Mali : incertitude sur la tenue des élections présidentielles 2012 à cause de la crise du Nord

Afriquinfos Editeur
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Depuis l'attaque de Ménaka, le 17 janvier 2012, dans la région de Gao, au nord du Mali, ce qui était vécu comme une simple éventualité, a éclaté au grand jour comme une réalité indélébile : le réveil de la rébellion. Les attaques que les rebelles ont étendues à d'autres localités du nord du pays, dans les régions de Kidal et Tombouctou, ont fini par convaincre les plus sceptiques qu'il s'agit d'une véritable action militaire qui porte un coup dur à la stabilité du pays, la cohésion et l'unité nationales.

Des craintes avaient été exprimées en octobre dernier avec l’arrivée au Mali, de centaines de militaires du régime déchu du guide libyen, le Colonel Mouammar El Kadhafi, qui sont entrés en territoire malien avec tout leur arsenal de guerre, comprenant des armes de guerre, des engins lourds. Avec la situation d'insécurité dans laquelle se trouvait le nord, due au trafic de drogue, d’armes, la présence d'Aqmi et les prises d'otages, les analystes avertis en étaient arrivés à la conclusion que le nord du Mali réunissait les ingrédients d'une région explosive.

Mais du côté des hautes autorités maliennes, des dispositions suffisantes n'ont pas été prises pour empêcher d'éventuelles velléités irrédentistes de s'exprimer comme c'est le cas aujourd’hui, avec les rebelles du Mouvement national de Libération de l' Azawad (MNLA).

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Dans leur volonté de conquête territoriale, les groupes armés se réclamant du MNLA ont attaqué successivement les camps de Menaka (région de Gao), de Tessalit, d'Aguel'hoc (région de Kidal), d'Anderamboukane (près de la frontière nigérienne), de Tizawaten ( frontière avec l'Algérie) etc. Les assaillants qui revendiquent l' indépendance du nord Mali érigé en territoire de l'Azawad ont attaqué dans ces localités, les positions de l'armée malienne, avec une rare violence, provoquant la mort de nombreuses personnes, des deux côtés.

Aujourd'hui, les victimes ne se comptent plus seulement dans les rangs des militaires maliens et parmi les rebelles, mais aussi, ce sont des milliers de civils qui fuient les combats de titan engagés dans le désert, avec l'utilisation d'armes lourdes y compris des moyens aériens. Ces populations qui se sont constitués en refugiés dans les pays frontaliers du Mali comme la Mauritanie, le Niger, l'Algérie et le Burkina Faso, se comptent par dizaines de milliers.

Au même moment des départs massifs des populations blanches (touareg, arabes, maures..) ont été constatés dans la capitale Bamako, les villes maliennes de Ségou, Sikasso, des villes abritant une garnison militaire, à la faveur des soulèvements des femmes des camps pour demander plus de moyens pour les militaires maliens au front.

Selon des informations qui leur sont parvenues, leurs époux, leurs enfants ou leurs frères qui sont au front ne disposent pas de suffisamment de matériels, comme des armes et munitions pour faire face à des ennemis qui passent à tout moment à l'attaque et qui sont lourdement équipés. Alors les épouses de ces militaires, ainsi que leurs parents dans les camps sont sorties massivement pour battre le pavé et dénoncer cette situation, les mardi 31 janvier, mercredi 1er et jeudi 2 février 2012.

Pendant ces journées mouvementées, certaines personnes se sont laissé emporter par un désir de vengeance, en s'attaquant à des compatriotes qu'elles ont assimilées à des rebelles en raison de leur appartenance ethnique. A Kati, ville garnison de Bamako, un domicile a été saccagé, ainsi qu'une pharmacie et une clinique. Des boutiques appartenant à des maures ont été prises pour cibles. Cette situation d'insécurité totale, à cause de l'amalgame, a fini par déterminer de nombreux touareg et arabes à partir du Mali ou à faire sortir leurs familles.

Le mercredi 1er février, le président de la République s'est adressé à la Nation pour tenter de calmer le jeu. Il a demandé aux populations d'éviter de tomber dans l'amalgame. Le président ATT a essayé de rassurer les épouses des militaires qui demandaient plus de moyens pour leurs époux combattants.

ATT a, au cours de ce discours, réaffirmé « notre soutien indéfectible aux Forces Armées et de Sécurité pour leur engagement sur le terrain. L'Etat mobilisera tous les moyens aux plans de l' équipement, de la logistique et de l'entretien pour leur permettre d'accomplir efficacement leur mission de préservation de l' intégrité territoriale et de protection des personnes et de leurs biens », avait-il rassuré.

Ce discours n'a guère suffit à faire taire les ardeurs des manifestants qui ont remis ça le lendemain, et obtenu de rencontrer ATT jeudi 2 et vendredi 3 février. Par ailleurs, les manifestants s'étaient attaqués à des biens de certain touareg à Kati provoquant des départs massifs.

Le jeudi 2 février, ATT procède à un réaménagement ministériel en changeant de ministre de Défense : Natié Pléah, un civil a été remplacé par le général Sadio Gassama qui était jusque là ministre de la sécurité intérieure et de la Protection civile. Ce département est désormais occupé par Natié Pléah (une permutation). Pendant ce temps, la classe politique a initié un plan d'actions proposant des mesures applicables pour donner une chance au dialogue. Ce plan de paix et de sortie de crise a été remis au président de la République, Amadou Toumani Touré le vendredi 10 février, et selon Dioncounda Traoré, porte-parole des acteurs politiques, sa mise en oeuvre peut commencer.

Il était accompagné de Soumaïla Cissé, Tiebilé Dramé, Choguel Maïga et d'autres chefs de partis parlementaires. Cette rencontre était la deuxième du genre, après celle du samedi 4 février où ATT les avait reçus quand ils sont venus lui présenter ce projet de plateforme de sortie de crise. A cette occasion, le président de la République, avait fourni beaucoup d'informations à la classe politique sur la situation du nord, la situation militaire, celle de l'armée, ainsi que les capacités réelles de celle-ci, par rapport à la rébellion au nord.

Interrogé vendredi 10 février, Dioncounda Traoré s'est montré optimiste, tout en reconnaissant que si la crise perdurait, il y aura lieu de s'interrogé sur la possibilité de tenir des élections normales dans un tel contexte de crise. Cependant, il s'est dit assez confiant de l'armée malienne pour rétablir la paix aussi vite pour que les élections se tiennent en respectant les échéances.