Côte d’Ivoire: Les militaires détenus au Mali bientôt libérés ?

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Abidjan (© 2022 Afriquinfos)- Accusés d’être des mercenaires, 46 militaires ivoiriens sont retenus prisonniers au Mali depuis juillet dernier. Décidé à libérer son contingent, le gouvernement d’Alassane Ouattara entend résoudre ce conflit le plus rapidement possible, en privilégiant l’apaisement et la voie diplomatique.

Ils sont 46 à compter les jours, retenus contre leur gré dans les locaux des gendarmes de Bamako. Le 10 juillet dernier, ces militaires du 8e détachement du National Support Element (NSE), une force armée ivoirienne chargée d’appuyer le contingent allemand de la MINUSMA, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali, ont été appréhendés à leur descente d’avion à l’aéroport de Bamako, la capitale malienne. Des «vérifications» qui ont rapidement mené à leur interpellation en bonne et due forme par les services de sécurité du Mali, qui les ont accusés d’être des «mercenaires» dépêchés pour «troubler l’ordre constitutionnel» du pays.

Alors que les autorités ivoiriennes tablaient sur une rapide libération de leurs hommes, ceux-ci ont été formellement inculpés quelques jours plus tard pour «tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat» malien.

Bamako pousse son avantage, Abidjan temporise

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 Douchant les espoirs ivoiriens d’une rapide sortie de crise, cette judiciarisation de l’affaire par le Mali, dirigé depuis mai 2021 par une junte militaire menée par le colonel Goïta, a sans surprise envenimé les relations entre les deux pays de l’Ouest de l’Afrique. Exigeant la libération «sans délai» de ses soldats, la présidence ivoirienne a affirmé qu’ «aucun militaire ivoirien de ce contingent n’était en possession d’armes et de munitions de guerre». «La Côte d’Ivoire, qui a toujours œuvré au sein des instances sous-régionales, régionales et internationales, pour la paix, la stabilité et le respect de l’État de droit, ne peut s’inscrire dans une logique de déstabilisation d’un pays tiers», s’est aussi défendu le gouvernement d’Alassane Ouattara. Le président ivoirien s’est personnellement impliqué dans la crise, Abidjan estimant que ses hommes sont de véritables otages de la nouvelle junte malienne.

De fait, la junte au pouvoir à Bamako n’a pas tardé, par la voix du colonel Goïta, à évoquer les «contreparties» qu’elle exigeait en échange de la libération des soldats ivoiriens. Le Mali a ainsi demandé l’extradition de plusieurs personnalités politiques maliennes résidant en Côte d’Ivoire, parmi lesquelles Karim Keïta, le fils de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta renversé par les militaires en 2020, et Tiéman Hubert Coulibaly, l’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères.

D’après la junte, la Côte d’Ivoire continuerait «de servir d’asile politique pour certaines personnalités maliennes faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux émis par la justice». «Ces mêmes personnalités bénéficient de la protection de la Côte d’Ivoire pour déstabiliser le Mali», juge encore le régime malien. Des accusations fermement rejetées par la présidence ivoirienne qui, tout en réaffirmant privilégier la solution diplomatique et son souhait d’«éviter la politique du pire», a déclaré à l’AFP que «ce marché est inacceptable». «Cette demande confirme, une fois de plus, le fait que nos soldats ne sont, en aucun cas, des mercenaires mais plutôt des otages» affirmait en septembre dernier, le Conseil National de Sécurité de Côte d’Ivoire.

Ce nouveau conflit diplomatico-militaire n’est qu’une nouvelle illustration de la position, pour le moins complexe et controversée, adoptée par la junte malienne vis-à-vis de la communauté internationale. Une politique de la terre brûlée symbolisée par plusieurs décisions lourdes de sens, comme lorsqu’en janvier dernier Bamako a demandé au Danemark de retirer ses troupes prétendument déployées sur son territoire «sans son consentement».

Le nouveau pouvoir a également précipité le départ des militaires français de la force Barkhane, tout en ouvrant le pays aux paramilitaires du groupe russe Wagner, qui multiplient les exactions contre la population civile. Plus récemment, la junte a interdit à toutes les ONG opérant au Mali grâce à l’appui ou au financement de la France de remplir leurs missions, y compris celles relevant de l’aide humanitaire d’urgence. Une décision que Paris s’est contentée de «regretter» estimant qu’elle intervenait «au détriment de la population malienne».

Ouattara se veut optimiste

Semblant jouer l’enlisement, le Mali a cependant fait un premier pas vers une résolution du conflit en acceptant en septembre de libérer, «à titre humanitaire», les trois femmes membres du contingent ivoirien. Une concession qui n’a pas entraîné d’inflexion de la junte malienne, qui continue de miser sur le pourrissement du conflit, et ce en dépit des diverses tentatives de médiation, au premier rang desquelles celle entreprise par le président du Togo, Faure Gnassingbé.

S’entretenant le 7 octobre avec ce dernier, Alassane Ouattara, pressé par son opposition, a néanmoins déclaré que «les choses évoluent bien», selon lui. Un optimisme qui redonne de l’espoir aux soldats ivoiriens et à leurs familles et qui laisse planer l’espoir d’un retour des otages dans leur foyer d’ici aux fêtes de fin d’année.

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