour sur contestation de Sanogo Alpha Dramane, poulain du RHDP, parti au pouvoir.
Candidat à l’élection présidentielle de 2025
Aujourd’hui, à environ un an de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire, l’homme est devenu célèbre et est une véritable star 3.0 à l’ère du digital. Le peuple ivoirien, et surtout les jeunes, se reconnait en lui, acclame sa bravoure et ses publications sur les réseaux sociaux glanent des millions d’interactions. La rue, les réseaux sociaux l’aiment, Assalé le sait et en joue.
D’ailleurs, il ne cache pas son ambition de se porter candidat en 2025.
Le député de 48 ans, sans étiquette, a officiellement lancé son mouvement politique baptisé « Aujourd’hui et demain la Côte d’Ivoire » le 2 juin dernier. C’était à Yamoussoukro, et non à Tiassalé sa ville natale. Surement pour bénéficier de la charge symbolique et de la bénédiction du père fondateur Félix Houphouët Boigny ? Quoiqu’il en soit, même s’il suscite un véritable espoir auprès de nombreux jeunes ivoiriens, le parcours d’Assalé n’est pas fait que de victoires.
Il fut candidat malheureux aux législatives de 2016 à Tiassalé, avant d’être élu maire en 2018 puis député de la même circonscription en 2021. Il a aussi perdu l’élection à la présidence de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI). C’était le 05 juillet 2024 à Yamoussoukro. Une défaite pourtant prévisible. Mais il y est allé quand même espérant gagner un des hauts cadres du RHDP, le ministre du Transport Amadou Koné. A cette élection, le député-maire de Tiassalé s’est contenté de 24 voix contre 150 pour son adversaire. Le RHDP compte au total 150 maires sur les 201 que compte L’UVICOCI.
Si pour plusieurs acteurs de la scène politique ivoirienne, l’ambition présidentielle d’Assalé Tiemoko ressemble plus à « du bruit pour se faire voir » et « augmenter sa popularité », le principal intéressé, lui, continue d’y croire et ne cesse de tisser sa toile, en attendant 2025.
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