"Depuis les émeutes de 2008 qu'on a appelées les émeutes de la faim, on a baissé les prix. Ce sont ces prix qui ont cours jusqu'à présent", a souligné le directeur technique de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), Boniface Ze, lors d'une conférence lundi en marge du 4e Salon international de l'entreprise de Yaoundé (Promote 2011).
Pour un litre de super en particulier vendu 569 francs CFA (1,138 USD) à la pompe, les pouvoirs publics camerounais subventionnent pour environ 230 francs (0,46 USD), relevait déjà récemment face à la presse le ministre des Finances, Essimi Menye. Après le Gabon à 510 francs (1,02 USD), c'est l'un des prix les bas de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC).
Or, entre 2008 et 2011, les cours du baril de Brent sont passés de 99,63 USD à 108,8 USD, a rappelé Boniface Ze. "En 2008, a-t-il précisé à ce propos, une tonne métrique de super valait 871,21 dollars. En 2009, ça a baissé à 547,15 dollars pour remonter fortement en 2010 à 726 dollars et exploser en 2011 à 975,93 dollars, alors que les prix intérieurs sont restés figés".
Les mêmes paramètres, a-t-il encore observé, concernent le pétrole y compris le gasoil. "Même sur le plan international, le pétrole, qui coûte moins cher ici, vaut plus. En 2008, quand le super était à 871, le pétrole était déjà à 1026 dollars la tonne métrique. Ça a fortement baissé en 2009 pour remonter en 2010 et monter un peu plus en 2011 à 990,47. Pour le gasoil, c'est la même chose".
Dans l'ensemble, les cours mondiaux du baril de Brent ont accru de plus de 196% depuis 2002 dans un nouveau contexte de crise pétrolière totalement différente des précédentes en 1973 et 1979 qui avaient enregistré une hausse des prix de 160% et 108%. "La crise actuelle est plus importante que les précédentes et elle est à durée plus longue : 72 mois contre 10 mois en 1972 et 9 mois en 1979", a remarqué Ze.
Comme mesures pour ménager les consommateurs et préserver la paix sociale, mise à rude épreuve lors des émeutes de février 2008 contre la vie chère, le pouvoir camerounais recourt souvent, soit à une réduction des impôts et taxes perçus sur la filière pétrolière, soit à des subventions directes accordées sur les prix à la pompe.
"On est très souvent obligés de recourir aux emprunts extérieurs et intérieurs. Et c'est ce qui alourdit le fardeau de la dette (publique de l'Etat, ndlr). Alors qu'il suffit d'enlever la subvention pour que le Cameroun n'ait plus besoin d'avoir des financements extérieurs", a assuré le directeur technique de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures.
Pour Boniface Ze donc, la subvention devient de plus en plus élevée et de moins en moins tenable sur le plan budgétaire. "Oui, nous allons augmenter. Ce n'est pas sous la pression du FMI (Fonds monétaire international, ndlr), c'est par réalisme budgétaire. Mais, nous n'allons pas arriver de suite au niveau des autres, l'augmentation sera progressive", a-t-il annoncé répondant à une question de Xinhua.
Opposé aux subventions déclarées pour lesquelles il recommande plutôt d'être réorientées en faveur des réalisations dans les secteurs sociaux, le FMI n'a pas arrêté d'interpeller les autorités de Yaoundé pour une hausse des prix à la pompe pouvant atteindre 800 francs CFA (1,6 USD) le litre de l'essence super.
A en croire Boniface Ze, la hausse des prix envisagée se fera de manière concertée. Récemment, le ministre des Finances a rencontré les acteurs sociaux pour leur proposer de réfléchir de leur côté sur les mesures à prendre pour baisser les subventions. Aucune indication sur la structure des prix revus à la hausse n'est encore donnée.
Ze prévoit déjà, pour les mesures d'accompagnement de la future décision gouvernementale, la génération du transport en commun et l'amélioration du réseau routier "Comme il n'y aura plus de subvention, cet argent qu'on aurait dû mettre dans la subvention, dit-on, on va faire de meilleures routes et ces meilleures routes peuvent accueillir des bus, c'est-à-dire développer le transport en commun. L'offre de transport sera bonne et abondante. Ça va tirer les coûts vers le bas".
Par ailleurs, "on devrait pousser les Camerounais à changer le parc automobile. Quand vous avez des voitures neuves, elles consomment moins et mieux. On parle aussi de la diésélisation du parc. A long terme, il faudrait développer les énergies alternatives, surtout les énergies renouvelables, pour être de moins en moins dépendants des énergies fossiles, c'est-à-dire les produits pétroliers".
La réflexion fait aussi penser que, "au lieu d'avoir des centrales thermiques par exemple qui tournent au gasoil ou au fuel, on va avoir par exemple des centrales thermiques qui tournent au gaz naturel".
Pour l'heure, le Cameroun produit 80.000 barils de pétrole par jour. Il s'agit du brut lourd réputé de très bonne qualité qui, faute d'une raffinerie appropriée, n'est cependant pas utilisé directement pour les besoins de la consommation locale estimée à un million de tonnes par an.
D'une capacité de production annuelle de 2,1 millions de tonnes par an, la Société nationale de raffinage (SONARA), qui importe plus de 90% de sa matière première, à savoir le brut léger en provenance principalement du Nigeria et de la Guinée équatoriale, pourrait réponde à ces besoins. A la demande de la Banque mondiale, une libéralisation du secteur pétrolier aval opérée en 1998 a donné lieu à une ouverture de 20% du marché d'approvisionnement.