Le peintre Ghanéen Boafo dans le cercle des Africains les mieux côtés en 2020

Afriquinfos Editeur
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Vienne (© 2020 Afriquinfos)- Alors qu’une dizaine d’années plus tôt, il travaillait encore pour les pompes funèbres à Accra, le Ghanéen Amoako Boafo fait désormais partie des révélations de 2020 dans le monde de la peinture, grâce à ses œuvres.  En quelques mois, il a réussi à se hisser dans le cercle des artistes contemporains africains les mieux côtés. 

Inspirées de la dernière collection printemps-été 2021 de Dior Hommes, ses créations sont les plus prisées dans les ventes aux enchères en Occident. Un de ses tableaux s’est vendu ce mois-ci à plus d’un million de dollars chez Christie’s.

Initialement, l’homme aujourd’hui âgé de 36, vendait ses tableaux dans les hôtels locaux à vil prix. Jusqu’à ce qu’un bienfaiteur finance son inscription dans une Ecole d’art, d’abord à Accra, puis en 2013 à Vienne, où il a depuis élu domicile.

C’est lors d’une soirée de décembre 2019, en Floride, qu’a démarré sa fulgurante ascension. Le jeune peintre jouit alors d’un «solo show» sur la foire Art Basel Miami Beach, grand-messe planétaire qui attire le gratin des amateurs d’art. Il expose en même temps au centre d’art de Don et Mera Rubell, des collectionneurs américains dont le flair est toujours salué par ce marché. C’est chez eux que Kim Jones (Directeur artistique de Dior Homme) voit pour la première fois son travail. Ce directeur artistique en sera séduit. Il a grandi en Afrique dont il n’a oublié ni les sons ni les couleurs. Sa collaboration avec Boafo sonne d’emblée «comme une évidence». Il a demandé au Ghanéen de collaborer pour créer cette année la collection «Printemps été 2021».

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Le Ghana, pays pas du tout fan du métier d’artiste ? 

«Artiste, ce n’était pas un métier acceptable au Ghana», a confié Amoako Boafo. Malgré ce challenge, il dit non  «aux conventions séculaires de l’Art occidental». L’histoire de l’art, en effet, a été écrite par les Blancs, condamnant les personnes de couleur aux seconds rôles d’esclave exotique. Lui veut rendre aux Noirs leur dignité, traduire leur fierté sans négliger leurs failles.

Un programme éminemment politique que d’autres artistes ont embrassé avant lui, à l’instar de l’Américain Kehinde Wiley ou de la Britannique d’origine ghanéenne Lynette Yiadom-Boakye. Comme eux, Amoako Boafo s’empare des techniques des grands maîtres occidentaux pour révolutionner le portrait et, selon ses mots, «décoder les nuances de la couleur de la peau».

Amoako Boafo dispose d’une technique singulière. S’il utilise les pinceaux pour brosser les fonds et les vêtements, il peint les visages au doigt. «Cela me permet d’obtenir une intensité et une énergie que je n’aurais pas avec une brosse», explique-t-il. «C’est ironique, non ? On vous apprend à utiliser des pinceaux et à la place, je reviens aux racines de la peinture, telle que la pratiquaient les premiers humains», s’enthousiasme l’artiste.

L’art africain, une arme pour dénoncer le racisme en 2020 

Amoako Boafo doit aussi sa notoriété professionnelle à Kehinde Wiley, le premier à le repérer sur Instagram, en 2018. L’Américain, qui vient de réaliser le portrait du président Barack Obama, lui achète une œuvre et conseille à ses quatre galeristes de suivre de près le jeune prodige. Le marchand Bennett Roberts obtempère et, séduit à son tour, l’expose à Los Angeles. Succès immédiat : ses tableaux partent comme des petits pains, autour de 10.000 dollars.

Depuis l’émergence du mouvement «Black Lives Matter», les peintres d’ascendance africaine ont la cote. En février 2020, une de ses toiles, achetée six mois plus tôt, s’adjuge aux enchères pour 880.971 dollars, treize fois son estimation. En septembre, en pleine pandémie,  son exposition chez Mariane Ibrahim fait un tabac. Le Lacma de Los Angeles et le Guggenheim de New York achètent ses tableaux, dont les prix s’échelonnent alors entre 160.000 et 185.000 dollars.

Aujourd’hui, Amoako Boafo souhaite que sa soudaine renommée profite à ses pairs africains. En 2021, il ouvrira à Accra une résidence d’artistes dessinée par l’architecte star ghanéen David Adjaye. Un lieu qu’il conçoit comme un contre-pied au marché, «qui n’est que bruit», un havre «où les artistes pourront travailler avec des gens qui les ressemblent». «Je veux que la jeune génération ait d’autres choix que de quitter le continent pour avoir des opportunités professionnelles, qu’elle comprenne qu’il ne faut pas perdre confiance et rester toujours concentré sur son métier».

Innocente Nice