Hamed Bakayoko, un parcours entre showbiz et politique

Afriquinfos Editeur
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Hamed Bakayoko (L), à l'époque ministre de la Défense, en compagnie du chanteur malien Sidiki Diabate, lors des funérailles du chanteur ivoirien DJ Arafat à Abidjan le 30 août 2019 (AFP).

Derrière l’homme politique de premier plan qu’il était devenu depuis une décennie en Côte d’Ivoire, le Premier ministre Hamed Bakayoko, décédé mercredi à 56 ans, était aussi un passionné de musique et de fête, bienfaiteur des milieux du showbiz, ce qui contribuait à sa popularité.

« Nous, le monde de la musique, on perd un grand frère, un homme sur qui on pouvait s’appuyer. Il était le ministre de la Culture bis », témoigne A’Salfo, le leader du groupe Magic System. « Il aidait énormément les artistes, tous ceux qu’il rencontrait, il leur donnait de l’argent », raconte Ickx Fontaine, un producteur ivoirien influent.

« On va faire comment maintenant ? Quand il y avait un problème, c’était Hamed qu’on appelait et il décaissait les millions » (de francs CFA), s’attriste Arthur 2Tunis, ancien proche de DJ Arafat, chanteur superstar précocement décédé d’un accident de moto en 2019 à Abidjan.

Avant de devenir ministre dans les années 2000, « Hambak » comme les Ivoiriens l’appelaient familièrement, avait été le patron de Radio Nostalgie, une des premières radios privées de Côte d’Ivoire, financée par Dominique Ouattara, qui deviendra Première dame lors de l’accession au pouvoir de son mari Alassane en 2011. C’est grâce à ce poste que Hambak, passionné de musique et grand amateur de fête, s’était construit un puissant réseau d’amitiés dans le milieu du showbiz ivoirien.

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« Il avait une petite boîte de nuit au Plateau (centre d’Abidjan). Après le service, il nous invitait là-bas. Il adorait danser le n’dombolo (dérivé de la rumba congolaise) », raconte une ancienne journaliste de Radio Nostalgie.

Le portrait d’Hamed Bakayoko, brandi le 29 septembre 2018 à Abidjan durant la campagne électorale des municipales (AFP).

– « Levier politique » –

En 2013, « Hambak, devenu ministre de l’Intérieur, « se cachait pour venir danser au Life Star (une des boites de nuit courues d’Abidjan), parce que les ministres n’avaient pas le droit de s’afficher ainsi », se souvient en souriant Ickx Fontaine. Pour plus de discrétion, Hamed Bakayoko s’était finalement fait installer une boite de nuit privée dans sa résidence du quartier huppé de Riviera Golf. « On organisait des fêtes chez lui, il aimait la belle vie, sans complexe, il y avait une vraie sincérité chez lui. Avant d’être un homme politique, c’était un homme de showbiz », constate Arthur2Tunis.

Hamed Bakayoko (G), à l’époque ministre de l’Intérieur, félicite A’Salfo, chanteur du groupe ivoirien Magic System lors d’un concert du groupe à Abidjan le 14 avril 2013 (AFP).

Pour autant, la proximité affichée de Hambak avec le monde de la musique n’était pas dénuée de calcul politique, car elle servait son image d’homme proche du peuple. « Ce n’est pas anodin qu’il ait été un artisan de l’organisation des funérailles de DJ Arafat », dont il était un ami intime, relève l’analyste politique Rodrigue Koné. A son arrivée au grand stade d’Abidjan où se déroulaient la cérémonie musicale de funérailles, Hamed Bakayoko avait fait un tour d’honneur pour se faire acclamer.

« Arafat était une icône des jeunes. Hambak avait les codes pour se connecter à la jeunesse et cette capacité à représenter la jeunesse était un bon levier politique pour lui, dans un pays où il y a une cassure générationnelle entre une population très jeune et un régime gérontocratique », décrypte M. Koné. « Hambak a joué la figure du représentant de la jeunesse auprès du président Alassane Ouattara, représentant de l’élite », conclut-il.

Hamed Bakayoko (C), à l’époque ministre de la Défense, durant les funérailles du chanteur ivoirien DJ Arafat, à Abidjan, le 30 août 2019 (AFP).