« Dans ce monde, tu as ta place partout »: portée par ce mantra familial, la chanteuse star Angélique Kidjo célèbre les quarante ans d’une carrière qui l’a vue traverser les modes et célébrer l’héritage africain, « berceau » de toutes les musiques.
Qu’elle revisite le Boléro de Ravel, la salsa de Celia Cruz ou David Bowie, en piano-voix ou en orchestre symphonique, la chanteuse aux trois nationalités (béninoise, française, américaine) et cinq Grammy Awards n’a jamais perdu de vue le continent qui l’a vue naître à Cotonou. « Il n’y a aucune musique qui n’a pas sa racine en Afrique », dit à l’AFP l’artiste de 64 ans dont la « tournée des quarante ans », lancée il y a un an à Londres, fait halte lundi 7 octobre à Paris, dans la Sainte-Chapelle, avant de se refermer début novembre au Carnegie Hall de New York. Pas question pour autant de lever le pied. Toujours entre deux avions, Angélique Kidjo travaille à mille projets et vient de finaliser le clip de son duo avec Davido, poids lourd de l’afrobeats, après avoir célébré aux Etats-Unis le centième anniversaire de l’ex-Président Jimmy Carter.
« Ce qui me fait me lever tous les jours, c’est la recherche de ce qui peut nous fédérer« , explique la chanteuse polyglotte, qui peut partager la scène avec le vétéran Carlos Santana ou la sensation nigériane Burna Boy.
Ne lui parlez toutefois pas de « World Music« , l’étiquette sous laquelle elle a éclos en Europe après avoir été repérée par Chris Blackwell, légendaire producteur de Bob Marley. « J’ai toujours détesté ce terme. Pour moi, c’est du ghetto, c’est quand tu ne chantes pas en français ou en anglais, les langues de la colonisation« .
– Chanter avant de parler –
D’où lui vient cette énergie ? Avant de devenir une grande voix africaine aux côtés de son idole Miriam Makeba, Angélique Kidjo a été une enfant asthmatique, élevée à Cotonou dans une famille pauvre et nombreuse mais ouverte sur le monde. « J’ai commencé à chanter avant de parler« , se souvient-elle, au point d’inquiéter ses parents. « Ils avaient peur que je ne parle pas. Mais quand j’ai commencé, ils ont regretté« , s’amuse la sexagénaire au débit de mitraillette, née un jour de fête nationale française en 1960, quinze jours avant l’indépendance du Bénin.
Chez ses parents, les vinyles l’émerveillent et l’interrogent. « Sur 98% des pochettes, il n’y avait que des mecs et j’ai commencé à poser la question: +et les femmes elles sont où?+ », se souvient-elle, évoquant le choc provoqué par Aretha Franklin, première femme noire qu’elle découvrira sur un album. A l’adolescence, Angélique Kidjo écrit ses premières chansons et se fait un nom au Bénin. Mais la pression de la dictature marxiste qui réclame des artistes aux ordres, la contraint à l’exil en France en 1983.
Quarante après, rien n’est oublié. « Quand on a vécu ça et qu’on sait comment notre la liberté est fragile, on ne peut pas se taire« , relève-t-elle. Et elle ne s’est jamais tue, sur scène comme dans les Sommets du G7 ou de Davos où elle tente de secouer les consciences. « Les dirigeants sont remplis de bonnes intentions mais n’ont pas les bonnes informations« , soupire l’artiste, qui a chanté en 2009 pour Barack Obama et, en 2018 à Paris, pour le centenaire de l’armistice devant Donald Trump.
« A Davos, j’ai commencé à me dire: +il y a un truc qui manque: il est où le peuple?+ (…) Si c’est un club où on s’assoit pour se taper dans le dos, les choses n’avancent pas« , dit cette ambassadrice de l’Unicef et fondatrice de Batonga, qui soutient l’éducation des Africaines depuis 2006. Le sort des femmes est son combat de toujours. « Ce qui me tord les boyaux, c’est de voir comment nous faisons du mal à nos enfants« , dit celle qui n’a pas encore résolu l’énigme du sexisme. « La question à laquelle je veux une réponse, c’est: +quelle est la menace que la femme pose à l’homme?+« .
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