Portrait de la première Noire mairesse de Johannesburg

Afriquinfos Editeur
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Johannesburg (© 2021 Afriquinfos)- L’ANC a perdu le contrôle de la capitale économique Johannesburg le 23 novembre 2021. Le parti a  subi un revers historique lors des élections locales début novembre, en passant pour la première fois sous la barre des 50% à un scrutin. Le conseil municipal a plutôt choisi Mpho Phalatse, une femme noire issue du premier parti d’opposition l’Alliance démocratique (DA), pour être à la tête de la mairie de  Johannesburg.  

Mpho Phalatse ne s’attendait pas à ce retournement. Son parti, DA (l’Alliance démocratique), n’avait obtenu que 71 sièges sur 270 au sein du conseil de Johannesburg. Lors du vote, elle a devancé le candidat de l’ANC, grâce à 144 voix en sa faveur. Médecin de profession, elle devient ainsi la première femme maire de la ville depuis 1946, après avoir été conseillère municipale pendant cinq ans.

À 44 ans, elle devient la quatrième maire de Johannesburg en un an. Elle n’hésite pas à imposer ses vues au sein de son parti, en l’appelant par exemple à s’excuser le mois dernier, lors d’une campagne d’affichage jugée raciste. Mais elle est aussi parfois rattrapée par sa parole trop libre, notamment pour des propos pro-Israël tenus en 2018 qui lui ont valu d’être suspendue quelques jours. Historiquement considéré comme le parti de la classe moyenne blanche, DA a attiré quelques groupes issus de la communauté noire, mais jusqu’à très récemment, il y avait trop «de faux pas», de scandales racistes pour les garder longtemps. Quelque chose qui pourrait changer avec Mpho Phalatse.

Une carrière dédiée à la médecine et la politique

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Née à Tshwane, le 7 novembre 1977 de deux parents enseignants, Mpho Phalatse a affronté les tribulations communes à la majorité noire et pauvre du pays. Mais, très tôt, la jeune fille fait siennes les ambitions de sa grand-mère, avec qui elle passe une grande partie de son enfance, et de ses parents qui souhaitent une meilleure vie pour leur fille. Etudiante opiniâtre, elle obtient son baccalauréat en 1994, puis entre à l’Université de Witwatersrand pour étudier l’ingénierie chimique en 1995. Cependant, après une longue réflexion, elle souhaite rejoindre une carrière où elle se sentirait plus utile aux gens. C’est ainsi qu’elle se retrouve en cours de médecine, à l’Université Sefako Makgatho.

En 2005, elle décroche son diplôme de médecin et commence un stage à l’hôpital Tembisa, dans la province du Gauteng. Elle offre ensuite ses services dans plusieurs cliniques de la région, tout en suivant des cours de gestion de projet. Elle finit par obtenir un diplôme de troisième Cycle en gestion de projet et un diplôme de médecine. En parallèle avec sa carrière de médecin, elle explore des modèles de prestation de services dans différents contextes, et crée une entreprise offrant des services de conseil en matière de handicap.

En parallèle avec sa carrière de médecin, elle explore des modèles de prestation de services dans différents contextes et crée une entreprise, offrant des services de conseil en matière de handicap.

Son attirance pour la politique se manifeste lorsque les conditions de vie de la communauté accueillant la clinique Alex, située dans le township éponyme, où elle est en service, se dégradent, notamment à cause de la mauvaise gouvernance. Elle adhère alors à l’Alliance démocratique, dans le but de contribuer à la restauration du township. Finalement, son engagement lui permet d’être élue pour représenter son parti au sein de la Commission municipale.

Contribuer à la restauration du township

Egalement conseillère de la DA à Johannesburg pour la santé et le développement social, elle participe à l’extension des heures de service dans les cliniques et élabore une stratégie multidimensionnelle de prévention et de traitement de la toxicomanie. Très respectée au sein de la DA, elle n’hésite pas à faire entendre ce qu’elle pense. Elle a notamment été brièvement suspendue, en 2018, pour avoir fait savoir au maire Herman Mashaba « que la ville et elle étaient amis d’Israël ».

Une autre fois, elle n’a pas hésité à demander à son parti de présenter ses excuses lorsqu’il s’est retrouvé empêtré dans des scandales racistes. Une franchise lui permettant néanmoins de rallier à sa cause d’autres partis, sans lesquels elle n’aurait pas pu battre l’ANC. Sa nouvelle tâche ne s’annonce pas moins colossale.

Mpho Phalatse se retrouve à la tête d’une ville qui génère 15% du PIB du pays, selon les statistiques locales. Elle doit non seulement composer avec les partis l’ayant aidée à parvenir au fauteuil municipal, mais également faire face à la montée de la criminalité à Johannesburg, sous peine de se voir bientôt critiquer comme ses prédécesseurs. Jusque-là, le parti de Nelson Mandela avait remporté tous les votes à la majorité absolue depuis les premières élections démocratiques du pays le 27 avril 1994.

En Afrique du Sud, contrôler la mairie de Johannesburg, la plus grande ville du pays, a toujours été un motif de fierté pour l’ANC. A l’heure de la perdre, la formation de Madiba mesure le fossé qui s’est creusé entre ses cadres et son électorat qui a tourné le dos au parti, à la tête cette municipalité depuis les premières élections démocratiques et multiraciales de la Nation arc-en-ciel en 1994.

Innocente Vignikpo